Par Oddjob
Comme chaque printemps, le Festival de Cannes nous offre l’affligeant spectacle de tout ce que la rédaction de Fury Magazine déteste au cinéma.
Côté face : le factice, les paillettes, les people, la vulgarité, Canal +, les soirées VIP…
Côté pile : des films que nous n’irons jamais voir, des palmes d’or récompensant l’establishment intello-chiant, le tout devant un parterre de critiques dénués de tout sens… critique.
Et c’est avec une certaine jubilation, teintée d’un profond snobisme (avouons-le sans honte), que nous apprenions, l’autre soir, le "couronnement" de Michael Haneke !
Une jubilation, oui, que de se dire que tous ces "artistes" ignorent, méprisent notre cinéma. Tout comme la cérémonie des Césars qui anoblit les instincts les plus beaufs et les plus minables.
Bref, Cannes (comme les Césars) est un excellent moment (un de plus) pour (re)savourer des bobines et des acteurs que nous admirons.
Et là coup sur coup, voilà que nous nous enchaînons, lors d’une après-midi maussade et post-électorale, un Siegel et un Sturges : The Black Windmill (Contre une Poignée de Diamants) et The Great Escape (La Grande Evasion).
Au menu : Michael Caine, John Vernon et Delphine Seyrig pour le thriller d’espionnage. Et Steve McQueen, Charles Bronson, James Coburn, James Garner, David McCallum… pour le movie stalag !
Que du beau monde, qui nous a bien fait fantasmer lorsque nous étions plus jeunes : viril (juste ce qu’il faut), bagarreur (et le panache en plus), désinvolte (mais avec classe)… Des héros parfaits ! (Delphine Seyrig, quant à elle, c’est plutôt dans Baisers Volés qu’elle nous a fait connaître nos premiers émois : que n’aurions-nous fait pour être à la place d’Antoine Doinel dans les bras de Fabienne Tabard…)
Mais ces deux films ont également comme point commun d’avoir dans leur distribution un acteur moins éclatant, certes, mais dont la présence n’est pas des moins marquantes : Donald Pleasence.
Ce petit bonhomme du Nottinghamshire sera de (presque) toutes nos œuvres de prédilections et ce dès 1960, époque à laquelle nous le retrouvons au générique de deux épisodes de Danger Man aux côtés de Patrick McGoohan (Position of Trust et Find and Return).
A l’aise aussi bien dans le fantastique, Fantastic Voyage de Richard Fleischer, l’horreur aux côtés de Peter Cushing dans The Uncanny (La Secte des Morts Vivants) ou de Christopher Lee dans The Hands Of Orlac, que dans le film de guerre avec The Night Of The Generals et The Eagle Has Landed (fort bien entouré par Michael Caine, Donald Sutherland et Robert Duvall), c’est cependant trois autres de ses rôles qui marqueront notre petit cœur de cinéphile.
En 1966, Roman Polanski poursuit sa période anglaise avec Cul-de-Sac et offre à Pleasence l’un de ses rôles les plus difficiles. Dans cette comédie noire, il forme un drôle de couple avec Françoise Dorléac (choisie in extremis la veille du premier jour de tournage), vivant dans un vieux château de la côte britannique, que la marée haute isole régulièrement du continent. Leur vie, hors du temps, basculera le jour où débarqueront deux gangsters en cavale. Un noir et blanc somptueux et une atmosphère de folie douce, imprègnent cette histoire, jusqu’à sa fin, déroutante. (Pour l’anecdote, une bien jolie jeune fille y fera ses débuts… Jacqueline Bisset)
L’année suivante, il aura la lourde tâche d’incarner (enfin !) le génie du mal et l’ennemi de Double Zéro Sept, Ernst Stavro Blofeld, dans You Only Live Twice. Et c’est vrai qu’il faut reconnaître, de ses aveux mêmes, qu’il n’a pas réussi pleinement sa composition de numéro 1 du S.P.E.C.T.R.E. Il porte bien la cicatrice et le col mao, certes, et avec le vilain matou sur ses genoux, il est le machiavélisme incarné. Mais, lorsque l’on découvrira la prestation de Telly Savalas dans On Her Majesty’s Secret Service, alors le doute ne sera plus permis…
Mais c’est sa rencontre avec John Carpenter qui finit de l’asseoir dans la cour des grands (trop souvent méconnus !) Il est, en 1978, le docteur Loomis (rôle que déclinera Christopher Lee) dont le patient, Michael Myers, deviendra le "maître étalon" du psycho killer cinématographique, dans Halloween. Et son rôle n’est pas sans rappeler les compositions de Peter Cushing, en Van Helsing, dans les productions de la Hammer !
Deux ans plus tard, Carpenter lui confiera le rôle du président des USA dans Escape From New York, magnifique western futuriste, dans lequel il sera entouré des vétérans du genre : Lee Van Cleef et Ernst Borgnine.
Carpenter et Pleasence se retrouveront une troisième et dernière fois dans l’excellent Prince Of Darkness. Il y incarnera un prêtre aux prises avec le fils de Satan dans une église américaine désaffectée ! Brrr…
Malheureusement la carrière de notre cher Donald ne se fera pas sans faux pas, et son nom se retrouvera au générique de trop nombreuses séries Z (le plus souvent made in Italy), dont la plus savoureuse (ou la plus pathétique, au choix) sera L’Uomo Puma (L’Homme Puma) du génial Alberto de Martino. Du super-héros transalpin, mais "sauvé" de justesse par son affiche kitsch à souhait et la chute de rein de Sydney Rome…
C’est pourtant la France qui l’accueillera pour les derniers instants de sa carrière et sa vie. Après avoir été retenu par Schoendoerffer dans son Diên Biên Phu, il tire sa révérence à Saint-Paul-de-Vence, en 1995.