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Expansion russe en Amérique

Publié le 09 juin 2012 par Egea

Yannick Harrel (mille mercis à lui) m'envoie l'autre jour quelques exemplaires cyrilliques pour ma collection d'atlas historiques en langue vernaculaire (d’ailleurs, si vous êtes à Bornéo ou à La Havane et que vous trouvez un atlas historique publié localement - et qui ne soit pas la traduction d'une édition internationale mais soit le résultat d'un écrit local, et donc significatif de la représentation géopolitique autochtone - vous pouvez penser à moi).

Expansion russe en Amérique
source

Et il me signale que sur une des cartes de l'expansion américaine, on aperçoit Fort Ross, implantation russe au nord de la baie de San Francisco, établie là de 1812 à 1841. C'était le temps où le Pacifique pouvait être une sorte de Mare Nostrum tsariste. Cela vient compléter le billet d'hier soir sur l'alliance Pacifique.

1/ En effet, la Russie avait commencé son expansion à l'Est dès le 17ème siècle. On sait peu qu'elle a atteint le Pacifique avant la mer Noire (en 1640) ! Le détroit de Béring et l'Alaska sont explorés à partir de 1740. A partir de 1784, les trappeurs russes, motivés par le commerce des fourrures, s'établissent dans les Aléoutiennes, l'Alaska puis dans des comptoirs qui descendent peu à peu. L'ile Baranov devient le chef lieu de cette Amérique russe.

2/ Fort Ross se trouve donc sur la rive nord de la baie de San Francisco : cette dernière constitue le dernier comptoir espagnol au nord de Californie. Alexandre Baranov décide donc d'y installer ce relais, pour des raisons commerciales, mais avec des arrière-pensées géopolitiques. En effet, l'Alaska russe descend jusqu'au détroit de la reine Charlotte (face à Vancouver): ensuite viennent la Colombie Britannique (qui tient toute la façade Pacifique du Canada), puis des territoires pas encore colonisés, même si les premiers missionnaires se sont avancés jusqu'à l'Oregon (l'actuel État de Washington - Seattle- dépendant de la Colombie britannique).

3/ Récapitulons : au nord, les Russes puis les Britanniques. Au sud, les Espagnols. Autrement dit, l'accès au Pacifique pour les jeunes Etats-Unis semble bloqué. On comprend dès lors pourquoi le président Monroe publie en 1823 sa fameuse doctrine bannissant les intérêts européens dans les nouveaux territoires. J'étais persuadé qu'il s'agissait surtout de préserver les intérêts US au sud (Mexique, Texas, Antilles, ...) et n'avais pas vu qu'il s'agissait surtout du Pacifique !

4/ Un traité entre États-Unis, Russie et Royaume-Uni est signé un an plus tard, en 1824 : la frontière russe est déplacée vers le nord jusqu'en Alaska, les Anglais renoncent à l'Oregon et au sud de la Colombie britannique qui deviendra l'état de Washington. Le traité prohibe l’établissement de nouveaux comptoirs russes. En 1867, les Russes vendent l'Alaska, alors jugé sans grande valeur par rapport à la politique européenne de la Russie. Surtout, les loutres de mer ont été épuisées, ce qui fait perdre beaucoup de l'intérêt économique à ces régions. Cette "négligence" aura une importance géostratégique fondamentale au temps de la guerre froide : imaginez un Alaska russe au moment de la crise de Cuba....

Expansion russe en Amérique
la chapelle reconstruite de fort Ross (source)

5/ Revenons à fort Ross : l'établissement pâtit également de l'épuisement des loutres de mer. Il essaye de se reconvertir dans l'agriculture, sans grand succès. La Compagnie russo-américaine qui le possède décide en 1839 de le vendre, mais personne n'en veut : Mexique, France, Compagnie de la Baie d'Hudson, tous refusent. Finalement, ils le vendent à Johan Sutter. En 1842, les derniers colons russes mettent à la voile et quittent la Californie.

Sources :

Billet dédié à Y Harrel (avec une pensée pour un autre slavophile fidèle d'égéa, Ice station Zebra)

O. Kempf


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