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D'après Guy de Maupassant

Publié le 24 juin 2012 par Dubruel

L’AMI PATIENCE

-« Sais-tu ce qu’est devenu Gaudry ? »

-« Il est capitaine au 6ème Dragons. »

-« Et Pinson ? »

-« Chef de service à la Mairie de Paris »

-« Et Rapator ? »

-« Mort.

-« Et Patience ? 

Le gros Patience ? »

-« Oh !, quant à celui-là, écoute un peu.

Un soir, voici cinq ans,

Lors d’une tournée d’inspection à Evreux,

J’étais assis à la terrasse du Capitan,

Quand, à côté de moi, quelqu’un commanda :

‘‘Garçon! Mon journal et un soda’’.

Ce voisin me considérait d’une façon

Insistante et gênante.

Il se leva et s’en vint les mains tendues :

‘’Nom d’une pipe, c’est Gaston Valente !

Ah !, mon vieux, comment vas-tu ?’’

‘‘Mais… très bien… et… vous ?’’

Je ne le reconnaissais pas du tout.

‘‘Allons !, au collège,…ton copain…, 

Robert Patience !’’

‘’Ah !, oui... Tu vas bien ?’’

‘’Qu’est-ce que tu viens faire ici ?’’

‘‘Je suis inspecteur des finances,

En tournée. Je contrôle la Trésorerie.’’

Regardant ma décoration, il reprit :

‘‘Alors, tu as réussi ?’’

‘’Oui, pas mal, et toi ?’’

‘’Oh !, moi,

Je me fais plein de pognon !

Dis-moi : si tu peux, viens

Demain,

Déjeuner à la maison.

J’habite 17 rue des Piémontais.

…Excuses-moi. Je dois te quitter.

…Je ne suis pas libre le soir…

Allez, mon vieux, bonsoir’’

Il me prit les deux mains, les secoua,

Comme s’il voulait m’arracher les bras :

‘’À demain, midi, c’est entendu ?’’

‘’C’est entendu.’’

Je passai la matinée

Àtravailler chez le TPG.

Puis je me rendais

Chez Patience pour le déjeuner.

J’arrivai devant un vaste hôtel particulier

Avec un foisonnant jardin au fond.

Je gravis l’escalier.

On m’introduisit dans le grand-salon.

La pièce était richement meublée.

Sur les murs peints en rose et blanc,

Douze gravures étaient rassemblées.

Elles représentaient des femmes nues

En compagnie de messieurs galants.

Bref, tout sentait la prétention d’un parvenu.

Patience entra bientôt, radieux,

Me regarda au fond des yeux

Puis d’une voix triomphante, me dit :

‘’Et dire, mon ami,

Que je suis parti de rien !’’

…Nous déjeunâmes fort bien. »


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