Je viens de le finir. Un livre beau et prenant. La fin est de toute beauté. Il n’a pas été des plus simples à lire. Pas comme le premier qui m'avait fait connaître l'auteur - offert par le libraire pour deux autres achetés.
«Mon chien stupide», un coup de cœur immédiat lu presque d’une traite
(Ici)Non celui-ci a été plus dur. J’ai vécu les montagnes russes avec lui. Il y a eu des hauts et des bas mais la langue, elle, cet étonnant mélange de style, syncopé et poétique à la fois, m’a terrassée. Son style n’appartient qu’à lui: brisé, blessé mais têtu, «fonce dedans», à cru. Le contraire du style élégant et feutré. Que dire de l’histoire tout en évitant de trop résumer? Je retiens avant tout que ça semble vécu par l’auteur tant c’est plein d’émotions retenues. Son héros,
Arturo Bandini , jeune auteur d’une vingtaine d’années qui attend d’être enfin publié, raconte son histoire d’amour fou, à
Los Angeles, dans les années quarante, avec
Camilla, une serveuse de bar, de laquelle il s’entiche violemment et définitivement malgré tout ce qu’elle lui fera voir. Elle n’est pas facile, en aime un autre qui la déteste. Elle aime les chiens et la marijuana. Elle sera le premier véritable amour de Bandini qui ne la laissera jamais tomber, et pourtant ! Mais ce n’est pas ça l’important. C’est le héros lui-même qui m’a intéressée. C’est un drôle de type. Pas facile à comprendre. Paumé, désarmé, sans ami, sans aide dans une ville hostile où il ne connaît personne et où il ne se fera pas d’amis mais qu’il connaît par cœur à force d’y déambuler jour et nuit. Il ne fait rien, si ce n’est attendre la sortie de son premier roman. Son éditeur lui envoie régulièrement de l’argent qui lui sert à vivre chichement car il dépense tout pour cette Camilla. Il dépense à tort et à travers. Il est trop généreux et on a envie de lui dire de se protéger de tout et de tout le monde et surtout de lui-même. Sa force, c’est sa foi dans son destin d’écrivain . Il est sûr d’y arriver et ne pense qu’à ça. Mais sa fragilité, c’est son amour pour les plus déshérités que lui. Fils d’immigrés italiens, il est hanté par son éducation chrétienne. La culpabilité le poursuit, bref, c’est un personnage très complexe, très puissant que je ne suis pas prête d’oublier. J’ai ressenti le même attachement pour un autre grand de la littérature, le
Martin Eden, de
Jack London.
Des livres comme ça, j’en voudrais tous les jours !
Los Angeles, donne-toi un peu à moi! Los Angeles, viens à moi comme je suis venu à toi, les pieds sur tes rues, ma jolie ville je t’ai tant aimée, triste fleur dans le sable, ma jolie ville. Alors voilà Bandini qui s’amène, pas grand mais râblé, fier de ses muscles, le voilà qui serre le poing pour jouir du délice que lui procure son biceps durci, voilà Bandini absolument sans peur, peur de rien, sauf de l’inconnu qu’il va trouver dans un monde merveilleusement mystérieux. Est-ce que les morts reviennent? Les livres disent que non, la nuit hurle que si. J’ai vingt ans, j’ai l’âge de raison, j’ai le droit d’aller écumer les rues en bas pour me chercher une femme.Mais tu n’as rien fait et ton talent est douteux, ton talent est à faire pitié, et quel talent d’abord? Alors tu déambules sur Bunker Hill en agitant le poing contre le ciel et je sais ce que tu penses, Bandini. Exactement les mêmes pensées que ton père a eues avant toi, comme autant de coups de lanière sur ton échine, comme du feu dans ton crâne, que tu n’y es pour rien. Et je traîne dans Downtown, la poussière des trottoirs recouvre mes savates d'un autre âge. Je décide de rentrer dans mon hôtel miteux pour écrire.
Demande à la poussière de
John Fante Traduit de l’américain par
Philippe Garnier, (10/18) Préface de
Charles Bukowski. (Ask The Dust)