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Une photo, quelques mots # 32

Par Mathylde

Une photo, quelques mots # 32Il n’avait jamais eu le pied marin. On l’avait charrié toute son enfance à ce sujet. Un fils de marin ne pouvant pas monter sur un bateau, ça frisait presque le ridicule. Son père n’en parlait jamais d’ailleurs. Aussi, lorsqu’ Ines lui avait dit qu’elle avait repéré une péniche à visiter, il avait doucement rigolé. Une péniche, ben voyons… et pourquoi pas un catamaran !

Et pourtant, la situation était critique. La valse des différents gouvernements qui s’étaient succédés depuis plusieurs décennies n’avaient trouvé que cette solution pour pallier la pénurie de logements terrestres. Beaucoup de grandes villes jouissaient d’un voire deux fleuves,  au moins d’une rivière. Des constructeurs s’étaient engouffrés dans la brèche. Depuis 2045, on ne pouvait plus se promener le long des chemins de halage sans déranger des familles entières ayant élu domicile sur l’eau. Les banquiers, eux aussi, avaient saisi l’opportunité et crée des prêts à taux intéressants, pour quelques temps seulement bien sûr, et avaient ainsi vu leur nombre de clients augmenter. Forcément, une péniche coûtait un peu moins cher qu’une maison et on ne payait pas le prix du terrain. L’affaire arrangeait tout le monde. A quelques exceptions près…

“Tu comprends, j’ai toujours rêvé de vivre au bord de la mer ! Bien sûr, on ne pourra pas se baigner, mais le soir on pourra manger sur le ponton, en regardant le coucher de soleil sur l’eau!”

Mais comment lui dire qu’il refuser de tomber, lui aussi, dans le cliché ? De faire comme tous ces bobos  qui se pavanaient en maillot de bain, été comme hiver au dessus d’une eau verte, polluée par les rejets des usines des alentours ?

Mais Inès semblait à peine prendre le temps de respirer. Elle débitait, d’une voix haut perchée, des arguments à n’en plus finir. Ils feraient livrer du sable pour que les garçons puissent faire des pâtés, construire des châteaux forts, organiser des concours avec les enfants du voisinage ! Ils feraient même des économies ! Plus besoin de partir en vacances l’été puisqu’ils auraient le privilège d’être au bord de l’eau toute l’année ! Et surtout, surtout … elle avait lu dans un magazine scientifique, ou vu à la télévision, peut-être, elle n’en était plus très sûre, que vivre sur l’eau douce pouvait habituer l’oreille interne à résister aux pires tempêtes en pleine mer !

Il se dit que résister serait vain et qu’il ne pourrait plus lutter. Elle aurait, comme toujours, le dernier mot. D’un certain côté, il aimait ça. Et puis, si c’était pour entendre des inepties et des raisonnements par l’absurde à n’en plus finir, mieux valait jeter l’éponge tout de suite.

Il ne pouvait cependant pas s’empêcher de sourire lorsqu’il lui dit qu’elle pouvait prendre rendez-vous. Il insista pour qu’elle le prît en milieu de soirée.

Il était sûr qu’Inès changerait d’avis lorsqu’elle reviendrait, sur la terre ferme, le corps couvert de piqûres de moustiques !

Texte écrit dans le cadre de l’atelier hebdomadaire de Leiloona, Une photo (de Kot) quelques mots.



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