Fatiguée,usée, sans imagination et même un peu crispée, l’Espagne avait remit toute sa panoplie de looser pré-2008. Et pourtant, c’est passé.
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Et si ? Et si l’Espagne ne dépassait pas les poules ? Le scénario, aussi inimaginable soit-il (voire motif de suicide pour la moitié de la France), n’a pourtant rien de bien sorcier. Il faudrait pour cela que l’Italie batte l’Irlande -ce qui ne constituerait pas une surprise outre mesure- et que la Croatie batte les espagnols. C’est là que le bât blesse tant l’Espagne semble supérieure à son adversaire du soir. Mais attention à ces croates, éternels emmerdeurs qui savent hausser leur niveau de jeu contre des équipes réputées plus forte. Et à voir la composition de Bilic, c’est tout d’abord sur ce point que la Croatie veut s’appuyer. Le 4-4-2 habituel laisse place à un 4-5-1 bien défensif sur les ailes avec un dédoublement de latéral. Srna/Vida à droite, Strinic/Pranjic à gauche. Du coup Jelavic sort du onze, Rakitic rejoint Vukojevic à la récupération, laissant tout le loisir à Modric pour évoluer plus haut.
Chez les espagnols, on ne change pas une équipe qui gagne, on retrouve les mêmes partouzeurs qui avaient fait de l’Irlande leur chose.
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Comme le dit l’adage « l’enjeu prend le pas sur le jeu ». Pour faire court, ce premier acte est fichtrement mauvais, peut être le plus emmerdant depuis le début de l’Euro. L’Espagne a le ballon, sans surprise, mais ne parvient jamais à percer l’arrière-garde croate, extrêmement bien placée. Comme d’habitude, la Croatie patiente et gère en ce début de match. Elle n’a que très rarement le ballon mais cherche toujours à construire, quitte à partir de loin. De trop loin même, s’en remettant au talent technique de Modric ou à la forme de Mandzukic, sur sa lancée du début de compétition. Il s’en faut d’ailleurs de peu pour que l’attaquant de Wolfsburg ne prenne Ramos au piège du pénalty généreusement offert.
Etincelant juqu’à présent, Iniesta est littéralement bouffé par les prises à deux digne d’un match de basket (dont Bilic est fan) exercées par Vida/Srna ou Vukojevic/Srna. Du coup, la Roja s’en remet à un autre génie, David Silva qui régale entre les lignes et aurait même pu offrir la passe dec’ de la compèt à Iniesta si ce dernier avait pu un peu plus poussé son extérieur. Mais mis à part cette petite action ou une percée improbable de Torres sur le côté droit, c’est le néant total.
Vu que rien ne bouge dans l’autre match, les deux équipes se contentent de ce petit rythme même si la Croatie aurait tout intérêt à se créer des opportunités, étant à la merci d’une élimination au premier but italien. But que Cassano va mettre. Donc maintenant, la donne est simple, le premier qui marque élimine l’autre. Enfin presque. Parce que les calculs et les coups sont nombreux avec ses nouvelles règles de l’UEFA entre goal average particulier, prime à l’offensive et addition bizarroïde. Du coup, on attend beaucoup, beaucoup, beaucoup mieux de la seconde période, qui devrait voir la Croatie dans l’obligation d’attaquer.
Les joutes reprennent et rien ne change. L’Espagne est totalement gênée par le bloc croate et semble même fatiguée aussi bien physiquement que mentalement. Les passes se veulent moins précises, les récupérations moins propres et la défense croate n’est toujours pas mise en danger. Au contraire, plus les minutes passent, plus la paire centrale prend confiance face aux timides assauts de Silva, Torres ou Iniesta. Et sous son impulsion, c’est toute l’équipe qui remonte d’un cran. Durant dix minutes, la Croatie est maitre du terrain et plonge toute une nation dans le doute. Modric, qui mange à lui seul tout l’entrejeu espagnol depuis le début, s’offre un raid solitaire qui aurait pu s’avérer parfait si Rakitic avait su bonifier le caviar extèr donné par le meneur de Tottenham. Malheureusement pour eux, la tête du milieu croate est trop centré sur Casillas qui sort la parade réflexe au bon moment. Le tournant du match, tout le monde le sait.
Bilic aura beau faire rentrer Jelavic, Perisic et Eduardo, on ne se crée pas cinq occasions comme celle-ci contre l’Espagne et son jeu défensif. Oui, il est temps de le révéler à la face du monde. Contrairement à ce que tout le monde pense, le Barça et l’Espagne ne pratiquent pas le plus beau jeu offensif du monde, mais le plus efficace défensivement. Et bien oui, en confisquant le ballon et en le faisant tourner, on empêche d’abord l’adversaire de se montrer dangereux. Logique implacable. Et les espagnols ne peuvent pas vraiment offrir plus sur ce match, la peur aidant, puisqu’un but encaissé les renverrait inextricablement à la maison.
Evidemment, la Croatie se découvre et offre des situations de contre à l’Espagne. Et de manière totalement anecdotique ou presque, les bleus d’un soir vont marquer le but définitif de la gagne sur un caviar de Fabregas pour Iniesta qui n’a plus qu’à offrir le ballon à Navas dans les cages vides. Un soulagement pour les espagnols, mais rien ne change pour les croates qui doivent toujours marquer, pour éliminer les italiens ce coup-ci. Mais finalement non.
Pas franchement rassurante, l’Espagne assure l’essentiel avec cette victoire, cette qualification et une première place. Mais les doutes ne sont pas totalement levés sur les ressources actuelles de l’équipe championne du monde. Il faudra faire plus désormais dans les matches couperets, pas sûr que ça se passe aussi bien sinon. La Croatie sort la tête haute, forcément un peu déçue. D’une belle maitrise tactique et technique, il s’en est fallu de peu pour qu’ils réussissent à créer une bien jolie sensation. Mais Bilic peut partir la tête haute, il laisse une bien belle équipe à son successeur.
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LES NOTES
CROATIE
.Pletikosa (6): Quelques sorties aériennes, quelques sorties dans les pieds, une ou deux frappes à repousser. Un job bien fait.
.Vida (5.5): Le jeune espoir croate a parfaitement rempli son contrat en tenant Iniesta et les montées d’Alba. Pas Jessica, malheureusement pour lui. Remplacé par Jelavic
.Corluka (6): Il a pris confiance en voyant la performance de son collègue. Pourquoi pas lui aussi après tout hein ?
.Schildenfield (7): Surprenant de maitrise et d’anticipation, il s’est montré infranchissable et a tout repoussé quand il le fallait.
.Strinic (5.5): Contraint à rester sagement derrière, il est apparu moins en vu que d’habitude.
.Vukojevic (6.5): Le mec transpirait comme un âne au bout de dix minutes. Et vu comment il a cavalé le reste du temps pour presser les milieux espagnols, on serait pas étonné qu’il ait perdu quelques kilos. Remplacé par Eduardo et son vilain bouc.
.Rakitic (6): Bon en ailier, bon au milieu, Ivan est ce qu’on appelle un coéquipier modèle. Mais cette tête, il s’en souviendra certainement toute sa vie…
.Modric (8): Libéré de ses contraintes défensives avec le replacement de Rakitic, il a offert un balai à lui seul. On attendait le trio magique espagnol, on a vu que lui dans l’entre-jeu.Si un jour le Barça cherche un remplaçant à Xavi, on ne serait pas étonné de voir la ganache de Luka trainer au Camp Nou.
.Srna (6): Le capitaine a montré la voie, bloquant Iniesta dès que celui-ci avait le ballon. Du travail d’expert en sueur.
.Pranjic (5): Trop timide, il avait pourtant de quoi faire dans le dos d’Arbeloa. Remplacé par Perisic, qui a encore su se mettre en bonne position.
.Mandzukic (6):Mario est donc la version 2012 de Baros, de Nuno Gomes, d’Arshavin où le mec a qui tout réussi l’espace d’une compétition. Signera dans un bon petit club avant de disparaître tout doucement. Enfin on lui souhaite le contraire.
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ESPAGNE
.Casillas (7): Pourquoi San Iker est le meilleur gardien du monde ? Parce qu’il n’a qu’une parade à faire par match, mais à chaque fois, elle est énorme et décisive pour son équipe. Voilà pourquoi.
.Arbeloa (5.5): Un match plutôt facile pour Alvaro, pas trop mis en danger par Pranjic.
.Sergio Ramos (6.5): Un match sérieux pour « l’indien de Madrid », solide dans les airs face au bulldozer Mandzukic. Juste cet excès d’engagement quia un moment donné coutera peut être cher à son équipe.
.Piqué (5.5): Ouais, bon, ça va pour le moment mais il va falloir qu’il la joue un peu moins facile s’il veut s’éviter des problèmes.
.Jordi Alba (5.5): Un bon début de match, tout en accélération puis s’est calmé, peut être un peu tendu par l’enjeu le petit!
.Busquets (5): A part des petites passes sur trois mètres, il n’a servi à rien.
.Xabi Alonso (5.5): On le sent frustré Barbe-rousse de ne pas pouvoir balancer des transversales de 75mètres, censuré par le diktat barcelonais. Du coup, lui non plus n’a pas grand chose à faire.
.Xavi (5.5): Bien.
.Iniesta (5.5): Moins bon que lors des deux premiers matches, il a quand même essayé de perforer avec sa technique. Mais quand ça ne veut pas..
.David Silva (7): Le seul à avoir tenu son rang devant, il a encore régalé la chique par sa vista, sa technique et ses appels.
.Torres (5): Mangé tout cru par Schildenfield. C’est bien beau de claquer un doublé face à une défense préhistorique.
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