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Influence du Screw et instauration du Trill

Publié le 25 mai 2012 par Unionstreet

Influence du Screw et instauration du Trill

Scène musicale novatrice et originale, le Texas est la Mecque du screw. A Houston personne n’a cherché à courir après les majors, chacun a vendu sa musique par lui-même. Multitude de labels indépendants et florilège d’émanations en tout genre estompent cette ville énorme où les températures suffisent à vous mettre du flou dans l’oeil. Ici dans la third coast il fait surtout très chaud, et cette chaleur étouffante en impose sur le style de vie d’une ville dix fois plus grande que Paris et d’un Etat plus vaste que la France. Le train-train quotidien oscille entre grillz dans la bouche et candy-paint sur la voiture.

Houston, ville où l’on ne fait pas semblant, ville où personne n’imite ou ne reproduit. Tant l’identité se veut forte au travers de la musique, le way of life bave, salit, parfois illumine un Texas au régionalisme marqué.

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Houston, enfin, c’est un peu « l’union fait la force » : ils l’ont compris tardivement certes, mais en se comportant à l’image d’Atlanta qui a su réunir ses troupes pour imposer un temps la crunk music et aujourd’hui la trap music, ils s’accordent une marge de manœuvre suffisante pour accentuer une tendance qui domine clairement l’industrie musicale et dont l’intérêt général a consenti le positionnement. Ce précepte aura permis à la culture screw de colporter ses relents codéinés jusqu’aux oreilles des autres scènes du hip-hop, un vrai travail d’équipe, presque une affaire de famille.

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Comme le racontait Paul Wall dans une interview, « Si tu vas à New-York ou n’importe où ailleurs, les clubs de rap sont toujours remplis de gens qui ont l’air tellement méchant que tu hésites même à commander une bouteille, ici tu rentres en club, et tu vois des gangsters légendaires de 110 kilos danser et suer, et tout le monde applaudir autour en rigolant » de la  grosse détente en somme, là où tout va au ralenti, les choses ont avancé sagement et sûrement, bien que Houston soit apparue tardivement sur la rap map, la ville s’y est bâti un microcosme solide et une économie qui roule sereinement.

« Houston n’est pas une ville, c’est un centre commercial géant entrecoupé d’autoroutes se surplombant les unes les autres »

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(ci-dessus : reportage très bien ficelé sur la culture screw à Houston)

DJ Screw est l’initiateur de ce mouvement, il lui donne son nom et lui témoigne le dévouement nécessaire pour acquérir la reconnaissance de ses paires, il reçoit le surnom « The Originator » pour avoir lancé des assauts répétés dans des propensions inhumaine poussant la performance à un nombre de mixtapes faramineux qui s’élèvera, à terme, à 250), sa mixtape la plus connue à ce jour demeure « 3 ‘N the Morning: Part Two », classée 13ème au sein du TOP 25 des meilleurs albums de hip-hop de Houston. Le Screwed & Chopped est une technique de mixage qui consiste à ralentir les BPM (en moyenne à 60). Cependant, qui dit perte de vitesse dit perte de rythme, c’est là que le chop rentre en jeu, entraînant des répétitions de kicks, d’instrumentations ou encore de vocals, ayant donc pour effet de redonner du jus à l’ensemble. En parlant de jus, on n’écoute pas de Screwed & Chopped music sans accompagné ça de la mixture magique. Le syrup ou sizzurp est un mélange de soda (du Sprite la plupart du temps), de codéine et de prométhazine, aussi appelé purple drank (d’où un intérêt certain pour les couleurs que sont le violet, le rose, le fuschia…). Pour calquer la cadence sur cette musique au ralenti, rien de tel qu’une petite cup de syrup !

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2001 est une année importante pour le screw, une sorte d’entrée dans la cours des grands (en terme d’exposition) : le premier album Screwed & Chopped à sortir en major, « Space Age 4 Eva » de 8 Ball & MJG, paraît grâce aux travaux de Michael « 5000 » Watts. C’est ce digne représentant du Northside qui s’occupe du mixage de l’album, fondateur du label Swisha House et acteur majeur de la scène avec ses swisha mixes, il reprend officiellement le flambeau au début des 2000’s. Désormais ce n’est plus le Southside Houston de DJ Screw qui est au centre des attentions, Michael Watts récupère les rênes de la ville. Devenant un successeur plus ouvert, il applique une politique plus généraliste, en découle un renouveau, le mouvement s’élèvera dès lors vers une sphère supérieure.

Alors que DJ Screw permettait la promotion des rappeurs du nord de la ville, Michael Watts donne sa chance aux artistes de toute la ville, puis de tout l’Etat, et très rapidement de tout le dirty south, gagnant respect et popularité à chaque nouveau projet.

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Il est aussi important de mentionner certains tenants et aboutissants dans cette évolution rapide de la culture texane aux yeux du rap américain. Un moment après sa création, le label Swisha House est abordé par un sous-label, Asylum, rattaché à une major, Sony. Nous sommes en 2004 juste avant la sortie du premier album de Mike Jones (« Who Is Mike Jones ? »), Asylum suggère un deal des plus alléchant, proposant de reverser aux artistes jusqu’à 7$ par album vendu, chose jamais vue jusqu’alors, les artistes touchant en moyenne dix fois moins lorsqu’ils sont signés en major. Ce deal assez extraordinaire leur permettra d’obtenir un gros fond d’investissement grâce aux recettes élevée ainsi qu’à une exposition soudaine et hors-norme comparée à leurs attentes initiales.

Influence du Screw et instauration du Trill

D’une vision plus recentrée sur le game, et donc en quittant le point de vue trivial de l’industrie et de ses appréhensions financières, c’est via les connexions entre rappeurs de différents bords que le screw connaîtra une réelle ascension.

En 2003, ce sont les excentriques Diplomats (Cam’ron, Juelz Santana et Jim Jones) qui viennent épauler la Three 6 Mafia et Bun B sur le remix de « Sippin’ On Some Syrup ». Première alliance de poids entre le sale sud et NY, la mouvance s’est déplacée jusqu’aux oreilles des harlémites, eux-mêmes grands adeptes des couleurs violettes et roses.

A$AP Rocky est le premier New-Yorkais à s’appuyer essentiellement sur des refrains screw, la tendance est au trill, l’attitude vaniteuse de surcroît, il excelle et relance une vague qui aurait pu perdurer dans un anonymat relatif. Etre « trill », c’est un peu ce que nous montre Boosie (qui est enfin LIBRE) et ses compagnons de Baton Rouge sur « We Out Chea », ce néologisme est une jonction entre les mots true et real, Bun B en a fait un album en 2006, cette tendance inspire beaucoup des rappeurs de la jeune génération dont A$AP en premier lieu.

Influence du Screw et instauration du Trill

D’ailleur A$AP déclare aisément ses influence screw/trill sur le refrain du « 4 Loko » de Smoke DZA, jugez-en par vous même :

« Uh, I’m sittin’ high, I’m tippin’ slow, I’m gettin’ high, but I’m sippin’ slow, Mouth full of golds, nigga I got hella hoes, I’m that Harlem mothafucka with that mellow flow, Coming down, sittin’ clean, mixin’ that Promethazine »

Les fanfarons d’Odd Future s’accaparent la chose sur un « HCAD » qui finit par un verse entrecoupé de phases screw.

Kendrick Lamar, quant à lui, honore un digne représentant du délire trill avec un refrain screw issu du « Pourin’ Up » de Pimp C (RIP), sur « Blow My High (Members Only) ».

Enfin on vous parlait de Vinny Cha$e il y a quelques semaines dans les nouveautés, originaire d’Harlem comme A$AP, il étoffe son morceau « Urban Outfitters » de vocals screw, tout comme Blue Sky Black Death et Nacho Picasso sur « Rammin’ » dont vous pouvez voir le clip un peu plus bas.

Toutes ces grosses voix donnent envie de planer, la vibe est atmosphérique, « musique à base de morphine » comme dirait le Roi, et ça tombe bien sachant que la hype tourne autour des rappeurs qui mettent fly. L’influence screw s’est en définitive bien implantée dans le rap jeu et cet enthousiasme a encore de beaux jours devant lui, bientôt on verra Booba avec un refrain screw (si ce n’est pas déjà fait ?), et ça n’étonnera personne.

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Cette culture a une telle influence qu’on la retrouve impliquée dans la musique électronique, quand on vous dit que les frontières ont été gommées entre ces deux genre, no lie… Axel Boman en a réalisé un anthem avec son « Purple Drank ».

Et n’oubliez pas, If it ain’t Screw it ain’t screwed…


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