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Icare de la finance (jusqu’ici tout va bien…)

Par Borokoff

A propos de Cosmopolis de David Cronenberg ★½☆☆☆

Robert Pattinson - Cosmopolis de David Cronenberg - Borokoff / Blog de critique cinéma

Robert Pattinson

An 2000. Alors que New-York est en ébullition pour l’arrivée du Président des Etats-Unis, Eric Packer (Robert Pattinson), un jeune trader milliardaire, décide de traverser la ville en limousine pour se rendre… chez son coiffeur ! Sur la route, il rencontre sa maîtresse (Juliette Binoche), s’entretient avec son médecin personnel qui l’ausculte dans sa voiture, croise plusieurs fois sa femme, etc… Mais alors que la foule gronde et que des manifestants furieux s’en prennent à sa limousine, Packer s’entête à vouloir se faire couper les cheveux. Son garde du corps a beau le prévenir qu’un « entarteur » (Mathieu Amalric) rôde et qu’un autre homme veut l’assassiner (« credible threat »), Packer n’en démord pas. Il doit aller chez le coiffeur…

Décidément, le crash boursier et la crise financière mondiale de 2008 n’en finissent pas d’inspirer les réalisateurs. Après Margin Call de J.C. Chandor, c’est au tour de Cronenberg de s’y coller avec cette adaptation du roman éponyme de l’Américain Don DeLillo (né en 1936). Publié en 2003, Cosmopolis a été très contesté avant d’être reconnu comme un roman prophétique.

Fable amère sur le pouvoir et l’argent, conte cruel et moral teinté de science-fiction (pistolets à reconnaissance vocale et intérieur high-tech de la voiture rappellent à la fois Men in Black et Existenz) sur la vanité humaine, Cosmopolis se déroule sur 24 heures et raconte la descente aux Enfers d’un trader sans pitié à qui tout réussissait jusque-là. Dans une limousine aux allures de bunker, métaphore du cerveau de Packer, un golden boy arrogant et fier médite tout haut sur le cours du Yuan et sa propre et fulgurante ascension. Différents interlocuteurs se succèdent dans sa limousine transformée en huis-clos. Au cours de ses discussions avec eux, Packer défend coûte que coûte l’idée que le Yuan va s’écrouler, mais la devise nationale de la Chine ne cesse de remonter, provoquant sa chute inexorable.

Juliette Binoche - Cosmopolis de David Cronenberg - Borokoff / Blog de critique cinéma

Juliette Binoche

Suicide conscient ou pêché d’orgueil et de jeunesse du trader milliardaire ? C’est une des questions du film (et du livre), mais pas la plus importante. Car Cosmopolis est une réflexion plus générale sur l’effondrement d’un système bancaire, capitaliste et financier qui, n’ayant pas su imposer de limite à la spéculation (n’était-ce pas au contraire le credo des banques ?), a causé grosso modo sa propre perte.

Mais revenons au film de Cronenberg. Cosmopolis se passe presque exclusivement dans une limousine. Face à la difficulté et aux contraintes d’adapter le livre de DeLillo à l’écran, Cronenberg opte souvent pour des gros plans fixes et frontaux sur le visage de son héros. S’il faut reconnaitre au cinéaste canadien l’audace formelle de sa tentative, le culot de sa mise en scène et de son dispositif visuel, il faut aussi avouer que Cosmopolis est un film raté. Raté parce qu’un brin pontifiant voire prétentieux. Un peu comme Crash, malgré ses louables intentions, était un film raté. Bien sûr, cela n’enlève rien aux qualités de A dangerous Method ni à la réussite de History of Violence.

Mais Cronenberg force souvent le trait des dialogues de Cosmopolis, qu’il a lui-même adaptés du roman de Delillo (tout comme il a écrit le scénario), ce qui finit par rendre le discours de Packer lénifiant, pompeux comme ses considérations sur le monde. Ces gros plans incessants sur le visage de Pattinson, comme le jeu de ce dernier, ne manquent-ils pas de nuances ?

Paul Giamatti - Cosmopolis de David Cronenberg - Borokoff / Blog de critique cinéma

Paul Giamatti

Pattinson campe un trader au départ vaniteux mais qui va de plus en plus douter – à travers ce que sa femme lui balance au visage et dans un final à la fois épique et misérable – mais on ne sent pas assez ce doute l’envahir, le contaminer progressivement. C’est pourtant bien ce qui se produit.

En fait, on se demande constamment pourquoi Cronenberg a tellement tenu à adapter Cosmopolis au cinéma, tant le projet paraissait compliqué voire irréalisable.

On a souvent l’impression que le film en fait trop dans le pathos, dans le côté misérabiliste des situations et de ses personnages. C’est le cas dans cette scène pathétique (et un peu ridicule honnêtement) où Packer pleure dans sa voiture en compagnie d’un énorme Noir sur la mort d’un rappeur soufi que tous deux adoraient et dont la procession funéraire dans New-York attire autant les foules que le défilé du Président des Etats-Unis. « Il habitait dans un minaret », précise un des dialogues comme pour appuyer de manière absurde le côté extraordinaire de l’enfance et de la vie du rappeur, mort d’une stupide attaque cardiaque (et non « shooté » comme il se doit par un « gangsta »). Moralité (simpliste) : la vie ne tient à rien et nous ne sommes pas grand-chose. Certes mais bon…

A force d’être sur-écrits, les dialogues finissent par sonner creux. Les acteurs se sentent obligés de surjouer, et les situations sonnent souvent faux. C’est le cas dans la longue scène finale où apparait Giamatti, sorte de rebut, de rejeté aigri du système, qui dit qu’on écrit « des livres sur les trous » comme on écrit « des livres sur la merde ». Et Pattinson, lessivé, à bout de nerfs, d’acquiescer d’une moue désabusée. Ok, mais c’est un peu court, jeune homme, non ?…

http://www.youtube.com/watch?v=uO9MXU-Y8lg

Film franco-canadien de David Cronenberg avec Robert Pattinson, Paul Giamatti, Sarah Gadon, Juliette Binoche, Mathieu Amalric… (01 h 48).

Scénario de David Cronenberg d’après le roman de Don DeLillo  :

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Mise en scène :

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Acteurs :

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Dialogues :

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Compositions de :

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