Résumé: Alors qu’il est en train de flâner dans la ville dans laquelle il vient d’emménager pour ses études, Yannick (Marc-André Grondin) fait une chute à vélo. Alors qu’il demande à un des voisins de lui appeler un taxi, il découvre que celui-ci a enfermé un homme blessé dans une des pièces de sa maison. Yannick se retrouve alors captif de cette étrange famille dont le père est un serial killer se prenant pour un Juste et assassinant les personnes le méritant selon lui…
Il est assez difficile de prime abord pour un spectateur français d’aborder un film québécois sans a priori dû à la barrière de l’accent. Mais bien heureusement, comme le prouve ce 5150 Rue des Ormes, un bon film n’a aucun mal à dépasser cette particularité et à passionner.
5150 Rue des Ormes débute comme un survival des plus classiques, tel qu’on en a pu voir des dizaines ces dernières années : un étudiant découvre qu’une famille banale cache un lourd secret, et se retrouve coincé au sein de celle-ci sans échappatoire. On pense immédiatement à Mum and Dad, ou encore au Frontière(s) de Xavier Gens, mais 5150 Rue des Ormes s’éloigne très vite de ce schéma classique pour tracer sa propre voie. Une fois le décor planté, le film laisse tomber l’horreur basique pour prendre un virage plus psychologique, à mesure que l’on découvre les membres de cette famille pas comme les autres : la gamine muette, la mère bigote et effacée, l’ado agressive, et surtout le père tueur menant tout le monde à la baguette. Pas de débordements gores ici, malgré quelques découvertes macabres bien amenées (notamment sur ce que deviennent les cadavres des victimes du père), mais une montée graduelle de la tension et un affrontement idéologique entre le héros et le père meurtrier. Un affrontement qui prend la forme d’une série de parties d’échec, dont l’enjeu est non seulement la liberté du héros, mais aussi la question de savoir si la « mission » du père est juste ou non. A cet égard, 5150 Rue des Ormes rappelle pas mal le dérangeant Emprise de Bill Paxton, dans lequel un père bigot apprenait à ses gosses comment éliminer les personnes mauvaises.
Le réalisateur machin brasse ainsi de nombreux thèmes, notamment sur la transmission des valeurs à ses enfants, tout en questionnant les croyances des spectateurs. 5150 Rue des Ormes ne repose pas uniquement sur le suspense et les scènes chocs, mais prend aussi le temps de développer des personnages fouillés. Le casting est à cet égard excellent, et les acteurs sont pour beaucoup dans la crédibilité de l’intrigue. Normand d’Amour, dans le rôle de Jacques Beaulieu, le monstrueux patriarche de cette famille dysfonctionnelle est évidemment celui que l’on remarque le plus, l’acteur bouffant l’écran à chacune de ses scènes, sans pour autant tomber dans la caricature grimaçante. Mais Marc-André Grondin (Le dernier Jour du Reste de ta Vie) impressionne lui aussi en arrivant avec aisance à lui tenir la dragée haute, tout en rendant crédible le lent basculement mental de son personnage, qui se perd peu à peu dans son obsession de battre Beaulieu à son propre jeu.
La réalisation est quant à elle assez sobre, même si le réalisateur Eric Tessier utilise plutôt bien son décor (notamment en jouant sur la perspective pour rétrécir ou au contraire agrandir la pièce dans laquelle Yannick est enfermé, selon l’état psychologique de celui-ci). Le basculement progressif du héros dans la folie est quant à lui amené visuellement de façon plus (la tâche de sang s’agrandissant dans sa « chambre ») ou moins fine (les scènes oniriques lors des parties d’échec, assez moches visuellement).
5150 Rue des Ormes est définitivement une très bonne surprise, un survival osant sortir des sentiers battus pour proposer une intrigue prenante et originale.
Note : 8/10
Canada, 2009
Réalisation : Eric Tessier
Scénario : Patrick Senécal
Avec : Marc-André Grondin, Normand d’Amour, Sonia Vachon, Mylène St-Sauveur, Elodie Larivière