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Jacques Dupin, poèmes

Par Poesiemuziketc @poesiemuziketc

Telle douce

Telle douce et entêtante
à ma porte
l’odeur des brebis

les mêmes mots vont
et reviennent, les autres
jamais, les mêmes

s’aiguisent se lacent
et se perdent

dans la chair
dans le drap du mort

j’étais dieu dans le feuillage

la membrure de l’ordinateur
a mis le phallus en croix

tel le souffle expulsé
du mufle d’un taurillon

tel l’effritement du pied
dans la mer

.
.

Qui que quoi

Qui que quoi dont d’où
la cantilène expulsée
atteindrait le point
où se peut écrire
sans penser

il casse une lettre
il ébruite trois
la lettre cassée s’endort

quoi relire quoi
merveille
à l’instant de l’air
déchiré

et recommence ou commence
à ouvrir la boucle, à éreinter
la monture

à piaffer de rire
dans la glu du marigot

.
.

Le hautbois

Le hautbois de la béquille
je le serre

exorcisé de la peur
un mot dé-
scellé du bloc

bonheur de vivre à l’affût
d’être touché par l’infime

la route une autre montagne
blesse le mot
prend fin se sacrifie

demeure intouchée
du ciel

.
.

Le feu et la glace

Le feu et la glace
les ossements

étonnés de luire
de rire et de renoncer

théâtre assassin

têtes de chapitres
sous le couperet

Un dernier graillon
les jours sont comptés

le pilon s’active
dans le mortier

la pensée pulvérisée
tourne en rond

rond de fagots rond
de brasier

.
.

Avec quelques-uns

Avec quelques-uns
ou personne
si je dois je le fais

je ne dois rien je le fais

l’encre devient invisible

l’espace de l’écriture
une cage électrifiée

qui soude persécuteur
et persécuté

.
.

Le prisonnier

Terre mal étreinte, terre aride,
Je partage avec toi l’eau glacée de la jarre,
L’air de la grille et le grabat.
Seul le chant insurgé
S’alourdit encore de tes gerbes,
Le chant qui est à soi-même sa faux.

Par une brèche dans le mur,
La rosée d’une seule branche
Nous rendra tout l’espace vivant,

Etoiles,
Si vous tirez à l’autre bout.
.
.
.
.
Jacques Dupin
est né le 4 mars 1927 à Privas, Ardèche. Son père était médecin-chef d’un
hôpital psychiatrique. Il meurt en 1931 et sa mère gagne avec lui sa Picardie
natale. Ils retournent ensuite à Privas. Il fait des études d’histoire, de
droit, de sciences politiques et se passionne pour l’art dès cette époque. Il
vit à Paris depuis 1944.
Il rencontre René Char en 1947. Grâce à son soutien, il publie poèmes et textes sur l’art dans Botteghe
Oscure
, Cahiers d’art, Empédocle. Secrétaire des Cahiers
d’art
en 1952, il entre en relation avec des artistes (Brancusi, Picasso.
Brauner, Lam. Calder. hélion, Braque, De Staël. Miro, Giacometti). C’est le
début d’une collaboration avec les artistes qui occupera le plus clair de son
temps. Il se lie d’amitié avec André du Bouchet. Francis Ponge, Pierre
Reverdy, André Frénaud.
En 1956, il devient directeur des éditions de la galerie Maeght, continuée par
la galerie Lelong en 1981. Son amitié avec Alberto Giacometti est marquée par
un livre. un film, l’organisation d’expositions. A signaler aussi, son étroite collaboration
amicale avec Joan Miro, textes, expositions dont douze rétrospectives,
établissement du catalogue des gravures, du catalogue des peintures, activités
d’expert.

Il a été aussi l’un des fondateurs de la revue l‘Ephémère en 1966, avec André du Bouchet, Yves Bonnefoy,
Gaëtan Picon, Louis-René des Forêts, Michel Leiris et Paul Celan.
Collaboration et liens d’amitié, avec Tapies, Riopelle, Chillida, Rebeyrolle,
Adami, Capdeville, Joan Mitchell, Francis Bacon. Henri Michaux.
Prix national de poésie, 1988.


Bibliographie
Cendrier du voyage, G.L.M., 1950, réédition Fissile, 2006
Art poétique, P.A.B., 1956, Dessin de Giacometti
Les brisants, G.L.M., 1958, Eau-forte de Miro
L’épervier, G.L.M.., 1960, Eau-forte de Giacometti
Mirô, Flammarion, 1961, Édition augmentée, 1993
Alberto Giacometti, textes pour une approche, Maeght, 1962, réédition par Fourbis en 1995
Gravir, Gallimard, 1963
L’embrasure, Gallimard, 1969
L’embrasure précédé de Gravir, Poésie/Gallimard, 1971
Dehors, Gallimard, 1975
Ballast, Le Collet de Buffle, 1976
L’éboulement (théâtre), Galilée, 1977
Histoire de la lumière, L’Ire des vents, 1978
De nul lieu et du Japon, Fata Morgana, 1981
L’espace autrement dit (écrits sur l’art), Galilée, 1982
Le désœuvrement, Orange export ltd, 1982
Une apparence de soupirail, Gallimard, 1982
De singes et de mouches, Fata Morgana. 1983
Contumace, P.O.L., 1986
Les Mères, Fata Morgana, 1986
Chansons troglodytes, Fata Morgana, 1989
Rien encore, tout déjà, Fata Morgana, 1991
Échancré, P.O.L., 1991
Eclisses, Spectres familiers, 1992
Matière du souffle (Tàpies), Fourbis, 1994
Le grésil. P.O.L., 1996
Le Corps clairvoyant (1963-1982), Poésie/Gallimard, 1999
Écart, P.O.L., 2000
De singes et de mouches/Les Mères, P.O.L., 2001
De nul lieu et du Japon, nouvelle édition augmentée, Farrago, 2002
Miro, Flammarion, 2004
Matière d’infini, Farrago, 2005
Coudrier, P.OL., 2006
M’introduire dans ton histoire, P.O.L, 2007

Ainsi que des livres à tirage limité illustrés par des artistes contemporains.

Sur Jacques Dupin :
G. Raillard, Jacques Dupin, Seghers, 1974
Dominique Viart, L’écriture seconde, Galilée, 1982
Les Belles Lettres n° 3-4, Genève 1986
Nicolas Pesquès, Balises pour Jacques Dupin, Fourbis, 1994
L’injonction silencieuse, Colloque de l’Université de Lille III, organisé par Dominique Viart la Table ronde, 1996
Jacques Dupin, rien encore tout déjà, collection Seghers>Poésie d’abord
Revue Faire Part, Jacques Dupin, matière d’origine, n° 20/21, 2007
04/03, mélanges pour Jacques Dupin, P.O.L, 2007

quelques liens

Un article de Bernard Simeone
sur le site de Jean-Michel Maulpoix
Un bel ensemble sur Jacques Dupin disponible sur le site remue.net
Une biographie
très détaillée et une bonne bibliographie sur le site des éditions P.O.L
Un bel entretien
avec Jacques Dupin

Un beau dossier sur
le site de Le Matricule des Anges

Jacques Dupin, poèmes


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