Ce qui est merveilleux, c'est d'habiter à moins d'une demi-heure du Louvre. Et en ce matin radieux, aucune queue.
Et quel délice d'entrer dans chaque exposition sans acheter de billets, avec la carte des Amis du Louvre ...
Bref, ce matin, un de nos objectifs était d'aller voir en vrai les tableaux de Fragonard et de ses amis. Il faut grimper au second étage de l'aile Sully, pratiquement sous les combles. Les oeuvres sont classées selon le règne du roi de l'époque. Donc, pour Frago, il se situe d'abord parmi les peintres du Louis XV avec Boucher, son maître d'apprentissage, Natoire, patron de l'école de Rome, Greuze, Chardin, Carle Van Loo, son grand ami Hubert Robert, puis parmi les peintres de Louis XVI, avec Carle Vernet, et bien entendu Jacques-Louis David.
En réalité, il y a peu d'oeuvres exposées, au regard de l'extraordinaire production du peintre. On y voit son grand format Coresus et Callirhoé, (en haut) morceau de "grand" genre et passage obligé pour obtenir une pension et un atelier au Louvre, mais sans grand intérêt, et surtout une série de portraits brossés avec amplitude, énergie et légèreté.Celui de l'abbé de Saint Non, peint en une heure de temps selon l'inscription qui figure au dos et celui de la fameuse Guimard (ci-dessous à gauche), danseuse qualifiée de grande amoureuse, et dont Fragonard tomba effectivement éperduement amoureux.
Parmi les toiles "friponnes" on trouve ce que Diderot qualifia d'"omelette d'enfants" (ci-contre à gauche), mais ni la Surprise de l'escarpolette, ni la Guimbelette. En revanche, les deux toiles destinées à illustrer l'amour sacré - l'Adoration des mages - et l'amour profane - le Verrou - et La chemise enlevée (deuxième photo ci-dessus) ...
L'accrochage est intelligent. On admirera le portrait toutes fesses à l'air de Madame Boucher par son mari, dans un froufroutement de soie bleue, et on surprendra, dans un petit recoin dénommé "couloir des poules" de merveilleux portraits au pastel de Maurice Quentin Delatour, et le fameux autoportrait de Chardin avec bésicles et une curieuse casquette abat-jour vert.Des souvenirs de reproductions vues dans les livres d'art nous assaillent, un sentiment de ce que fut le haut goût français au siècle des Lumières - ahh, le portrait de Diderot ! - mais certaines toiles mériteraient un nettoyage pour retrouver leurs couleurs flamboyantes d'origine. Tout ça est un peu poussiéreux.Et puis, dans une petit recoin, la réunion de deux oeuvres de la belle-soeur et du fils de Fragonard : La mauvaise nouvelle de Marguerite Gérard et Diane de Poitiers dans l'atelier de Jean Goujon par Alexandre-Evariste Fragonard, tous deux adeptes du style "léché" - pour ne pas dire déjà "pompier", qui devient alors peu à peu à la mode, ou du genre troubadour.
Le temps a passé, on est à l'époque de l'Empire ...
Ils n'auront pas laissé de postérité et ainsi gâché leur talent ...