18 mars 2008
Frénésie de la lenteur
Ô temps ! suspends ton vol
«Le mouvement pour la lenteur se développe à toute allure», écrivait en
2004 le journaliste canadien Carl Honoré dans son livre manifeste Eloge
de la lenteur. Rappelant que le XXe siècle avait vécu
dans la fascination de l'accélération - «Nous affirmons que la beauté
du monde a été enrichie par une nouvelle beauté: la beauté de la
vitesse», déclaraient les Futuristes en 1909 - l'auteur y pariait sur
la lenteur comme nouvelle valeur positive du début du troisième
millénaire. Bien vu.
Le succès de son livre jusqu'en Chine parle pour lui seul: une
grande partie des humains a très, très envie de ralentir. Et faute d'y
parvenir, elle tend à se consoler en consommant des denrées étiquetées
«slow». C'est ainsi que le mouvement pro-lenteur qui semble envahir
tous les domaines, se présente, à l'image de la déferlante écolo qu'il
recoupe en partie, comme un mélange post-moderne de valeurs
existentielles et de marketing.
Pour une bonne part, la «slowitude» n'est qu'une manière de jeter
un regard neuf sur des notions ou des pratiques familières: la qualité
au détriment de la quantité, le recyclage, le développement durable.
Carl Honoré est très occupé à recenser ses créatures et à diffuser la
lente nouvelle. Mais il jure sur son blog (http://www.inpraiseofslow.com)
qu'il ne s'est pas laissé pour autant prendre de vitesse. Depuis le
jour où il s'est rendu compte qu'il sautait des lignes exprès en lisant
des histoires à son fils et où il a amorcé sa conversion, le
journaliste, tel l'alcoolique repenti, s'efforce de ne pas rechuter.
Par exemple, il privilégie les vacances en Grande-Bretagne où il
habite. Même s'il prend régulièrement l'avion pour aller donner des
conférences dans le monde entier en se demandant si c'est bien
cohérent.