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Le sanglot de l’homme noir ou l’art de sortir du doudouisme bêlant !

Par Gangoueus @lareus
C'est une première expérience sur ce blog littéraire. Le texte ici publié n'a pas été écrit par moi, mais par un aîné basé en Franche-Comté, amoureux des lettres, promoteur de rencontres littéraires à Besançon, et universitaire, j'ai nommé Jean-Michel Nzikou. Il revient sur l'essai Le Sanglot de l'homme noir d'Alain Mabanckou qui continue de susciter des nombreuses réactions.
Le sanglot de l’homme noir ou l’art de sortir du doudouisme bêlant !
Le moins que l’on puisse dire, Le sanglot de l’Homme noir d’Alain Mabanckou n’est ni doudouisant, ni complaisant. C’est un essai où rigueur et tendresse le disputent avec une volonté affichée de rompre avec le double regard tantôt misérabiliste, tantôt paternaliste porté sur l’Afrique ou mieux « les Afriques » pour reprendre le titre d’Henri Lopès.
Dans ce nouvel essai qui fait suite à la Lettre à Jimmy, la rigueur est partout présente : de la forme à la manière de camper le sujet.
Alain Mabanckou déploie sa bibliothèque, butinant de texte en texte pour inventer son propre langage, dans un grand souci de rendre manifeste, sa filiation, ses coups de cœur, « sa fratrie de plume ». Une fratrie éclectique où Montesquieu et Kourouma entretiennent un cousinage littéraire dont ce dernier n’aurait pas boudé le plaisir. Et comme Ahmadou Kourouma dont il se réclame, Alain Mabanckou « plant[e] une case africaine dans la maison de Molière ».
Le manichéisme et la facilité avec lesquels s’opère en France la réception des textes francophones africains sont fustigés avec force. Des textes dont la critique est souvent réduite à une approche thématique qui «[…] n’explique  pas tout et fausse le plus souvent la vision qu’on se fait de l’univers d’un écrivain ou d’une littérature ». Cette approche thématique monosémisante et sclérosante à souhait ne rend pas compte de la complexité et de la richesse d’une écriture qui est fille de son temps. Une écriture qui se veut plus globale, moins périphérique, ouverte au métissage et aux apports du « Tout monde ». 
L’essai est surtout un coup de fouet sur la conscience de l’homme noir afin qu’il sorte de son assignation à la couleur de sa peau, se déleste de son « sanglot », cette capacité à s’accrocher à l’économie d’une Histoire douloureuse dont on voudrait tirer les dividendes illusoires pour ne pas avoir à investir sa vocation humaine au présent.
Mais il y a dans ce livre, une tendresse certaine. Elle est cristallisée dans cette volonté de décliner les noms, de les déclamer, de les scander comme pour les psalmodier, à la manière des bardes.
Mabanckou, à la suite d’Edgar Faure, s’approprie le : « Je dirai ton nom, Senghor. Nomina, numina. » en le fondant dans un creuset universel. Ce creuset, c’est la Francophonie manifestée à travers la Fraternité des peuples et le dialogue des cultures. Or, la voie royale pour converger vers l’Universel nous dit L. S. Senghor, c’est de nous « enrichir de nos différences ». C’est ce que défend et illustre A. Mabanckou dans cet ouvrage, en convoquant à la table du partage des mêmes valeurs universelles : Pascal Bruckner, Bernard Dadié, Amin Maalouf, Ferdinand Oyono, Montesquieu, Philippe Labro, Yambo Ouologuem, Jean-Marie Adiaffi, Julien Gracq, Michel Leiris, et Ahmadou Kourouma. Des noms qui ponctuent les chapitres de l’ouvrage comme autant de clés pour une meilleure compréhension des peuples, dans un art fini de lier l’humain à l’humain. Cette compréhension mutuelle des peuples n’est possible que dans une confrontation, dans une inter-fécondation des cultures.
C’est pourquoi, Mabanckou  est bien inspiré de rappeler que « L’Afrique n’est plus seulement en Afrique. En se dispersant à travers le monde, les Africains créent d’autres Afriques, tentent d’autres aventures peut-être salutaires pour la valorisation des cultures du continent noir. »
C’est-là un bel hommage rendu à la Francophonie et au précurseur que fut L. S. Senghor pour qui les écrivains et les poètes étaient les sentinelles de cette étincelle de sympathie nommée l’Universel. « Qui  donc a dit  qu’il fallait désacraliser ceux qui nous ont montré le chemin ? Qui donc a dit que le rugissement du Cahier d’un retour au pays natal ne se faisait plus entendre au-delà des montagnes ? »
Jean-Michel NZIKOU
Passeur d’altérité et de cultures

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