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War and Love au Hellfest 2012

Publié le 22 juin 2012 par Macadam Cowgirl

Un terrain boueux à cause de la pluie, Lynyrd Skynyrd à l'affiche, des festivaliers qui vous sautent dessus en plein concert pour vous embrasser et vous souhaiter un « bon festival ! »: vous avez dit Woodstock ? Perdu, c'était le Hellfest 2012 ! Au risque de décevoir les éternels grincheux titillés par le goupillon, le plus grand festival de métal en France n'abrite pas des messes noires, mais simplement des fans de musique décontractés, gay-friendly, aimant le cosplay et les bisoux (comme François Hollande). Et si les métaleux étaient les nouveaux hippies?

Vendredi 15 juin au matin. Le temps est un peu frais à Clisson, ravissant village près de Nantes, aux très belles architectures toscanes (d'où son surnom de "Clisson l'italienne") et traversé par la Sèvre. Il fait frais, mais les commerçants ne perdent pas de temps : les trois jours à venir vont être les meilleurs de l'année pour leur chiffre d'affaires.

Au Leclerc de la zone commerciale, les managers se décident à aller ouvrir les portes vers 9h. On notera l'impatience des employés, et du "public" du balcon : 

Car oui, un Hellfest réussi, ça commence toujours par l'approvisionnement en bière, barbaque, Jack Daniel's et PQ pour faire face à 3 jours de camping au son du métal.

Alors, du point de vue de l'habitant, que se dit-on ? "Gueulards, sapés en noir, et Dieu seul sait quoi d'autre encore (qu'on n'ose imaginer, cela va sans dire) ?" On peut reconnaître que l'arrivée (furieuse?) des festivaliers rappellent (un peu) les effusions des Hell's Angels. A cette petite différence près : ils ne sont pas aussi dangereux. Mais alors, pas du tout.  

Au risque de décevoir les intégristes catholiques de Clisson, au Hellfest l'ambiance est toujours bon enfant, décontractée, voire familiale. Certes, la scène The Temple, réservée aux groupes de black metal, peut laisser le novice un peu dubitatif, voire inquiet, et la file d'attente était très longue pour avoir un autographe des mecs de Cannibal Corpse, mais aucune sauvagerie ou messe noire n'a été constatée. Pour tout vous dire, Satan devait faire la gueule. Ca sentait plus le cannabis que le soufre. 

Pour preuve, il suffisait de suivre les effluves qui émanaient de la tente The Valley, dédiée au stoner, sous-genre plutôt planant dans le métal. Jeff et Gwen, croisés lors du set d'Orange Goblin, sont des fidèles du Hellfest depuis trois ans : « Que ce soit les organisateurs, ou le public, les gens sont hyper sympas, apprécie Jeff. Bon, il y a toujours quelques crétins pour pogotter quand on n'en a pas envie, mais on les calme gentiment, et globalement on se sent très bien. Ecouter, boire, manger, tant qu'on satisfait ces trois besoins essentiels, on n'a pas à se plaindre! »

Les bisoux, c'est maintenant

Lors de sa création en 2006 et même après, le Hellfest a évidemment du essuyer bon nombre d'oppositions à Clisson. Certains habitants à l'oreille sensible ou prêtres de la "décence" arguaient qu'on pouvait "vivre bien à Clisson... sans le Hellfest", dans le but de préserver la jeunesse. Or, la grande majorité des habitants du charmant village, qui devient capitale française du métal pendant 3 jours chaque année, s'est parfaitement accomodée de l'arrivée des métaleux dans leur bourgade. Et ne parlons pas de la jeunesse justement. Mieux : elle les trouve sympathiques.

"Il ne faut vraiment pas s'arrêter à leur look. Ils sont tellement courtois que le tutoiement n'est pas instantané" expliquait une maman à la sortie de l'école primaire au journaliste de Rue89. Une autre maman, de bénévole du festival cette fois, va même plus loin : "Il y a un esprit fraternel et pacifique, j'ai l'impression d'être dans une continuité de Woodstock". 

Et c'est exactement ça l'ambiance du Hellfest : loin des avatars de rednecks dégénérés fans du port d'armes, les métaleux sont là avant tout pour s'amuser et écouter la musique qu'ils aiment. 

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Il faut dire que cette année, tout était fait pour qu'on se sente comme à la maison : un site doté de 5 scènes, réorganisé et plus vaste, encore plus de bars et de zones de restauration, et même un petit espace vert agrémenté des fameuses décorations en tôle retravaillée, baptisé par certains festivaliers « le jardin des orcs », fort bucolique pour cuver sa bière ou s'en resservir un coup ! Dès lors, pas étonnant que les bisoux aient coulé à flots, y compris avec les gendarmes venus surveiller. Juste au cas où.

Côté camping, on pouvait compter pas moins de 4 emplacements dotés de sanitaires pour accueillir les quelques 75 000 festivaliers qui sont venus en 3 jours. Dans le cadre de la logistique, deux écoles s'affrontent. D'un côté, la spartiate : « Le métaleux, il creuse son trou dans la terre et il se roule en boule dedans, comme les orcs. Et tant pis s'il pleut », assure Martial, fan d'AC/DC, avec conviction. De l'autre, l'hédoniste : certains n'ont pas hésité à installer la tente de jardin, agrémentée d'un lustre en métal soudé et de pots de bégonias à l'extérieur, pour patienter entre les sets et boire des coups entre potes.

Chacun son style ! Et dans le domaine, il faut s'attendre à de vraies surprises. Car le métaleux, souvent adepte de jeux de rôle et lecteur d'heroic fantasy ou de mangas, ne peut renier une certaine tendresse pour le cosplay. On croise évidemment des fans en T-shirt Sepultura, Sodom et Down, mais la gamme peut ainsi s'élargir au Tshirt « chatons », au maillot vert de Borat (donc très aéré), ou au tutu de danseuse agrémenté de collants imprimés Union Jack. Le métalleux n'est pas le dernier pour dévaliser les stands de merchandising (certains articles étaient en rupture de stock dès le 2ème jour!), ou l'Extreme Market, où l'on trouve de tout, de la grenouillère Guns n'Roses au cendrier tête de mort, en passant par l'artisan qui vous fabrique une corne à boire sur mesure.

Voici en photo un petit florilège de fans, d'ambiance saisis sur le moment : 

Mais le summum du déguisement, c'est tout de même le revival du glam-métal. Avec des groupes comme Mötley Crüe ou même Slash à l'affiche, il n'y avait plus de honte à avoir pour se lâcher sur le khôl et les slim panthère. Devant le carré VIP, trois fans étaient trop heureux d'immortaliser leur tenue devant l'appareil. Du pur bonheur.

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D'ailleurs, la seule présence des punk norvégiens ambigus de Turbonegro, qui ont livré un set déchaîné devant une marée de festivaliers (souvent affublés de calots de marin, LA marque de fabrique du groupe!), suffisait à lever les doutes sur l'ouverture d'esprit du métaleux. Entendu au premier rang de la fosse, ce commentaire poétique : « Rooo, il est génial le bassiste, on dirait Monsieur Esclave ! » Le Hellfest serait-il une succursale du Marais?

Une parenthèse musicale s'impose pour présenter ce groupe, très rare en France, qui semble avoir fondé son esprit sur l'idée suivante : "Les mecs, on veut faire du punk. Mais qu'est-ce qu'on pourrait trouver qui choquerait même les punks ? Et si on montait un groupe de punk gay?" Maquillage à la  Malcolm McDowell dans Orange mécanique, autrefois casquettes nazies, costume de roi d'Angleterre de Freddie Mercury et casques coloniaux.... Bienvenue au royaume du 12ème degré, et plus c'est gros, plus ça passe (et ça plaît). La musique a beau se réclamer du punk, les riffs sont efficaces et variés, et le duo Tony Sylvester (le nouveau chanteur)/Happy-Tom (le bassiste fardé) donnerait des frissons à tous les "bears" de France et de Navarre.

A preuve : 

Christine Boutin peut fustiger le Hellfest avec raison : on y célèbre tout ce qu'elle déteste. C'est gay-friendly, ça parle de la mort et du sexe, mais pour mieux chanter et danser la vie. Pour ce que j'en ai vu, depuis 3 ans que je viens, au Hellfest Eros est plus satisfait que Thanatos. Et Satan n'en a pas pour son argent.

Crédit photos : Aurélien Perol.

War and Love au Hellfest 2012
 

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