Alors que son premier long métrage arrive dans quelques jours sur nos écrans (11 juillet), la réalisatrice de La femme qui aimait les hommes révèle ses intentions pour ce superbe film rigoureux, minimal et laconique…
D’où vous est venue l’idée du film ?
Hagar Ben Asher : Cela fait quelques années que je faisais des recherches sur des thèmes aussi incontournables que l’amour, le sexe, la famille, la maternité, la persécution, la culpabilité et d’autres encore. Petit à petit, l’approche un peu éparse de ces problématiques s’est orientée vers des portraits de femmes, d’hommes, de relations et de paysages ambigus. Le cinéma, par sa dramaturgie et son esthétique, m’a permis de les explorer plus en profondeur. Le film aborde également la question de la liberté. Pour être libre, faut-il rompre avec les codes éthiques, moraux et la banalité de la cellule familiale ? La liberté existe lorsque les limites sont presque invisibles et indéfinies, qu’il n’y a plus de frontières précises entre ce qui est domestiqué et ce qui est sauvage.
Comment décririez-vous vos personnages ?
Hagar Ben Asher : Désir, passion, absence. Ce sont peut-être les seules choses qui nous poussent à agir. Si nous voulons les saisir, leur donner une forme, nous les incorporons à des expressions, nous les enfermons dans des mots tels que volonté ou psychologie. Comme la plupart des films, celui-ci aussi traite de l’âme humaine ; mais je ne cherche pas à l’expliquer, à lui trouver des excuses, à la juger ou à la condamner. Je l’interroge seulement. Mes personnages n’ont ni une conscience exacerbée d’eux-mêmes ni ne sont falots. Aucun d’entre eux n’est une victime ultime, ni un persécuteur inconditionnel. La rencontre de deux êtres crée une situation conflictuelle. La violence fait partie intégrante de ce qu’on appelle l’amour, car l’amour est un des composants essentiels de la violence. Dès les premiers instants, la fin est déjà présente. Tamar et shai voient dans le potentiel de cette relation le moyen d’assouvir leurs désirs les plus profonds.
Qu’est-ce qui vous a guidé dans vos choix esthétiques ?
Hagar Ben Asher : Je voulais traiter chaque scène comme si elle devait se suffire à elle-même. Transformer des émotions en images, puis des images en thème : c’est comme penser à deux gestes inversés d’un seul mouvement. Même si nous avons beaucoup discuté avec mon directeur de la photographie des règles de base sur le langage à utiliser, je pense que nous avons fait cela pour nous sentir suffisamment en sécurité et ainsi pouvoir nous en affranchir par la suite… Pour déterminer si un plan est bon ou mauvais, je pense qu’il suffit de le regarder. Le film dresse le portrait monochrome d’un village, de la terre, du vent, du temps qui passe et de ses frustrations. Les personnages sont dans un territoire sans horizons, blafard et circonscrit. La routine quotidienne des personnages détermine la structure temporelle du film.
Pourquoi avez-vous finalement décidé d’incarner le personnage principal du film ?
Hagar Ben Asher : La raison pour laquelle j’ai joué dans mon film reste encore un mystère. Je n’avais pas cette envie-là en-tête lorsque j’ai écrit le scénario. Quand j’ai commencé à travailler sur la préparation du film, j’ai vu beaucoup d’actrices pour le rôle, certaines bien meilleures que moi. Et pourtant… Peut-être qu’au fond de moi-même, je pensais que c’était mieux pour le film. Peut-être la peur m’a-t-elle animé. Ou une certaine confiance dans mes capacités. Ou peut-être que je n’ai pas résisté à la volonté d’attaquer ce film par toutes ces façades.
Était-il important que l’histoire se déroule dans un village isolé ?
Hagar Ben Asher : J’aimerais qu’on voit cet endroit comme un territoire indéfini, et ce, pour plusieurs raisons. Je pense que ce genre d’histoires n’est pas défini par un temps, ni un lieu.
La brutalité de la nature humaine fait partie intégrante de l’âme et non d’un lieu physique. Je pense que l’abstraction d’un endroit abandonné de tous concentre l’attention sur l’essence des personnages et non sur leurs motivations sociales. Mon but était de présenter cette histoire comme un conte.
Pourriez-vous nous en dire plus sur la manière dont vous avez souhaité traiter les scènes de sexe dans le film ?
Hagar Ben Asher : Les scènes de sexe, dans toute leur diversité, ne sont pas là pour réfléchir sur la manière d’aborder l’érotisme au cinéma, mais pour pousser le spectateur dans ses retranchements. Remplir le vide entre sa satisfaction et son insatisfaction, l’embarrasser par cette intimité forcée, le rendre coupable d’être un voyeur indifférent, et le laisser seul face à lui-même au final.
Comment aimeriez-vous que le public réagisse au film ?
Hagar Ben Asher : Je voudrais que le public réagisse de la même manière que les personnages fonctionnent : à savoir être en proie à l’incertitude et au doute, sans pouvoir tirer de leçon morale définitive, sans arriver à se faire une opinion tranchée. Je souhaite que le spectateur aime, déteste, soit en colère, soit excité, rende les armes et finisse par reconsidérer le film dans son entier. Je voudrais qu’il s’affranchisse du besoin d’une lecture thématique, de la définition objective du bien et du mal. Je voudrais que le film soit comme une parenthèse, qu’il échappe à toute interprétation déterministe.
Synopsis :
Tamar, une belle jeune femme de 35 ans, vit seule avec ses deux fillettes.
Elle multiplie les relations sans lendemain avec les hommes de son village.
Mais un jour, Shai, un jeune vétérinaire, revient s’installer dans la région et tombe sous le charme de Tamar.
Une intense relation nait entre eux. Mais Tamar pourra-t-elle se contenter d’un seul homme
Biographie :
Hagar Ben Asher est née en 1979. elle s’est fait remarquer avec son court métrage de fin d’études, Pathways, qui a gagné le Prix de la Cinéfondation à Cannes. Elle est devenue célèbre en Israël avec la série télévisée The Ran Quartet.
Elle a également tenu le premier rôle de Julia mia dans le long métrage de Yuval Granot qui a reçu le prix du meilleur film au festival de Haifa en 2007.
le scénario de La femme qui aimait les hommes a été développé dans le cadre de la résidence de la Cinéfondation du festival de Cannes.
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