Magazine Culture

7 juin / L'homme qui voulait être un héros 1/3

Par Blackout @blackoutedition
7 juin L'homme qui voulait être un héros 1/3 Les vagues, titanesques pour l'île d'Oléron s'écrasent avec fracas sur la plage tourmentée. Le ciel est fou les nuages défilent à toute vitesse, du noir pur au bleu pâle, et lorsqu'il laissent passer un rai de soleil, le spectacle est divin. Jambes écartées pour la stabilité, fichés dans le sable pour lutter contre le vent, je fusille malgré le froid le spectacle dantesque avec mon bridge. Il me semble entendre un cri, une mouette sans doute. Non. Ce râle est tout ce qu'il y a d'humain, mais point d'humain à 360°. Ce sale temps est réservé aux cinglés. Une nouvelle clameur, désespérée... Je zoome. Une minuscule tache rouge vif yoyotte comme un bouchon de pécheur. Je plisse des yeux, deux bras minuscules s'agitent. Cinquante mètres d'océan déchaîné me séparent de la naufragée, il n'y a qu'une femme pour porter un vêtement aussi vif. C'est absurde mais je quitte mes bottes et mon ciré, j'arrache mon pull et mon T-shirt le sable me cingle la peau. C'est cinglé ce que je veux faire, cela fera deux noyés au lieu d'un. Je cours et me jette à l'eau. Aussitôt refoulé par un petit tsunami telle une planche de polystyrène. A moitié assommé, j'ai la présence d'esprit d'hurler contre vents et marées "continuez de crier !" Deuxième tentative, plus calculée celle-ci le ressac me projette à cinq mètres du rivage, à l'abri des vagues qui se fracassent sur la plage. Il faut y aller, des mouvements saccadés j'engouffre des paquets d'eau salée et glacée, mais j'entrevois la tache rouge qui a à peine grossi mais qui apparaît périodiquement. "Luttez ! luttez ! gloups ! j'arrive !". Mes bras pèsent des tonnes et la mer me tire par les pieds j'ai l'impression de faire du sur-place. Est-ce une impression ? Non. J'essaie de me faire aider par le courant, j'avance un peu me semble-t-il mais je vais rater ma cible qui coule de plus en plus souvent de plus en plus longtemps. "Courage gloups !" peine perdue. Un rayon de soleil comme une apparition de Dieu dans un tableau, et je la distingue. Allons, elle n'est pas si loin, je l'ai presque vue sourire ! Trois mètres un plomb rouge disparaît dans les eaux en furie, je plonge attrape à l'aveugle une touffe de cheveux, coup de bol c'est bien une femme. Elle est bien vivante et me saisit les jambes, nous allons couler tous les deux, je tire les cheveux elle lâche, Dieu que le temps est long sous l'eau. Des notions de sauvetage me reviennent, ce putain de mannequin de plomb, je me glisse derrière elle et la cramponne sur le sein droit qu'elle a ferme. Nous remontons désespérément enlacés la surface apparaît, puis nos têtes explosent à l'air libre comme un bouchon de champagne. Elle hoquette comme une carpe jetée sur l'herbe, de ma main libre je lui dégage la langue, elle me gerbe dessus. Sauvée. Il n'y plus qu'à rejoindre le bord. Il me semble que les flots jadis déchaînés coopèrent et se calment. Mais pas le courant, je vois ma bagnole sur la berge qui s'éloigne. Inutile de lutter, rester à la surface comme un ballonnet encourager ma noyée d'une voix de plus en plus essoufflée. Je ne vois plus la voiture mais je me rapproche du bord, une vague plus forte que les autres une gifle de sable puis plus rien. Noir. Eclairs bleus dans la nuit dense, voiture rouge hommes bleus qui s'affairent autour de ma rescapée et qui m'ignorent totalement. Le vent s'est un peu calmé, je tente de me lever retombe aussitôt. Les casques acier qui reflètent les flashes bleus s'écartent pour laisser passer une sirène, blonde qui danse vers moi "vous m'avez sauvé la vie, à mon tour" et sa bouche pulpeuse et salée prend ma bouche gercée et j'ouvre les yeux, ébloui : il fait grand bleu sur la plage déserte et c'est un chien errant qui est en train de me rouler un patin... Tant pis, ce sera pour une autre fois... A suivre... demain !

Tweeter

Suivre @blackoutedition

© Black-out


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Blackout 292 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines