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Lang(u)age de Daby Touré, le concept de l'homme-mosaïque incarné

Publié le 30 mai 2012 par Notsoblonde @BlogDeLaBlonde

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Ce n'est qu'au printemps 2010 que j'ai découvert l'existence de Daby Touré. Avec ce titre là, Kebaluso sur lequel je suis tombée alors que je prospectais sur Youtube, à la recherche de je-ne-sais-plus-quoi. Immédiatement je suis tombée en arrêt.

Subjuguée.

Je partage pour que tu sois saisi à ton tour du même émoi :

Je ne comprends pas un traitre mot du texte et pourtant je suis convaincue qu'il me parle intimement, qu'il fait raisonner en moi des choses très personnelles. Il y a aussi cette voix d'une douceur inouïe qui se pose sur une mélodie dépaysante et pourtant étrangement familière. J'aime.

Aussi, quand à l'automne de la même année, Daby Touré est annoncé à la Maroquinerie avec Okou, je n'hésite pas un instant. (Et pourtant, Good Prod qui organise le concert et m'accrédite me demande d'apposer son logo sur chacune de mes photos. Je me plie à la contrainte, à contre coeur, mais c'est vraiment parce que l'artiste n'est pas annoncé ailleurs de si tôt) (Muflerie)

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Enfin voilà j'y vais et c'est comme je m'y attendais : sublime.

Un instant suspendu, de ceux qui te font oublier l'endroit où tu te trouves, la durée de la performance et dont tu regrettes seulement quand tu comprends que c'est la fin qu'il ne dure pas plus longtemps. Parce qu'en dehors de son indéniable talent en tant que musicien, Daby est aussi un interprète hors-pair. Habité par les mots qu'il partage, tout en sincérité et en émotion partagée. Bien entendu la complicité avec Okou ajoute à la magie du moment et je me souviens avoir adoré leur reprise de "To The Bone" (le "tube" d'Okou, légèrement revisité pour l'occasion), que j'avais filmé et partagé malgré la piètre qualité sonore (mais enfin ça te donne une idée de la beauté de l'instant) (est ce que toi aussi tu sens le souffle chaud du vent du désert sur ta peau quand Daby se met à chanter et à jouer? Moi oui. Presque systématiquement. Magie)

Et puis j'ai rencontré Edi Casabella dont j'ai vraiment aimé le projet.

Les textes, la musique, les images. Qui évoquaient souvent le voyage. D'une très belle manière. Et Edi m'a confié avoir travaillé avec Daby Touré pour l'enregistrement de l'album et ne tarissait pas d'éloges sur cette collaboration fraternelle. Je lui avais alors à mon tour confié que j'appréciais beaucoup le travail de Daby. Connivence. Nous avons discuté de sa musique. S'en sont suivi quelques échanges au cours desquels il m'a confié que Daby est un de ses amis proches et alors que je lui disais qu'il est une de ces rares personnes qui m'ont donné l'impression, sans même que je les connaisse vraiment, d'être "des gens biens", il m'avoue qu'effectivement Daby est une belle personne. Une VRAIE belle personne.

J'en suis restée là, toute à la satisfaction de voir ma suspicion confirmée.

Et puis Polydor m'a fait parvenir son album "Lang(u)age", qui paraitra le 11 juin.

Joie.

Parce que sur cet album on retrouve ce qui fait le charme de la musique et du chant de Daby Touré, sa voix délicate, caressante et ses mélodies ciselées, souvent veloutées mais qu'il jouit aussi d'un relief inattendu qui en fait la richesse.

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Daby Touré fait tomber la barrière de la langue ou plutôt les réconcilie toutes.

S'exprimant tantôt en wolof, en anglais, en arabe, en français ou en pular, on se surprend à avoir toujours autant de plaisir à l'écouter chanter. Que le sens soit clairement accessible ou qu'il reste mystérieux, peu importe :  la magie opère. Le métissage perceptible dans la musique de Daby est une ode au brassage culturel et à l'enrichissement mutuel qui se dégage du voyage et des multiples rencontres qu'il occasionne, pour un peu qu'on se laisse aller au plaisir d'échanger.

"Pas si éloigné que ça", titre co-écrit avec Ours (dont je te parlais ici il y a très peu de temps souviens toi) est d'ailleurs un titre dansant qui dresse ce constat : bien que tous différents, nous sommes finalement tous semblables.

Niveau collaborations, Daby a su s'entourer : Outre Ours que je viens de mentionner, Maxime Le Forestier a participé lui aussi en signant le texte de "Chez les autres", qui ouvre l'album, histoire d'un homme déraciné ("tu m'as dit fais comme chez toi moi j'ai grandi chez les autres, apprends-moi") et on retrouve aussi Oxmo Puccino sur "This is the time" : quelle magie insensée que celle de la voix d'Oxmo lorsqu'elle vient se poser sur la mélodie parfaitement rythmée ("il faut trier le beau du vrai, nous avons si peu de paix à célébrer, il est temps de converser afin qu'il reste une chose à conserver" (...) "mes mots te caressent dans le sens des rêves" (...)  "un  coeur chaud dans un monde froid, où fer, geôle et l'or noir effacent tous les bons rois"). Seul duo avec une voix féminine de l'album "Du haut de nos différences" permet à Daby de partager un superbe texte avec Salome Leclerc, parfait mélange des deux voix, à la fois douces et lumineuses.

"Mon lang(u)age" est un texte signé Edi Casabella ("la terre, l'amour, la pluie est mon langage, mais je n'ai pas de rêves faits de nuages, je voyage, je voyage") qui à mon sens résume bien l'album de Daby.

Evoquant tour à tour l'enfance ("Yewende"), la richesse des partages, des voyages (Bilady, mon lang(u)age, toutes les îles), Daby parle une langue universelle, celle de l'émotion partagée, de l'espoir en des lendemains meilleurs ("this is the time"), tour à tour mélancolique ("Angel") et joyeuse ("Papillon", "Mariko", "toutes les îles"...).

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Au fond je crois que si j'aime tant Daby Touré c'est parce qu'il incarne à merveille, à travers sa musique, cette idée que je me fais de l'être humain-mosaïque. Cette idée que chacun se construit au gré des rencontres qui jalonnent sa vie, dont il se nourrit et qui l'aident à se composer une identité propre, assemblage de tous les instants partagés, de tous les chemins croisés, de tous les pays traversés.

Merci Daby Touré d'être ce nomade dont la soif de rencontres semble ne jamais devoir s'étancher. 

Et longue vie.

Je termine avec un (court) extrait de l'album : 

"Laisse toi bercer : Chaque sourire n'est que le reflet d'un secret percé" This is the time (en duo avec Oxmo Puccino)

(version intégrale du morceau à retrouver ici) 

Il sera à la Maroquinerie le 28 juin prochain et sur la scène du Village Francofou le 12 juillet prochain, (et  là c'est gratuit! Merci les Francofolies!)

(A noter que Daby Touré avait participé à l'album "La maison bleue" (tribute) sur lequel plusieurs artistes interprétaient les titres du grand Maxime et qu'il était à la Coursive pendant le festival des Francofolies 2011 pour le concert consacré à cet album) (J'avais eu la chance de furtivement le croiser à cette occasion) 


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