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Ce scrutin invisible

Publié le 10 juin 2012 par Alex75

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Ce dimanche sera marqué par le premier tour des législatives, les premiers sondages nous apportant quelques indications, prémonitoires. Mais évidemment nous avons noté, depuis quelques jours, le faible intérêt porté à ce scrutin. On ne peut pas dire, que la France soit mobilisée par ce vote. On s’en moque, on s’en fiche, on en a cure ! Il est vrai, que la campagne présidentielle a pu susciter ces mêmes sarcasmes désabusés. Mais pour une participation finale assez remarquable. Mais cette surprise ne devrait se renouveler pour les législatives, tous les analystes étant prêts à en prendre les paris. A ce titre, le vote des Français de l’étranger a été éclairant – il y a quatre jours -, avec seulement 20 % de participations.

L’UMP peut en être rassénéré. Un taux d’abstentation élevé ruinerait les prétentions du Front national, de multiplier les triangulaires de second tour, à ses dépens, comme en 1997. Mais l’abstention massive la privera aussi d’électeurs et donc d’élus. Selon une loi établie depuis 1981 – et ainsi respectée -, après l’élection présidentielle, le camps du vaincu se démobilise, et laissant ainsi la place à celui du vainqueur. A ce titre, le seul enjeu subsistant concernerait donc la répartition des voix, entre différentes tendances de gauche,  le PS, le Front de gauche, et peut-être les verts. A savoir une question politique, voire politicienne, les législatives étant bien redevenues une affaire de professionnels. La droite sortante est épuisée, et comme on le voit à Hénin-Beaumont, les arguments échangés restent très convenus. L’UMP dénonce le matracage fiscal qui nous attend, et le laxisme judiciaire déjà entamé. Le Parti socialiste veut et demande une majorité présidentielle.« Une majorité pour le président », tel était déjà le slogan du parti gaulliste, sous le président Pompidou.

Hollande fait de l’électoralisme normal. En réalité, pour être plus précis, François Hollande n’aura pas réellement été en campagne. Il est un président, un président normal, mais un président quand même, au-dessus des partis. Et les législatives sont l’affaire des partis, à savoir de Martine Aubry, et du chef du gouvernement, Jean-Marc Ayrault. Le discours est ainsi bien rodé, le plan com’ présidentiel repose sur un anti-sarkosyme, dont Hollande ne se lasse pas, encore pris dans l’euphorie du second tour, et de son élection (il y a maintenant, un mois). « Regardez, je ne fais pas tout, je sais quand même déléguer, m’entourer, je ne suis pas un hyper-président », marquant ainsi soigneusement sa différence avec son prédécesseur. Hollande aura donc été, quinze jours durant, en campagne électorale déguisée, à pas feutrés. Sa simplicité affectée, ses voyages en train, en voiture, les premières décisions annoncées, du coup de pouce au Smic, à l’amélioration de la retraite des mères de famille, en passant par Montebourg jouant au pompier des plans sociaux s’annonçant. Dans une campagne marquée par le social, le social, toujours et encore le social : la suppression des tribunaux correctionnels pour les multi-récidivistes, et le reçu désormais exigé des policiers, lors des contrôles d’identité. Il convient de na pas perdre de vue, le vote des habitants de la banlieue, à prendre en compte, et à remobiliser, en faveur des législatives.

Les Allemands ont ainsi bien compris, que le temps du compromis viendrait après les législatives. Même la politique étrangère, ces derniers jours, en a été emportée, orientée par ce vent électoral, du vrai-faux départ des troupes d’Afghanistan, qui a exaspéré l’état-major, mais qui aura plu à une opinion qui en a assez, au bout de dix ans, du bourbier afghan. Et tant pis, si Hollande se contredisait, en annonçant une intervention militaire en Syrie, qu’il sait impossible, dans l’immédiat (en tout cas, pas à la lybienne). Mais il lui faut d’abord, faire risette à BHL, et à toute la gauche droit-de-l’hommiste, tenant les médias. La gauche française aime à penser qu’elle combat pour la liberté du monde. Le FN, placé en embuscade, le décrit en Sarkozy de gauche, le Front de gauche aussi. L’UMP n’ose pas réclamer une cohabitation, par les urnes, dont elle conteste le principe, aspirant seulement au rôle titre de contre-pouvoir. Et ce qui ne serait pas complètement inutile, après tout, dans l’hypothèse envisageable où la gauche entre assemblée nationale et sénat, ne monte pas jusqu’à la majorité des 3 /5.  Pour Hollande, il faut que le parti socialiste est la majorité à lui tout seul, ou au moins avec les alliés verts et radicaux. Dépendre du Front de gauche, lui ouvrirait les portes de l’enfer. D’où une campagne et une politique penchant – pour l’instant -, à gauche toute.

Ainsi en cas de non majorité absolue, pour les socialistes, de nombreux débats sociétaux, portés par la gauche depuis le milieu des années 80, à l’image du droit de vote aux étrangers aux élections locales, pourraient passer par la voie référendaire . Dans une approche subliminale, d’ordre historico-constitutionnel, on pourrait dire que c’est le triomphe complet du général de Gaulle, qui avait l’ambition de faire de la présidentielle, l’élection reine, et qui ne supportait pas la prétention de la chambre des députés d’incarner la nation. Ce régime honni des partis, qui vont « à la sou-soupe », ce parlementarisme à l’origine de l’instabilité ministérielle de la IVe. Mais aussi historiquement, il est vrai, une vieille querelle qui remonte à 1789, et au conflit de légitimité entre le Roi et l’assemblée nationale. Cependant, ce meurtre de sang-froid des législatives serait dans une approche paradoxale, imputable à un membre éminent de cette gauche, ayant farouchement combattu  l’élection du président au suffrage universel, par tradition parlementaire. On veut ainsi nommer Lionel Jospin, qui plaça en 2000, par inversion du calendrier, les législatives dans la foulée de la présidentielle, en faisant ainsi une échéance seconde, et donc définitivement secondaire. Car ce sont bien les hasards du calendrier, qui entrent ainsi en ligne de compte.

Et cela, alors que Jacques Chirac avait déjà privé la France, de l’originalité d’un long mandat présidentiel de sept ans, qui aurait donné au chef de l’Etat, la légitimité, la majorité et la durée nécessaire pour réformer. Estimant que sa majorité parlementaire était trop faible, il promulgua la dissolution de l’assemblée en avril 1997, et réorganisa des législatives – deux ans après avoir été élu-, suivant alors les conseils « judicieux » de Dominique Galouzeau de Villepin, pour le résultat que l’on connait, la victoire socialiste et cinq ans de cohabitation avec Jopsin à Matignon. Mal lui en prit (« le putain, quel con ! » de Chirac, aux Guignols de l’info). Ainsi, de nombreuses voies s’élèvent désormais. Tant qu’à faire, que l’on achève le travail, et que l’on regroupe les échéances électorales au même jour. Tout le monde sent bien, que cette campagne électorale des législatives est celle des faux-semblants, au débat si artificiel, si convenu, si peu mobilisant. Le gouvernement ne dit rien, du moins rien qui ne soit désagréable, soucieux de ménager sa base électorale potentielle. Comme si c’était déjà les vacances, mais bien que la rentrée et l’heure du réveil, soit pour le lendemain, le 17 juin. Au soir du second tour des législatives, la réalité rattrapera enfin notre président en campagne déguisée, depuis si longtemps.

  

   J. D.


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