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Jean Jaurès.

Publié le 17 septembre 2009 par Ubuesque

Salut Jeannot ! Tu es né à Castres et pour quelqu’un qui aura passer sa vie à se bouffer les couilles, tu ne pouvais pas plus mal tomber. Ton vrai nom est Auguste Marie Joseph Jean Léon Jaurès et en celui de tous les écoliers-collégiens-étudiants-cons (rayez la mention inutile) de France, je tiens à te remercier d’avoir choisi le plus court, sans blague, enfin quelqu’un d’intelligent ! Ton papa s’appelait Jules et ton frère Louis. On peut dire que vous formiez la bonne petite famille française. Bon, ta mère s’appelait Adélaïde mais on ne peut pas trop en demander et puis n’oublions pas qu’en vivant en 1859, elle pourrait se contenter du droit de cité, c’est déjà beaucoup ! Non mais quel toupet ! Il est écrit dans ta biographie qu’entre ton année de naissance, 1859, et ton départ de la maison, 17 ans plus tard, en 1876, tu effleureras du bout des doigts de ton humble destinée, un semblant de misère du peuple. Mon cul ! C’est toi qui a rajouté ça pour te donner une caution politique. Fais attention, je surveille et ne nous prends pas pour des cons, on ne s’inscrit pas à Louis-le-Grand en payant avec les résidus de sueur du front de ses parents.

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Ainsi parlait Jésus sur la colline.

Nonchalamment, tu montes à Paris et tes premières femmes alors que tu traines tes guêtres, donc, au lycée Louis-Le-Grand, en soupesant le poids de l’aura des Baudelaire, Hugo, Molière et autres Voltaire passés par-là avant toi. Tu entres ensuite à l’école normale supérieure (normale et supérieure, ça m’a toujours fait marrer, c’est pas correct de montrer son faux-cul comme ça) et tu fais connaissance avec son jargon bien précis : le caïman est le formateur à l’agrégation, le cacique est le major du concours d’entrée, le restaurant est le pot et les femmes de ménages sont des sioux. Quant à savoir pourquoi ils utilisent des noms de codes à résonance sud-américaine, il faut comprendre que les gosses de riches ont généralement besoin d’un exotisme qui les éloigneraient du mauvais gout de la populace française. Bref, tu termines troisième en 1881 à l’agrégation de philosophie dans la même promotion que Henri Bergson et tu deviens donc professeur ! Tu entames ta carrière à Albi, non loin d’Alétéreau et limitrophe de Bal’hommeau avant de la poursuivre à Toulouse.

En 1886, tu te maries avec Louise Blois qui dira avec honneur et courage à la face de la France brisée par ton décès : “Aujourd’hui, je Blois du noir.” Tu auras deux enfants : Madeleine et Louis. Louis, c’était pas le prénom de ton frère ? Non comme ça… En 1885, tu es élu à l’Assemblée nationale où, du haut de tes 25 ans, tu fais figure de bambin face à tous ces grabataires en robes. D’ailleurs, tu n’es pas réelu en 1889. Penaud, tu retournes à Toulouse en noyant ton regret dans les verres de Bourbon à défaut de revoir le Palais. Tu reprends les cours et tu deviens docteur ès philosophie.

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Mes biens chers frères, mes biens chères soeurs : reprenez avec moi tous en choeur ! Pas de boogie-woogie avant d'avoir fermé la mine ce soir !

Petit échantillon d’une séance normale : “docteur, aujourd’hui je ne me sens pas bien, j’ai le moi et le surmoi qui se bagarre dans mon inconscient, ça m’empêche de tourner en losange.” semblait-elle dire. “Bien, allongez-vous et dites “la conscience morale est-elle le fruit uniquement de l’éducation?” ” Bref, entre deux leçons, tu commences à collaborer avec le journal radical “La dépêche du midi”. Tu deviens ensuite conseiller municipal puis tout en prenant des galons et en les accolant à ta chemise rouge, maire adjoint. Franchement, Jean ! D’ici l’on sent la lente descente vers l’enfer du socialisme. Tu aurais du t’inscrire dès le début aux socialistes anonymes, dès que tu entrevoyais les premiers symptômes. Mais non, tu persistes et c’est là qu’intervient la grande grève des mineurs de Carmaux.

Récapitulons pour les ignares de l’histoire de France et autres footballeurs : Jean-Baptiste Calvignac est mineur à Carmaux et je tiens à remercier l’Histoire avec son bout de hash pour nous accorder des noms si pittoresques à chaque fois. Donc Jb le mineur est élu maire de Carmaux même si j’étais persuadé qu’on ne pouvait élire un mineur à la mairie mais je m’égare et pas que des Invalides. Jb est donc élu maire mais son vilain patron n’accepte pas toutes ces absences et le renvoie de la mine en frappant d’un grand coup sur le haut de son critérium. Grande grève de tous les mineurs, soutien du gouvernement au big boss qui envoie l’armée et l’on ne pourra pas dire que l’on ne savait pas vivre à l’époque. Dans tes chroniques au journal, tu te montres extrèmement virulent envers le gouvernement accusant la République d’être aux mains du capital. Je te rassure, mon Jean, ça n’a pas trop l’air d’avoir changé depuis. Tu fais donc ton apprentissage de la lutte des classes et pas que celle entre la 5ème C et la 3ème A. Au final, Calignac s’en sort vainqueur et tu es alors nimbé d’une aura socialiste.

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Jean Jaurès ne pouvait pas penser à tout et c'est betement que le noir et blanc le fait passer pour un anarchiste. Ils sont roublards, ces anars !

Tu es donc alors élu député socialiste et tu deviens le défenseur de toutes les causes nobles : la verrerie de Carmaux, la verrerie d’Albi, les vignerons de  Marausson et la réhabilitation du Chabichou.

1894 nous témoigne d’un évènement fondateur : l’affaire Dreyfus. Quand on dit “une affaire” déjà, c’est du sérieux. Mais quand il y a un nom après, c’est que ça pue le gaz. Donc Dreyfus, tous les écoliers connaissent, on les emmerde assez avec ça. Mais ce qu’ils savent moins, c’est qu’au début tu es totalement con-vaincu de la culpabilité du sus-dit. Mais Emile Zola et son “J’accuse” tonitruant réveille ta conscience et te pousse à voir l’homme qu’il existe parfois sous le militaire. Tu te ranges de son côté tant qu’il en était encore temps et tu t’opposes à plusieurs socialistes qui refusent de soutenir un bourgeois. Tout le monde connait l’issue de cette affaire et tu acquiers une envergure nationale .

Te voilà alors sur tous les fronts : co-directeur de la “Petite République”, soutien au gouvernement de Waldeck-Rousseau, tout en écrivant “l’histoire socialiste de la France républicaine” avec les pieds. 1902, tu participes à la fondation du Parti Socialiste tout en étant son porte-parole à l’assemblée. 1905, la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat ? Tu en es. On dit souvent qu’un bon homme politique doit être opportuniste mais franchement être en si bon rapport avec l’histoire et les bons coups, ça parait louche. Tu n’as pas croisé la route d’une DeLoréan DMC-12, par hasard ? Tu fondes l’Humanité, journal qui court toujours de nos jours. Empruntons la voiture de Doc Emmet Brown et allons directement en 1914.

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Qui besognera la veuve en premier ?

Tel Hari Seldon, tu prédis l’arrivée d’une grande crise. Tu le sens, les signes le montre. Tu essaies bien d’alerter la population mais rien n’y fait. Le pacifisme ne paie pas. Tu mènes un combat effrené, tu tires toutes les sonettes d’alarme que comportent ce train fou. Mais rien n’y fait, tu prêches dans le désert et tu ne croises pas un bédouin.

Le 31 Juillet, tu dines au café du Croissant, c’est original, et tu es assis dos à la fenêtre ouverte. Fallait-il que tu sois confiant pour ainsi tenter le Diable ? Raoul Villain se glisse derrière la fenêtre et tire deux fois. Une en pleine tête et l’autre dans une poutre en bois pour dire qu’il n’était pas si bon tireur que ça, “votre honneur”.  Trois jours après, c’est la grande guerre. Une station de métro est baptisée en ton nom dès le lendemain en remplacement de la station “Allemagne” qui faisait tache dans le paysage.

En 1924, la patrie reconnaissante te transfère dans le plus grand cendrier du monde pour ton pacifisme humaniste en oubliant bien vite qu’en 1919, ton meurtrier sera acquitté et ta femme condamnée à payer les frais de procédure. Merci la République. Comme disait le proverbe que tu as brillament inspiré de par ton amour de la langue de Molière “Si Jaurès su, Jaurès po v’nu!”


Publié dans Le Petit Dictionnaire Loufoque

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