Magazine Humeur

321 - Boualem Sansal en Israël

Publié le 23 mai 2012 par Ahmed Hanifi

1- Boualem Sansal est un homme libre. Il voyage où bon lui semble. Je comprends parfaitement qu’il veuille débattre de ses romans où il veut. Personnellement, pour raison professionnelle, à la fin des années 90 j’ai failli traverser Israël pour effectuer un reportage, y compris dans les territoires occupés. La question, si question il y a, porte sur la perception que chacun a de l’Etat hébreux, sans confondre cet Etat voyou avec ses populations. Mon ami Sansal le fait-il ? Je n’en sais rien, après tout cela est son problème. Chacun défend ses convictions comme il l’entend. Sur Israël, je dirais avec d’autres qu’il est un Etat colonialiste soutenu par les grandes puissances et la lâcheté de nombreux dirigeants arabes, au détriment des populations Palestiniennes spoliées. Mais cela doit-il empêcher un journaliste ou un auteur Algérien, arabe ou autre d’aller sur place ? Je pense que non.
2- Il va sans dire que les propos tenus par les uns et les autres dans ce blog n’engagent que leurs auteurs. Il est évident que je n’approuve pas nécessairement leur contenu, notamment ceux (loin, très loin de la littérature) qu’avance ci-dessous l’insupportable JP Lliedo, homme aigri probablement et haineux assurément, réglant ses comptes à je ne sais qui, en s’en prenant aux arabes, aux Palestiniens, aux démocraties arabes… s’est-il un jour interrogé sur ses convictions communistes peut-être même staliniennes, qu’il a défendues des années durant sans jamais faire son mea-culpa ?
Merci.
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Boualem Sansal à Jérusalem
Par Jean-Pierre Lledo - Mardi 22 mai 2012
Voilà, Boualem Sansal est reparti. Voyage éclair. Mais pour toutes celles et ceux qui ont pu l’approcher durant ces 4 jours (13 au 16 Mai), à Jérusalem ou à Tel Aviv, à l’occasion de sa participation au Festival International des Ecrivains 2012 de Jérusalem, la lumière de l’éclair restera pour toujours. Pour d’innombrables raisons.
Malgré sa notoriété qui grandit de roman en roman, Boualem est resté le même, modeste, à l’écoute, doux, n’élevant jamais la voix, naïf et pas faussement, tellement sans masque qu’on a envie de le lui en tendre, au moins un, on sait jamais.
Comment ne pas penser à cette autre force tranquille, l’écrivain Tahar Djaout qui, lui en plus, roulait adorablement les ‘’r’’ ? (Il fut assassiné le 27 mai 1993 par les islamistes alors qu’il venait de sortir de son immeuble et d’entrer dans sa voiture, dans une lointaine banlieue d’Alger).
Même les énormités ne perturbent pas plus Boualem qu’elle ne perturbait Tahar.
Et autant le dire de suite, Boualem n’en entendit pas une seule, là.
Les énormités, faut aller les chercher sur le net : haine, antijuivisme primitif le disputant à un aussi primitif anti-israélisme, insultes nauséabondes, baignant souvent dans ce nazislamisme déjà dénoncé par l’auteur dans ‘’Le Village de l’Allemand’’.

321 - Boualem Sansal en Israëlphoto in: Guysen
Même aussi dénué de préjugés que lui, arriver à Jérusalem quand on vient d’Algérie n’est pas une mince affaire. Que faut-il surmonter ? Je lui ai posé la question. Réponse : ‘’la peur’’. Et Boualem refuse d’avoir peur, car ‘’c’est entrer dans leur logique’’. Celle du censeur, du dictateur, du sectateur, et de tous les autres bien-penseurs. Il faudrait écrire panseurs.
N’ayant pas peur, il a pu savourer ses sensations, celles du lieu magique, Yérouchalaïm (Jérusalem prononcé en hébreu), celles des rencontres avec ses habitants-lecteurs-auditeurs, et en éprouver du bonheur. C’est beau de voir un visage émerveillé. On a beau avoir dépassé la soixantaine, c’est celui d’un enfant. Rien de mystique ni du fameux syndrome de Jérusalem, pourtant.
Car il en sera ainsi de tous les Arabes qui viennent et viendront en Israël.
Planter ses dents dans le fruit défendu, c’est quand même le plaisir des plaisirs.
Ensuite, retrouver ces Juifs qui ont été chassés de tous les pays arabes. 600 des 900 mille, ce n’est pas rien. Et donc forcément qu’à chaque coin de rue, vous avez de fortes chances de vous retrouver nez à nez avec un de ces 600 000, un pote de Tlemcen, ou de Constantine, ou du Mzab, ou du bled de la Kahena dans les Aures… Et le nez, les Juifs comme les Arabes, ils n’plaisantent pas avec.
321 - Boualem Sansal en Israëlphoto in Guysen
Ensuite, quand on vient du monde arabe, et qu’on a dû prendre son visa à Paris, donc traverser plusieurs pays d’Europe, où insensibles aux tueries et aux discriminations les plus intolérables du monde musulman, vis-à-vis des Noirs, des Chrétiens, et de tout musulman qui ose déroger, Israël est devenu le seul motif d’indignation, la grosse surprise c’est, bien sûr, de marcher dans des rues où se croisent des Arabes et des Juifs le plus normalement du monde, ou bien de traverser tout Jérusalem et ses quartiers plutôt arabes ou plutôt juifs, dans ce fameux tramway à peine inauguré, sans que l’on y voit un seul policier, sans que le moindre ‘’crime talmudique’’ ne soit commis pour faire de la galette avec du sang d’enfant arabe, puisque tel est le sujet favori d’une bonne partie de la production romanesque dans le monde arabe…
Boualem m’a d’ailleurs demandé comment étaient habillés les policiers. Je lui ai répondu que je me posais la même question, car je n’en avais pas encore vus, et que je me demandais même comment d’aussi grandes villes pouvaient s’autodiscipliner.
Et lorsque Boualem s’est rendu au lycée français de Jérusalem qui tient à s’afficher ‘’laïque’’ bien que situé dans le couvent St Joseph, ce qui l’a éberlué, c’était que hormis quelques profs et le proviseur, des Français, le reste, profs et élèves étaient Juifs et Arabes, ces derniers étant soient israéliens, soit venant des Territoires administrés par l’Autorité Palestinienne.
Les keffiehs que portaient certains élèves ne lui ont pas échappé non plus. C’est vrai que c’était le jour de la ‘’Naqba’’ (catastrophe), que depuis quelques années les dirigeants palestiniens tiennent à commémorer, sous ce nom, presque l’équivalent en hébreu de la ‘’Shoah’’, excusez du peu,[Ahmed Hanifi : Je n’ai pas pu résister ici pour dire que je trouve ces mots « excusez du peu » de LLiedo nauséeux.] le même Jour que l’indépendance israélienne de Mai 1948.
Quand les Arabes et les Palestiniens pourront librement - c’est à dire sans que les intellectuels n’aient peur pour eux et leur famille - se réapproprier leur histoire, ils devront sans aucun doute conserver une Journée Naqba, mais en la situant bien, bien avant…
Par exemple, au tout début du 20ième siècle lorsque les premiers mouvements politiques arabes - ils ne se disaient pas encore ‘’palestiniens’’ puisque les premiers palestiniens de cet endroit furent … Juifs - au lieu de s’employer à bâtir les institutions de leur futur Etat, comme le fit le mouvement sioniste, consacrèrent toute leur énergie à nier le droit national des Juifs à avoir leur propre Etat, d’abord par la parole, puis par le boycott de leurs produits économiques, puis par les assassinats de simples gens, puis en commençant par chasser les Juifs de Galilée, de Hébron, et de Jérusalem, c'est-à-dire ceux qui n’avaient jamais quitté cette terre, enfin par la guerre dirigée par le Hadj Amin El Husseini financé dès les années 30 par les nazis.
Fourvoyés par leurs chefs et par des pays arabes dont les frontières ont toutes été dessinées par la puissance dominante, l’Angleterre, telle est la véritable Naqba des Palestiniens arabes, chrétiens et musulmans.
Le jour où l’on verra des intellectuels arabes et palestiniens le dire et l’écrire, alors la solution du conflit israélo-palestinien ne sera plus très loin…
Sansal, quant à lui, est persuadé qu’un jour la paix arrivera. Et il a même une petite idée toute simple qu’il ne nous a pas dissimulée…
‘’Il faudra qu’autour de la table, il n’y ait que des Palestiniens et des Israéliens.’’. Pas d’autres.
‘’Ni des Européens, ni des Américains, ni des Russes, car tous n’ont en vue que leurs intérêts’’.
Ni des Arabes d’ailleurs, surtout eux, qui aujourd’hui se sont livrés aux islamistes…
Les islamistes, et on l’avait compris depuis ‘’Le Village de l’Allemand’’, sont pour Boualem le mal absolu.
Aussi a-t-il tenu à s’élever contre ceux qui en Europe défendent l’idée que c’est ‘’un mal nécessaire’’.
Traverser le Mal pour aller vers le Bien ? ‘’Ridicule, suicidaire !’’, hausse à peine la voix, Boualem : ‘’Pour aller vers le bien, il faut s’ ECARTER du Mal’’.
Mais les élections dans le monde arabe qui lorsqu’elles sont libres portent partout au pouvoir les islamistes, laissent-elles un espoir, lui ont demandé maintes fois ceux qui firent salle comble à chacun de ses débats ?
‘’Pas à brève échéance’’, admet l’écrivain. Et précise-t-il, le temps à lui seul n’y fera rien. De débat en débat, Boualem ne craint pas de se répéter : ‘’les intellectuels du monde arabe doivent se mettre au travail’’, pour élaborer une pensée indépendante des pouvoirs consacrés, une pensée qui ne recule devant aucun tabou. Et comme Boualem ne veut pas désespérer, il énumère quelques exemples (peu nombreux) de réactions positives à son voyage actuel en Israël, qui certes par ces temps de fange haineuse, illuminent...
La question qui est revenue le plus souvent est : ‘’Pourquoi restez vous en Algérie ?’’. Certains le prièrent même, larmes aux yeux : ‘’Ne tentez pas le diable, partez !’’. Et Boualem de citer un échantillon de la longue liste des bêtes noires du pouvoir qui depuis 1962 ont toutes été assassinées dans différentes villes d’Europe, sans même que les polices de ces pays dotés pourtant d’Etats de droit et de justices indépendantes n’aient mené la moindre enquête.
‘’Ce n’est pas moi qui doit partir, ce sont eux (les pouvoirs) !’’.
Evidemment, le public israélien n’a pas l’habitude de rencontrer pareils énergumènes.
Surprise. Etonnement. Effarement. Ahurissement. Stupéfaction. Ebahissement. Eblouissement. Emerveillement. Fascination….
Voilà, je vous ai mis tous les synonymes de ‘’surprise’’ que me propose l’ordinateur. Et il est certain que le charme, comme l’éclair dont je parlais au début, n’est pas prêt de s’estomper.
Tant de mots du coeur lui ont été dits… En aparté : ‘’Beaucoup vous admirent, moi je vous aime’’, dixit Ziva. Et en public : ‘’si Primo Lévi était vivant, il serait votre ami, Boualem !’’. Suprêmissime compliment par quelqu’un qui, nous dit-il, avait perdu 60 personnes de sa famille dans tous les camps hitlériens.
Là, où passe Boualem, l’effet est durable. Et au moment de se séparer, le seul mot que son public et lui n’ont pas prononcé, est ‘’adieu’’, tant il était évident pour tous, qu’une longue histoire venait de commencer. Venait ou avait déjà commencé depuis si longtemps, il y a 2000 ans ou plus, lorsque les premiers Juifs arrivèrent après avoir été chassés de leur Judée et qu’ils furent adoptés par les Berbères ?
Car s’il est bien un sentiment qui vous prend à la gorge et ne vous quitte plus en arrivant pour la première fois à Jérusalem, c’est que c’est bien le lieu où l’histoire brisée et violente de l’humanité se recollera et s’apaisera…
Que les artistes et intellectuels du monde arabe qui auront un peu de son courage sachent ce qui les attendent et ce qu’ils auront à ressentir : combien il est bon d’être aimé par ceux que l’on nous avait présenté comme des ennemis !
Ses derniers moments hiérosolomytains, Boualem tint à les passer avec ses compatriotes de Tlemcen, Miliana, Blida, Alger, et j’en oublie, (cf toutes les photos ci-dessus) dans une superbe maison du quartier juif de la Vieille Ville, rasé après 1948, quand il tomba dans les mains de la Jordanie, et reconstruit après la victoire israélienne lors de la guerre des six jours en 1967.
Avant de se séparer, on monta sur la terrasse. Il faisait grand nuit, et le Dôme du Rocher luisait de sa dorure. On pouvait rêver à la grande réconciliation entre les enfants d’Abraham que venait à peine d’évoquer notre hôte, lui aussi Abraham, dans une magnifique envolée lyrique, applaudie par Boualem…
Moi je ne pus m’empêcher de penser à ce SMS reçu à Paris il y a 2 ans, que me retransmit une intellectuelle algérienne et qui disait, alors que l’on venait juste d’inaugurer la grande synagogue ‘’Hourva’’ explosée, avec de nombreuses autres en 1948, par la Légion jordanienne : ‘’En ce moment les buldoozers deTsahal sont en train de détruire El Aqsa’’
PS : Ah, j’allais oublier… On a aussi beaucoup parlé de littérature. Boualem ne la joue jamais ‘’Ah vous savez c’est très mystérieux’’… Il demande juste combien de temps on lui donne pour répondre, et comme s’il se parlait, il recompose, et réemprunte devant nous, mezzo voce, tous ses labyrinthes créatifs.
Mais pour cette fois, je crois que là n’était pas l’essentiel…
In : http://www.guysen.com
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Israël - Boualem Sansal, la visite tumultueuse d'un écrivain algérien en Israël
par Misha Uzan
Numéro 1114 - 22.05.2012 - 1 Sivan 5772
Boualem Sansal est un auteur algérien censuré dans on pays.
Ailleurs dans le monde il est un romancier et essayiste, reconnu.
Il a participé la semaine dernière à la troisième édition du Festival international des écrivains à Jérusalem, défiant la censure dans son pays -et le monde arabe pour - se rendre en Israël.
"Quand j'ai accepté cette invitation je suis devenu la cible de la condamnation, mais j'ai décidé de venir parce que c'était important" a déclaré Boualem Sansal.
Boualem Sansal, âgé de 62 ans, a grandi dans un village berbère à 200 km au sud-ouest de la capitale, Alger. Ingénieur et titulaire d'un doctorat en économie, et il a commencé à écrire des romans à 50 ans après une longue carrière au sein du gouvernement.
Aujourd'hui, le romancier est un critique véhément du gouvernement autoritaire en Algérie ainsi que des islamistes. Depuis 2006 ses livres - tous écrits en français - ont été interdits en Algérie.
Sansal a été présenté en 2007 au Festival de littérature de Berlin comme un écrivain "exilé dans son propre pays.".
Dans un discours d'ouverture du salon des écrivains, dimanche soir, Uri Dromi, le directeur général, a applaudi Sansal, et d'autres qui ont bravé la pression pour se rendre en Israël, rendant hommage à "certains de nos amis de l'étranger confrontés, comment dirais-je, à la critique hostile".
En 2008 Sansal a publié son cinquième roman, le premier à être traduit en anglais, sous le pseudonyme de Mujahid.
Le roman raconte l'histoire de deux frères algériens qui découvrent que leur père avait été un officier nazi SS qui a fui en Afrique du Nord après la Seconde Guerre mondiale. Il explore également les liens entre le nazisme et l'islamisme, deux mouvements qui selon l'auteur, partagent des visions totalitaires et connaissent tous deux "le concept de la conquête - la conquête des âmes, mais aussi des territoires.
"Je vois bien des parallèles, et je crois que nous devons analyser le national-socialisme, si nous voulons garder l'islamisme en échec", commentait-il en 2009.
A Jérusalem, Sansal, laïc convaincu, a réitéré ses avertissements concernant la marée montante de l'islamisme dans le sillage des révoltes arabes.
"Je pense que nous sommes dans les années 1930 du siècle dernier - alors, personne n'a répondu correctement.
Aujourd'hui l'islamisme est devenu le fascisme.
Il ne faut pas se leurrer, cela prendra 10 ou 15 ans - ce sera un travail très difficile".
Les réactions en Algérie ont été partagées.
"Sur mon site, c'était 50/50" explique-t-il. "La moitié des gens disaient qu'on devrait faire pour moi ce qu'ils ont fait à Mouammar Kadhafi en Libye. L'autre moitié a dit que c'est merveilleux, que nous pouvons apprendre de l'expérience d'Israël. "
Dans le reste du monde arabe, les réactions à la visite de Sansal ont été extrêmement négatives.
Le Hamas a fustigé la visite de l'auteur comme un "crime contre les 1,5 millions de martyrs algériens qui ont sacrifié leur vie pour la liberté sous l'occupation française", affirmant qu'il légitime "les crimes perpétrés contre le peuple palestinien."
Sansal a indiqué qu'il expliquerait les raisons de sa visite une fois qu'il serait rentré en Algérie. "Je vais m'expliquer par des articles.
Je suis très écouté en Algérie, même si je ne suis pas autorisé à m'exprimer librement là-bas."
In : http://www.israel-infos.net
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Ferhat, Sansal, Israël et la Palestine
21-05-2012
Par Noureddine Khelassi
Irrésistiblement, les visites en Israël d’un écrivain algérien et d’un homme politique qui se définit avant et après tout comme Kabyle, entraînent la pensée vers le philosophe roumain Emil Cioran. Les séjours dans l’Etat hébreu de Boualem Sansal et de Ferhat Mhenni inspirent le souvenir de l’auteur du «Précis de décomposition», de «La tentation d’exister», du «Bréviaire du vaincu» et de «La chute dans le temps». Si comme Cioran, Boualem et Ferhat avaient été confrontés à la «pensée de la lucidité et du reniement permanent», et médité comme lui sur «l’illusion vitale», ils auraient su que «n’a de convictions que celui qui n’a rien approfondi». Et, toujours éclairés par Cioran, ils se seraient probablement convaincus que «la lâcheté rend subtil». Grâce à lui encore, ils se seraient persuadés que «l’homme libre ne s’embarrasse de rien, même pas de l’honneur». Peut-être, oui peut-être, ils auraient lu, comme dans un miroir, l’hypothèse de Cioran énonçant que «si l’on pouvait se voir avec les yeux des autres, on disparaitrait sur le champ». Alors, regardons leur geste avec les yeux de Palestiniens que nous ne sommes pas mais que nous pouvons être, par principe. Des palestiniens qui, après avoir lu le même Cioran auraient demandé aux Algériens Boualem et Ferhat si c’est «le besoin de remords qui précède le mal, qui le crée ?» A cette question, nos deux libres transgresseurs de «tabous arabes», selon l’expression d’un journal parisien et pharisien, ne peuvent se dérober. D’abord Boualem Sansal, auteur désormais distingué en France, en Allemagne et en Israël, du «Village de l’Allemand» et de «Rue Darwin». L’écrivain, est, par définition, un homme libre et un libre penseur. Il est libre de ses choix sans pour autant faire
l’économie de leurs multiples implications. Car il est lui-même un symbole, porteur de symboles et ne faisant et ne disant rien qui ne soit pas de l’ordre du symbolique. Présent au Mishkenot Sha’ananim, le Festival international des écrivains de Jérusalem, le romancier ne pouvait ignorer que l’invitation qui lui était adressée était symbolique de ce que les Israéliens voulaient tirer comme avantages du symbole. A aucun moment, l’écrivain, qui a toujours mis son talent au service du courage de pourfendre l’autoritarisme et l’islamisme dans son pays, n’a dit un mot, aussi symbolique soit-il, sur les Palestiniens. Peut-être que les murs de l’apartheid, érigés par l’intransigeance idéologique, l’arrogance militaire et l’intolérance religieuse israéliennes sont trop épais. Tellement consistants que l’écrivain n’a pas entendu les cris de douleur et de désespoir d’un peuple reclus dans des ghettos territoriaux et assignés à résidence, la vie durant ? Partout où l’écrivain symbolique est passé en Israël, notamment au célèbre café-librairie Tmol Shilshom de Jérusalem, pas un mot de lui sur le déni permanent du droit élémentaire du peuple palestinien à vivre dans un Etat souverain et viable. Un Etat dans des frontières reconnues et sûres, qui ne ressemble pas à la peau de léopard taillée à la serpe par une politique de colonisation intensive et expansive. Pourtant, c’est Boualem Sansal lui-même, dans «Rue Darwin», qui a écrit : «Je découvrais que les grands criminels ne se contentent pas de tuer comme ils s’y emploient tout au long de leur règne ; ils aiment aussi se donner des raisons pressantes de tuer : elles font de leurs victimes des coupables qui méritent leur châtiment.» A Jérusalem, l’écrivain algérien, et c’est tout un symbole, ne l’a pas répété, mêmes avec d’autres mots. Primo Levi, l’auteur de «La recherche des racines» et du «Fabricant de miroirs», l’aurait «considéré comme un ami», a dit de Sansal un de ses interlocuteurs israéliens. Ariel Sharon est certes dans le coma éternel, mais il n’est pas encore mort. Boualem Sansal l’a oublié. L’autre visiteur d’Israël, même si la symbolique de son séjour en terre sainte est différente, a, lui aussi, oublié le symbole Sharon. Ferhat Mhenni, président du mouvement séparatiste MAK, chef de l’ANAVAD, le gouvernement provisoire de la Kabylie, non encore reconnu, s’est rendu en Israël, à l’invitation d’un dirigeant de premier plan du Likoud. Parti symbolique, allié à l’extrême-droite religieuse qui veut pousser les murs de séparation jusqu’à la mer et au désert du Sinaï. Les dirigeants israéliens, qui connaissent la valeur des symboles liés au mont Sion, Théodore Herzl et Eretz Israël, ont vu en Ferhat Mhenni un symbole. Il est le premier Algérien à souhaiter l’installation d’une ambassade israélienne en Algérie, même si, dans un futur hypothétique, elle serait ouverte à Tizi Ouzou ou à Bgayet. Les idéologues du Likoud, encore un symbole, n’ignoraient rien de l’attachement que porte Ferhat Mhenni à son appartenance tribale. Précisément, aux Ath Ugshaâlal, une des quatre tribus kabyles supposées avoir des liens séculaires avec le judaïsme, présent en Algérie depuis plus de 2000 ans ! Certes, en 2011, l’ancien chanteur engagé d’Imazighen Imoula, s’est prononcé en faveur d’un Etat palestinien. Mais pour un Etat palestinien qui n’aurait pas forcément une viabilité territoriale et qui aurait cependant l’obligation de reconnaître Israël comme «l’Etat du peuple juif». Ferhat, aujourd’hui à la tête d’un gouvernement virtuel kabyle, doté d’un drapeau et d’un «hymne national», considère le régime algérien comme un occupant qui opprime la Kabylie. En revanche, il ne voit pas dans l’Etat colonial et confessionnel d’Israël l’occupant qui opprime le peuple palestinien depuis la grande naqba de 1948. Peut-être que si Mhenni avait lu ou relu Cioran, il aurait compris qu’ «une civilisation débute par le mythe et finit par le doute.» Et que «tout désespoir est un ultimatum à Dieu.» Le mythe, c’est celui du sionisme. Le désespoir, celui du peuple palestinien.   
In : http://www.latribune-online.com
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Du « Serment des barbares » à « Poste restante : Alger » : la satire conventionnelle de Boualem Sansal
Yassin Temlali (Extrait de Chroniques ciné-littéraires de deux guerres, Barzakh, Alger, 2011)
Yassin Temlali
Mardi 22 Mai 2012
La récente visite en Israël de l'écrivain algérien Boualem Sansal fait polémique.
Nous publions cette analyse par Yacine Temlali de l’œuvre de Sansal. Les écrits d'un auteur renseignant sur sa vision du monde, bien au-delà des voyages qu'il entreprend.
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Avant d'accéder à la célébrité à cinquante ans, Boualem Sansal a été consultant en affaires, chef d’entreprise et haut fonctionnaire du ministère de l’Industrie. Jusqu’à la parution de son premier roman, « Le serment des Barbares(1) » en 1999, il s’était fait connaître essentiellement par quelques ouvrages spécialisés en économie.
« Le serment des Barbares » lui a valu une notoriété immédiate, à laquelle n’était pas étranger le contraste entre la condamnation féroce du pouvoir algérien dans ce roman et le profil de fonctionnaire discret de son auteur. Le « directeur central » soumis à l’ « obligation de réserve » s’était fait romancier. Il avait mis sa connaissance des rouages de l’Etat au service d’un art romanesque, où le fil de la satire politique se déroule sur le fond d’un véritable désenchantement des chances du pays de survivre à ses prédateurs.
Dans ce texte touffu, l’Algérie contemporaine est disséquée de manière peu amène : corruption, injustice, violence et vanité des institutions. Le romancier s’était fait médecin. Un médecin sans concession qui, fatalement, allait provoquer l’incompréhension de tous les officiels, amateurs de diagnostics complaisants. En 2003, il est limogé de son poste au ministère de l’Industrie. Un règlement de compte, pense-t-il : « [Le ministre islamiste, El Hachemi Djaâboub] voulait s'entourer d'islamistes, des gens de son douar, une pratique bien établie chez nous(2).» Ce limogeage n’en est pas moins une bénédiction. S’il l’a privé « d’avoir un pied dans le réel(3) », il lui a permis de se consacrer pleinement à l’écriture.
Nourrie du succès du « Serment des barbares », l’entreprise sansalienne de dissection de la société et de ses dysfonctionnements a continué sans relâche ces dernières années. « L’enfant fou de l’arbre creux(4) », publié en 2000, confirmera le talent littéraire et satirique de Boualem Sansal. A travers de longues conversations entre un Français, Pierre, et un jeune Algérien, Farid, acculés au dialogue par une proximité non désirée, celle du monde carcéral, ce roman est le lieu d’une même parole désabusée sur l’Algérie. « ‘’L’enfant fou de l’arbre creux’’ peut symboliser le peuple algérien infantilisé par des discours extrêmement primitifs. Il est enchaîné, aveuglé. L’arbre creux, c’est cette Algérie dont on a enlevé toute la richesse, toute la substance, c’est un arbre sec », commente l’auteur(5). La prison de Lambèse, où se déroule ce face-à-face allégorique entre Pierre et Farid, symbolise, quant à elle, la perpétuité de l’enfermement algérien et ses terrifiantes conséquences. Comme ce triste pénitencier, le pays est une immense jungle où la force prime le droit, sous l’œil consentant de terribles matons sans scrupules.
En 2003, Boualem Sansal publie « Dis-moi le paradis(6) ». Dans les conversations avinées mais lucides du Bar des amis, « c'est l'Algérie qui est mise en scène, à nu, l'Algérie d'aujourd'hui, schizophrène tournant sur elle-même, crapahutant avec ses malheurs et ses bonheurs, plus hantée par son passé décomposé et travesti que par son devenir(7) ». « Harraga(8) » (2005), quatrième roman de l’écrivain, poursuit cette enquête romanesque sur le « malaise algérien » à travers l’histoire de Lamia, une pédiatre de la santé publique, dont la vie intime se déroule entre le souvenir de Sofiane, son frère, un harraga (émigré clandestin) disparu sans crier gare, et une jeune fille, enceinte d’un enfant illégitime, qu’elle a accueille et à qui elle finira par faire prendre le large à force de l’étouffer d’amour.
« Poste restante: Alger(9) » apparaît comme un concentré de la critique à laquelle Boualem Sansal, dans ses écrits romanesques, soumet l’Algérie contemporaine, ses apparatchiks, ses milliardaires et ses millions de « citoyens normaux », obéissants ou révoltés. Dans une interview publiée le 20 mai 2006(10), l’auteur reconnaît en son pamphlet une sorte d’apogée de la satire politique et sociale qui caractérise ses romans: « Dans tous mes romans, j'ai abordé des questions qui tourmentent mon pays et les Algériens, ce sont les questions de l'identité, des langues, de la religion, des institutions, de la démocratie… Dans ‘Poste restante’ j'ai rassemblé toutes ces questions sous forme pamphlétaire. »
Dans ce court essai, Boualem Sansal lance une attaque en règle contre l’idéologie officielle qui fonde l’identité nationale sur deux principales « constantes », l’arabité et l’islam. L’Algérie, écrit-il, n’est arabe que si l’on fait abstraction de ses 80% de Berbères et des « naturalisés de l’histoire » que sont, selon lui, les Mozarabes, les Juifs, les Pieds-noirs et autres Turcs [...] » Pourquoi veut-on faire de nous les clones parfaits de nos chers et lointains cousins d'Arabie? », s’interroge-t-il. « Disons que pour le moment l'Algérie est peuplée d'Algériens et on en reste là. L'affirmation entêtée d'une arabité cristalline descendue du ciel, est d'un racisme effrayant. »
Les foudres de Boualem Sansal n’épargnent pas les « berbéristes » radicaux qui, en réaction aux discours arabistes négateurs, estiment que les Berbères sont les seuls Algériens authentiques: « Nous sommes trop mélangés, dispersés aux quatre vents. Il ne nous est pas possible, dans ma famille, de savoir qui nous sommes, d'où nous venons et où nous allons, alors chacun privilégie la part de notre sang qui l'arrange le mieux dans ses démarches administratives. Les Berbères n'ont pas forcément vocation à être, à eux seuls, les enfants de l'Algérie.»
L’autre « constante » de l’idéologie officielle, selon laquelle l’islam est non seulement la religion du peuple mais aussi celle de l’Etat, est écorchée, ce qui est un fait rare, presque un précédent, dans la longue histoire des polémiques identitaires algériennes, l’islam étant souvent considéré, sincèrement par les uns, hypocritement par les autres, comme une « composante consensuelle » de l’identité nationale: « Cette ‘constante’ [l’islam] est une plaie, elle nie radicalement, viscéralement, les non-croyants, les non-concernés et ceux qui professent une foi autre que l'islam. En outre, elle offre le moyen à certains de se dire meilleurs musulmans que d'autres, et qu'en vertu de cela ils ont toute latitude de les redresser. De là à songer à les tuer, en même temps que les apostats, les mécréants, les non-pratiquants et les tenants d'une autre foi, il n'y a qu'un pas et il a été maintes fois franchi en toute bonne conscience. » Les recommandations sansaliennes sont clairement laïcisantes: « Supprimer l'enseignement religieux de l'école publique, fermer les mosquées qui ont proliféré dans les sous-sols des ministères, des administrations, des entreprises, des casernes et intégrer la construction des mosquées dans les plans directeurs des villes. »
L’œuvre romanesque de Boualem Sansal est éminemment politique, mais Boualem Sansal se défend d’être un « auteur politique » par choix personnel: « J'observe notre société et je constate que la politique pèse lourdement sur elle, au point de faire disparaître le reste. Mon idée, mais on peut se tromper, est que si on fait tant de bruit c'est sûrement pour assassiner le silence. C'est dans le silence que l'on réfléchit. Dans le fracas, on est amené à crier pour se faire entendre(11). »
La satire de Boualem Sansal, si elle peut prétendre à l'excellence du point de vue littéraire, n’est pas toujours exempte d’un certain simplisme. En atteste certains passages de « Poste restante: Alger ». La description des « maux algériens », formidablement menée, manque de véritable profondeur; on a peine à trouver à ces maux une autre origine que la seule bêtise des gouvernants. Il n’est certes pas demandé à un romancier d’être un fin politologue, mais cet essai n’est pas uniquement ce cri de colère qui résonne dans tous les romans de l’écrivain. Il est aussi une esquisse d’ « alternative moderniste » comme en témoignent toutes ces propositions de laïcisation de la vie publique. Lorsqu’un écrivain s’implique aussi directement dans les débats de sa société, n’est-il pas comptable de l’incohérence de son discours et de ses péchés incantatoires?
A bien des égards, la satire sansalienne paraît peu originale. Dans ses grands axes, elle reprend, en l’habillant d’une cinglante ironie, le discours traditionnel des élites modernistes, marginalisées par le pouvoir enlisé dans de dangereuses alliances avec les islamistes et autres conservateurs. Ainsi, si dans « Poste restante: Alger », le mythe populaire de l’« arabité éternelle » de l’Algérie est puissamment ébranlé, il est aussitôt remplacée par un autre mythe, celui d’une méditerranéité elle aussi « cristalline, descendue du ciel » pour reprendre les termes de l’auteur: « Nous sommes des Algériens, c'est tout, des êtres multicolores et polyglottes, et nos racines plongent partout dans le monde. Toute la Méditerranée coule dans nos veines. » Il est à se demander si les Touaregs, Algériens des confins subsahariens du pays, se sentent vraiment « méditerranéens ». Rien n’est moins sûr, mais c’est là un leitmotiv du discours anti-arabiste algérien qui, pour fuir les entraves d’un panarabisme obsolète et exclusiviste, se perd dans l’éther d’une Méditerranée illusoire et s’enferme, à son tour, dans le cercle vicieux des vaines quêtes identitaires.
L’alternative que propose Boualem Sansal au régime algérien, producteur d’injustices et de fanatisme, est d’un surprenant conformisme. C’est, en deux mots, le libéralisme aussi bien politique qu’économique. Dans une interview parue dans « Le Quotidien d’Oran(12) », Boualem Sansal - alors haut fonctionnaire au ministère de l’Industrie - assumait la vulgate économique officielle avec une verve étonnante, sans y mettre une virgule de réserve. « Je suis censé m’occuper de la restructuration du tissu industriel pour l’adapter à l’économie de marché. Les grands combinats industriels comme El-Hadjar et compagnie, il faut les préparer à la privatisation. Il faut leur réapprendre l’efficacité, leur apprendre en fait, parce que je ne sais pas si à un moment ou à un autre ils l’ont su. » Boualem Sansal s’est-il demandé si les victimes des « plans de restructuration » élaborés dans l’intimité de son ministère, à l’insu des Algériens dont il pense porter la parole, ne constituent pas l’effrayante armée de réserve de l’islamisme conquérant?
Mais c’est l’idéal social de Boualem Sansal qui constitue la plus fidèle expression d’une pensée désabusée, qui ne fait pas de place au moindre rêve collectif. Des justes plaidoyers en faveur de l’émancipation de l’individu des carcans patriarcal et communautaire, on bascule dans la célébration naïve de la « réussite individuelle » et de l’ » effort personnel ». Dans cette même interview au « Quotidien d’Oran », l’auteur, dans la pure tradition rhétorique « temmarienne », conseille aux jeunes de ne plus trop compter sur l’Etat: « Il est temps maintenant qu’on fasse notre petit chemin tout seul. » Quel modèle de réussite propose-t-il à ces « paumés », livrés à eux-mêmes? Celui d’investisseurs entreprenants, pionniers irréels qui partent de rien pour conquérir le monde et la fortune(13). Il conclut ses conseils d’aîné expérimenté sur une note authentiquement bouteflikienne: « Les gens disent: ‘L’Etat ne fait rien’. Mais l’Etat n’a plus les moyens! » A sa décharge que, comparé aux idéologues officiels, sa défense du libéralisme a le mérite de la cohérence. Elle accorde la place qui leur sied aux libertés politiques et individuelles.
Boualem Sansal a commenté l’interdiction de « Poste restante : Alger » en regrettant que les idées qu’il y développe ne puissent pas prêter à débat en Algérie. Il n’a pas tort. Ces idées peuvent, en effet, être à l’origine d’intéressantes polémiques. Non seulement sur l’autisme du régime et sur son système de censure-répression dont l’auteur n’est pas la première victime, mais aussi sur un autre autisme, celui des « élites modernistes » enfermés dans l’univers de leurs poncifs paternalistes et dont les colères, à bien les observer, sont loin d’être subversives.
Notes
 
(1) Gallimard (France).
(2) Entretien avec Ali Ghanem, « Le Quotidien d'Oran », 8-10 mai 2003.
(3) « Je reste au ministère parce que je tiens à garder un pied dans le réel. Vivre comme ça de fiction, écrire de la fiction puis en parler ensuite à longueur de journée, à la longue, c’est appauvrissant. » Entretien avec Ali Ghanem, « Le Quotidien d'Oran », 24 septembre 2000.
(4) Gallimard, 2000.
(5) Entretien avec Ali Ghanem (déjà cité).
(6) Gallimard.
(7) Ahmed Hanifi, introduction à une interview avec Boualem Sansal publiée le 6 mai 2006 sur www.dzlit.com, site consacré à la littérature algérienne.
(8) Gallimard.
(9) Gallimard, 2006.
(10) Entretien avec Ali Hanifi (cité plus haut).
(11) Entretien déjà cité avec Ali Ghanem, « Le Quotidien d’Oran », les 8-10 mai 2003.
(12) 24 septembre 2000.
(13) « L’Algérie, jusqu’à présent, était faite par les politiques, par les partis au pouvoir, il est temps qu’elle soit faite par les citoyens eux-mêmes, pour accéder à la citoyenneté et puis bâtir. On commence à voir ça sur le plan économique. Il y a des gens qui investissent, qui galèrent en Algérie, mais qui avancent. » Entretien avec Ali Ghanem, « Le Quotidien, d’Oran », 24 septembre 2000.
In : http://www.lanation.info
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