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Le Quarteto Gardel fait tanguer le Studio de l'ermitage

Publié le 09 juin 2012 par Assurbanipal
Quarteto Gardel Paris. Studio de l’Ermitage. Jeudi 7 juin 2012. 20h30. Lionel Suarez : accordéon, direction, arrangements Minino Garay : percussions, MC Vincent Segal : violoncelle Airelle Besson : trompette, bugle

République Argentine. - La Plata

A Ruben Dario.

Ni les attraits des plus aimables Argentines,
Ni les courses à cheval dans la pampa,
N'ont le pouvoir de distraire de son spleen
Le Consul général de France à La Plata !

On raconte tout bas l'histoire du pauvre homme :
Sa vie fut traversée d'un fatal amour,
Et il prit la funeste manie de l'opium ;
Il occupait alors le poste à Singapoore...

- Il aime à galoper par nos plaines amères,
Il jalouse la vie sauvage du gaucho,
Puis il retourne vers son palais consulaire,
Et sa tristesse le drape comme un poncho...

Il ne s'aperçoit pas, je n'en suis que trop sûre,
Que Lolita Valdez le regarde en souriant,
Malgré sa tempe qui grisonne, et sa figure
Ravagée par les fièvres d'Extrême-Orient...
Henry J.M Levet (1874-1906) Comme son nom l’indique, le Quarteto Gardel se voue à l’œuvre de Carlos Gardel, le Père du Tango, natif selon les versions de Cordoba (Argentine), de Toulouse ou de Rodez (France). Je me souviens que Claude Nougaro déclarait fièrement être né dans le même quartier que Carlos Gardel et que Carlos Gardel parlait deux langues, l’espagnol et l’occitan. D’ailleurs, Lionel Suarez a créé ce groupe suite à une idée proposée par le Festival de Jazz de Toulouse. Lui pense que Gardel est né à Rodez, Aveyron alors que Minino Garay pense qu'il est né en Argentine comme lui. D'autres affirment qu'il est né en Uruguay. Ce qui est sûr c’est que Gardel a vécu, chanté, aimé en Argentine et qu’il y est enterré depuis 1935. Il est certain par ailleurs qu'il est mort en Colombie dans un accident d'avion près de Medellin. Lionel Suarez et Minino Garay montent sur scène. Lionel commence seul en douceur. Il installe l’ambiance. Minino commence à tambouriner doucement, assis sur sa caisse, la main gauche tenant un balai, la main droite sans. La musique s’enflamme, chauffe. Jeu très fin, précis et puissant des percussions. Il y a de l’échange, de l’humour entre ces deux là. Ma voisine en rit de plaisir. Minino, assis sur une caisse en bois, en a une plus grande à côté de lui, un tom et une cymbale devant lui, des maracas à la cheville gauche. Seul son pied droit ne sert pas. Il n’utilise donc pas ses quatre membres contrairement à un batteur. Par contre, il utilise aussi sa voix, son souffle avec lequel il scande le tempo. Minon remercie Lionel pour la création de ce groupe. « Silencio » (Gardel). «  Si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence, alors tais toi » comme dit un proverbe marocain. Heureusement, ceux là ne se taisent pas. Minino ryhme avec son corps, en claquant des doigts, en tapant sur ses mains et ses cuisses. Le violoncelle assure le tempo. Trompette et accordéon se répondent dans une douce plainte. Minino a repris ses balais sur ses cuisses. Le violoncelle, à l’archet, mène la danse alors que la trompette s’est tue. Ca balance doucement. Très beau son velouté de trompette, proche du bugle, avec une aigreur en plus. C’est tango, tango. A l’accordéon de dominer. Bien groupé, ce quartet atteint des sommets. Les cordes du violoncelle grincent. L’accordéon vibre. Ca sent la tempête, l’hiver austral dans le port de Buenos Aires. « Les Mexicains descendent des Aztèques, les Péruviens des Incas et les Argentins descendent des bateaux » (proverbe argentin). Le fait même que la date et le lieu de naissance de Carlos Gardel, la Voix du Tango, ne soient pas connus avec certitude démontre la véracité de ce proverbe. Les trois gars démarrent et ça pulse, sapristi ! La trompette en ajoute un coup et ça démarre plein vent arrière. Minino joue à deux mains tenant ses balais entre les dents. Ca ne lui donne pas une tête de Bolchevik pour autant. C’était « Caminito », une rue de la Boca à Buenos Aires, belle le jour, belle aussi la nuit mais dangereuse alors comme nous en avertit Minino Garay. Une composition de Lionel Suarez. Un test selon Minino. Selon la réussite du morceau, le quartette va se dissoudre ou non. Airelle fait siffler sa trompette, Minino halète et bat la mesure. Violoncelle en pizzicato. L’accordéon ponctue alors que le son de la trompette s’élève, grave et majestueux. C’est bien une composition dans l’esprit du tango. C’est propice à l’évasion, à la méditation et c’est sensuel aussi, bien sûr. Minino sourit, ravi de jouer cette musique et nous aussi, ravis de l’écouter. « Memoria Collectiva » (Lalo Zanelli). Vincent Segal lance, Minino ponctue puis Lionel à grands coups d’accordéon. Airelle Besson entre dans la danse. Ca sautille joyeusement avec ce morceau qui fait danser les enfants dès 18 mois. Je l’ai vérifié personnellement avec le fils d’amis. Duo à distance entre violoncelle et percussions ponctué par l’accordéon. Le trio de gars est lancé sous la conduite de l’accordéon. La trompettiste vient ajouter sa ponctuation féminine. Ca claque pour finir. Ma voisine hurle sa joie. Duo violoncelle accordéon. Les deux autres s’en vont. Ca va glisser sous l’archet et les soufflets. C’est mélancolique à souhait. Ca sent le petit matin frais, humide et pas net. Y a du sentiment là dedans. Le concert est filmé. Pizzicato au violoncelle, Minino scande le rythme, Lionel percute doucement son accordéon. Ca balance chaudement. La trompette vient nimber le tout. Ca berce dans le bon sens du terme. Joli son de percus poussé par le violoncelle et l’accordéon. Ca chante. Un morceau d’Astor Piazzola qui accompagna Gardel à l’âge de 12 ans : « Chiquilin de baci » ( ?). Airelle Besson passe au bugle. Minino nous explique qu’à Buenos Aires les femmes qui veulent vraiment danser le tango doivent aller dans les bars et s’adresser aux hommes de plus de soixante-dix ans. Eux savent. Puis, il nous raconte une histoire argentine. Deux vieux amateurs de tango discutent dans un bar de Buenos Aires. « Je trouve qu’aujourd‘hui il chante encore mieux ». «  Quoi ? ». « Aujourd’hui j’ai écouté le disque de Gardel et je trouve qu’il chante encore mieux ». Et il est mort en 1935 ! précise Minino. Musique douce, veloutée, sentimentale. Ca vous masse des tympans jusqu’à l’âme. Minino accélère le tempo. Le groupe suit. Ca part et nous avec. Ce soit, c’est le concert officiel de lancement du groupe à Paris après un an de concert en province. Il n’y a pas encore d’album mais ils n’en ont pas besoin pour l’instant. Ils prennent leur temps. Ca aussi, c’est tango, tango. Minino présente les musiciens en insistant sur « Notre directeur, notre âme, notre chef, le sensuel, El Senor Lionel Suarez ». Un classique du tango pour finir : « La Cumparcita  ». Minino lance en tapant des mains. Des spectateurs l’imitent. « N’essayez pas. Tout va bien. N’abîmez pas la musique » les interrompt Minino. Il plaisantait évidemment. D’ailleurs, il tape à nouveau des mains, nous fait reprendre, décompter. Le violoncelle en pizzicato. Minino chante, joue. L’accordéon reprend. Malgré mon ignorance du tango, je connais ce morceau. C’est dire s’il est connu. Joué comme ça, ça fonctionne toujours. La gente et belle damoiselle Airelle est revenue à la trompette. Solo inspiré d’accordéon. Le piano à bretelles déménage. Le son élégant de la trompette vient baigner l’ensemble. Leçon de battements de mains par Minino Garay pour finir. RAPPEL Vincent Segal commence seul en pizzicato. Minino nous parle en espagnol, langue que j’ignore tout comme le tango. Et pourtant, ça marche, ça sonne tango juste ponctué par le violoncelle. Le groupe repart doucement sans percussions. Un air connu. Minino ponctue à peine. Violoncelle, trompette et accordéon se confondent. Les percus s’ajoutent en douceur. Airelle fait sonner sa trompette comme dans les westerns lorsque l’armée mexicaine arrive. C’était « Por una cabeza ». « La Cambiana  » nouvelle composition de Gerardo di Giusto (compositeur argentin). Ca swingue avec le Latin Tinge. Même s’ils jouaient « Caravan », ça sonnerait tango. Ma voisine, Mademoiselle F, moi-même, le reste du public, tout le monde a été enchanté par ce concert. Même si vous ne connaissez rien au tango, ne parlez pas un mot d’espagnol, vous ne pouvez qu’apprécier cette musique ancrée dans la tradition argentine et absolument neuve, d’ici et maintenant. Du tango sans guitare, ni violon, ni piano et ça marche du feu de Dieu ! En attendant la sortie d’un éventuel album, il faut absolument aller les écouter en concert parce que c’est bon, parce que c’est bien, parce que c’est beau et que même si vous ne me croyez pas sur parole, il convient d’aller le vérifier vous-même par les données concrètes de l’expérience, saperlipopette ! Le son et l'image du concert parisien n'étant pas encore disponibles, revenons là où tout a commencé pour ce groupe, à Toulouse, au festival Jazz sur son 31 (31 comme le numéro du département de la Haute Garonne, chef lieu Toulouse). Pour plus d'informations, voir la vidéo ci-dessous.  

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