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Le Voisin

Par Irreguliere

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Vous vous trompez sur toute la ligne. Ouvrez les yeux, Colombe. Vous êtes une véritable romancière. Vous avez du talent. Je sais que vous portez en vous un roman formidable. Laissez ce livre sortir de vous, bon sang ! Prenez le risque d'écrire. Avancez dans la lumière.

Avec ce roman, je poursuis mon agréable découverte des textes de Tatiana de Rosnay, que j'apprécie de plus en plus.

Colombe Barou est une femme tout ce qu'il y a de plus banale. La trentaine, elle a des jumeaux de 11 ans, un mari qui gagne bien sa vie mais au prix d'incessants déplacements, et un travail à mi-temps qui la frustre : elle est "nègre" dans une maison d'édition. Lorsqu'elle et sa famille emménagent dans un nouvel appartement, elle espère prendre un nouveau départ et écrire enfin le roman dont elle rêve, au lieu d'écrire ceux des autres. Mais très vite, elle se sent mal dans ce lieu, elle perd le sommeil, un bruit la réveille toutes les nuits quand elle est seule, bruit dont au départ elle ne parvient pas à trouver l'origine. Elle n'arrive plus, en tout cas, à écrire une ligne. Et puis, elle finit par identifier la source du bruit...

On pourrait qualifier ce roman de "gigogne", car il en contient plusieurs en un seul. Avec son écriture fluide, sensible, à l'occasion sensuelle et vibrante, Tatiana de Rosnay explore une nouvelle fois une histoire où le lieu a une influence considérable sur le personnage.

Elle aborde aussi, avec son personnage principal, la question de l'écriture et tout ce qu'elle implique : Colombe est nègre, elle écrit les textes des autres, mais ne parvient pas à faire le pas nécessaire pour écrire son propre roman et se mettre en avant, — ce qui je dois le dire n'a pas été sans me rappeler quelqu'un que je côtoie de très très près... en fait, je me suis trouvé beaucoup de points communs avec ce personnage de Colombe, à commencer par son surnom de "Coco", et jusqu'à sa manie de regarder les passants et de leur inventer des vies, ce qui est paraît-il une manie d'écrivain (c'est ce que j'ai lu dans un autre roman hier soir, coïncidence étrange). Colombe refuse donc de se mettre en danger, de se mettre à nu devant les autres, de s'exposer, et il y a là je pense un questionnement fécond que chaque écrivain s'est posé un jour : franchir la rampe du regard d'autrui.

Nous avons donc ici un roman de la prise de conscience : celle que l'on n'est pas heureux, que l'on a pris le mauvais chemin, et qu'il nous manque quelque chose. Symptomatique apparaît en ce sens la difficulté de Colombe à écrire les scènes de sexe (qui à mon avis sont parmi les plus dures à écrire, enfin je dis ça parce que j'ai du mal aussi), ce qui occasionne des scènes très drôles d'ailleurs, avec Colombe dans son bain qui lit de la littérature érotique pour s'inspirer. On voit alors peu à peu Colombe se transformer, secouer la couche de poussière qui la recouvrait, se libérer — par les mots, en partie, mais aussi par les actes, face à un mari qui, soyons francs, est un véritable connard (d'ailleurs, Colombe remarque très judicieusement au cours de ses lectures que dans la littérature érotique, ce n'est jamais avec le conjoint que l'on s'envoie en l'air, et de fait... c'est vrai. Dommage, à creuser peut-être, mais vrai !).

Mais nous avons aussi un vrai thriller, avec cette drôle d'histoire de voisin, qui est réellement intrigante et sur laquelle je ne peux pas trop m'étendre pour ne pas trop en révéler. En tout cas, certains moments sont tellement terrifiants que mon coeur a dû louper des battements par-ci par-là !

Bref, une lecture prenante et enrichissante, que je conseille vraiment.

Le Voisin

Tatiana DE ROSNAY

HO, 2010 (Livre de poche, 2011)


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