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Eva Besnyö, photographe de corps

Publié le 05 juin 2012 par Marc Lenot
Eva Besnyö, photographe de corps

Eva Besnyö, nu, Matyasfold près Budapest 1932

Il y a deux ans, à l'occasion de l'exposition Charley Toorop au MAMVP, je découvrais le travail photographique de sa belle-fille, Eva Besnyö et j'écrivais que j'aimerais voir un jour une exposition de ses photographies. C'est chose possible aujourd'hui (et jusqu'au 23 septembre) au Jeu de Paume.

Ce qui m'a d'abord frappé dans cette exposition, ce sont ses photographies de corps, qu'ils soient érotiques, ouvriers ou oniriques. D'abord ce nu hongrois de 1932 se détachant

Eva Besnyö, photographe de corps

Eva Besnyö, ST, Berlin, 1931

sur les structures denses de la natte et de l'herbe et tout ombré de feuillages tremblotants et caressants. Ensuite ce dos musclé d'un charbonnier allemand de 1931 comme un archétype de son travail populaire, de son engagement socialiste.

Eva Besnyö, photographe de corps

Eva Besnyö, ST, 1933

Et puis, ensuite, en Hollande, quand ses photos prennent plus de liberté, échappent aux rigueurs de la nouvelle vision pour acquérir une poésie à l'échelle des espaces illimités du pays, elle photographie son mari John Fernhout, Joris Ivens et leur amie la peintre Anneke van der Feer en ombres dansantes emportées par le vent devant un typique moulin.

Eva Besnyö, photographe de corps

Eva Besnyö, Bobby, Gauting, Bavière, août 1930

Le corps peut aussi surgir d'une fenêtre dans les toits, portrait encadré de Violette Cornelius en 1938, ou bien il peut se dissimuler, ne se livrer qu'à demi comme cet enfant allemand de 1930 penché en avant sur les marches, image surprenante voire inquiétante.

Corps présents même quand elle photographie des architectures froides et fonctionnelles comme ce stade allemand à Berlin en 1931 : venant rompre la perfection des courbes, deux femmes et un homme, porteurs de mallettes, se hâtent dans un couloir au pied des gradins, comme pressés par les traces blanches sur le mur concave.

Eva Besnyö, photographe de corps

Eva Besnyö, Deutsches Stadium Grunewald Berlin 1931

Corps toujours quand, à la fin de sa vie, elle s'engage dans le mouvement féministe 'pro-choix' Dolle Mina dont elle devient la photographe officielle et la marraine (retour à l'aiguille à tricoter, disent les pancartes des manifestantes).

Eva Besnyö, photographe de corps

Eva Besnyö, ST, 1976

Eva Besnyö, photographe de corps

Eva Besnyö, Rotterdam 1940

Dans cette symphonie (que ne remettent pas en question, par exemple, ses froides photographies d'architecture), une seule série, superbe, résonne autrement et ce fut, dit-elle, une série dont elle eut ensuite honte. Quand, en 1940, Rotterdam est bombardé, elle photographie les ruines : cailloux et poutrelles, fouillis des décombres dans la lumière de juillet, ce n'est pas la peinture d'un drame mortel, c'est une composition ruinistique du plus bel effet, avec le moulin à l'arrière-plan.

Pour conclure, ajoutons une information que je n'ai pas trouvée dans l'exposition elle-même. Quand, en 1931, Eva Besnyö, à Berlin depuis un an, reçoit un de ses compatriotes hongrois qui fuit la dictature et l'antisémitisme, Endre Erno Fridemann, âgé de 17 ans, elle lui dit 'Tiens, apprends donc à photographier '. Ça le mènera loin...

Photos 2, 3 & 6 courtoisie du Jeu de Paume. toutes photos collection Iara Brusse, Amsterdam, (c) Eva Besnyö / Maria Austria Instituut Amsterdam


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