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Zette comme personne de Yann Stenven

Publié le 29 mai 2012 par Moi1001

Zette2-paysage-.jpgPour continuer la découverte de nos personnages un deuxième texte de Yann Stenven

Zette comme personne.

Scène zéro : originalité d'écriture de repère dans le livret, le texte de Zette. Le point d'ouverture de la pièce est un point initial, un point de départ normé zéro. Etre à zéro, c'est être au plus bas, être zéro ce n'est pas compter.

Or, Zette, bien que parlant, compte mieux qu'elle n'épelle le verbe jouer, elle aime les nombres. Zette part du zéro pour devenir une, une individualité.

Zette devient par la rébellion_ « Non, non et non » : elle refuse d'exécuter la routine du quotidien qui l'use. Habileté d'écriture : dès la première réplique Zette conquiert le public. Les enfants plus jeunes sont conquis par son opposition à la mère, les élèves par le rejet des devoirs, les adultes par le constat amère du métro, boulot,dodo.

Ainsi dès la première réplique, Zette n'est plus seule. Elle sera accompagnée par le public sur l'ensemble de son parcours. Et elle a besoin de ce compagnon de voyage qui, en ce point zéro, constate ce qu'elle est ou n'est pas encore, elle a besoin d'un compagnon qui saura, tout à l'heure, mesurer l'écart, le zéro plus.

Si après une absence à la chambre, Zette revient à la conscience de la pièce, il n'y a pas de retour à zéro. Le zéro quand on le quitte, on s'en éloigne pour ne pas y revenir. Le retour au zéro n'existe pas, même dans le sentiment d'y revenir ou d'échouer : le pointage du zéro est erroné, désormais du temps s'est écoulé. La violence de l'échec est dans le temps perdu. Zette le sait, le dit. Elle compte les pétales de marguerites, des boulons, des perles. Elle veut exister dans la durée en s'éloignant de son départ de décompte, et sa mère en l'appelant perturbe son cheminement numérique. La rupture pourrait contraindre Zette à reprendre au début mais elle prend garde de poursuivre même si elle doute « Voilà, j'ai perdu mon compte ! Quoi zette ? Non ! 212,213,214,215... ».

Zette veux durer, exister. Il lui faut apprendre que c'est par les mots, le verbe qu'elle pourra être. Pour la complice du public, l'interrompre dans son compte est la nier, la remettre en cause dans ce qu'elle est, la couper son élan à vivre _ « Elle me dérange, coupe mon élan et ne comprends pas que je ne sois pas contente. Est-ce que je n'existe pas ? (…) Zette n'est rien, c'est ça ? »

Zette, alors dans le flot de son discours de révolte, marque les étapes à franchir par une erreur puis une vérité. L'erreur dans son désir d'être quelque chose. Ce qu'en réalité, elle ne peut être puisque si Zette ne le mesure pas, elle existe par son prénom. Zette existe parce que sa mère la nomme. D'ailleurs, dans son retour à la chambre, Zette appréciera d'entendre la voix de sa mère la nommer, sauf qu'entre temps, notre petite compteuse aura compris qu'elle est quelqu'un : Zette.

Reste une vérité que pour être quelqu'un, il faut être humain. Seul l'humain peut être quelqu'un. Zette, dans la conscience de son auteur, reste une marionnette, un objet, quelque chose qui doit par la « magie » et le révélateur du spectacle devenir un être humain, une petite fille en qui le public croit. Sous ses yeux la petite fille en vient à naître non au monde mais à elle-même sous ses yeux. Zette l'annonce,_ « Oui, Madame, Zette est un être humain !... »

Zette compte, mesure le temps, elle égrène. Elle aime le décompte et non le calcul (elle refuse dans la première réplique d'apprendre les tables de multiplications.)

Ce goût des nombres laisse à Zette une coloration carrollienne. Elle ne croise certes pas de lapin Blanc, en redingote rouge, fixant sa montre en s'écriant _ « Je suis en retard ! En retard ! En retard ! » mais elle s'engage dès la scène d'ouverture sur un temps qui compte pour elle.

Zette, amatrice d'art, aimerait sans doute l'œuvre de Roman Opalka : l' artiste, depuis 1965 à sa mort en août 2011, n'a eu de cesse de peindre les nombres, les uns après les autres, pour prendre conscience de sa vie.

Zette ne tombe pas dans un terrier, elle dénie à l'Autre le droit de venir la voir, elle se nie pour mieux renaître - « Non et bien désormais, la porte de ma chambre t'es fermée, d'ailleurs je ne l'ouvrirai plus jamais, il n'y a plus de porte, il n'y a plus de chambre, il n'y a plus de Zette. »

Le public sait alors qu'il bascule avec Zette dans une autre réalité, il se doit de croire en elle pour qu'elle existe : _« Je ne serai Zette pour personne ni pour toi, ni pour moi... » Le public est le dépositaire de la personne de Zette.

Zette subit la punition tout en laissant croire et en se faisant croire qu'elle est maître de ses choix, tandis qu'elle s'abandonne certes en résistance. Zette interpelle sa mère, comme son créateur, dans une phrase que l'on pourrait croire biblique : _ « Mère sourde qui es-tu pour me demander d'être comme tu le veux ?» Dans un écho au jardin de Gethsémani : Matthieu, 26.39 _ « Mon père, s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi ! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux. »

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Un écho difforme et contraire parce que Zette ne se résout pas, interpelle mais les deux citations ont pour rôle d'annoncer le pas suivant pour l'un son arrestation par un baiser et pour l'une son absence au monde par l'invitation de s'accomplir en osant quitter la chambre, à la proposition de trois étranges personnages selon la version écrite.

Trois personnages, maîtres de l'individualité de Zette, qu'ils pourraient lui offrir sous forme de pelote. Ces Parques étranges poussent Zette à se mettre en chemin car il ne peut y avoir parcours si Zette reste inerte comme endormie. Elle doit parcourir son temps pour souhaiter recouvrer sa chambre et comprendre que sa mère qu'elle invective et condamne, l'aide à être ce qu'elle est et non ce qu'elle veut.

Zette fait le bon choix dans le « couloir aux portes nombreuses » , et tandis que « la voix d'on ne sait où » énonce la perte du deux _ « le un est là, il était trente et puis voilà, à toi de voir, à toi d'aller, si lui le veux, cherche bien tu le trouveras, il est passé par ici, tu l'entendras au six de la rue du chiffre ».

Zette n'écoute plus, elle entend son nom, elle se laisse nommer. Elle est dans sa chambre, et Zette passe de l'emploi du mot « Madame » au mot « Maman ».

On ne grandit qu'en s'éloignant de son point d'origine, toutefois sans jamais nier ses origines.

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