
Ce Français (1791-1872) est né dans la Creuse, près de Guéret, dans le château familial. Devenu polytechnicien et ingénieur des Mines, il partit s'établir au Brésil, en 1817, où il devint vite célèbre dans la sidérurgie. Une ville industrielle de 70.000 habitants, Joào Monlevade, porte aujourd'hui son nom. La découverte de ce livre sera l'étape décisive pour le héros dépressif qui vient de tout quitter. Voici le passage où Jeanne Benameur s'attarde à décrire cet événement déterminant pour son récit.
D'abord J’ai été arrêté par la couverture. Dans un médaillon rond, un portrait. Le profil d’un homme jeune, longs favoris, uniforme à épaulettes bordées de franges et haut col, plastron boutonné. Pour les couleurs il fallait imaginer, la photographie était grisée, à part le liseré rouge entourant le plastron de l’homme aux favoris.
Je lui ai donné d’emblée des yeux bleus, comme ceux de Marcel. Et j’ai lu, écrit en rond autour du portrait "Jean de Monlevade. Pionnier de la sidérurgie brésilienne.» Première claque.

Je découvrais.
Alors ce n’était pas un nom brésilien, non, comme on le croyait tous, bêtement. C’était un nom bien français.
La farce, elle était là. La mondialisation qui tourne au terroir. Monlevade!
Jean de Monlevade, petite noblesse du centre de la France.
Un jeune polytechnicien qui part créer le premier des hauts fourneaux au Brésil, en plein XIXe siècle, parce qu’en France ce n’est pas possible. Et qui devient le père de la sidérurgie brésilienne! Incroyable! Son nom donné à la ville de Monlevade par les Brésiliens reconnaissants. La voilà, l’ironie du sort. La boucle est bouclée. C’est dans cette ville que le groupe qui nous emploie choisit d’investir à fond ! Et nous, en France, à l’autre bout, on est là, comme des cons!
Jean de Monlevade. Tu ne savais pas ce que tu faisais, à presque deux cents ans de distance, à ceux dont tu côtoyais les ancêtres ! Comment aurais-tu pu deviner?
Un homme qui part de sa volonté propre.
Deuxième claque. Aussi forte que les vagues contre la jetée, plus loin.

C’était ça que j’attendais.
Ma seule amarre désormais, c’était ce Monlevade. Je m’accrochais.
Moi qui m’étais retrouvé dans une usine, à laminer l’acier.
A être laminé. Comme les autres.
Et lui qui avait inventé les procédés.
Entre lui et moi, un lien. Forcément.
Il avait besoin de rêver, Jean de Monlevade, lui aussi.
Le château, la carrière prévisible, ne lui suffisaient pas.Les époques ne changent rien.Il était comme moi. Il avait besoin d’autre chose. Lui non plus ne trouvait pas sa place dans sa vie telle que.
Extrait du livre de Jeanne Benameur: "Les insurrections singulières."