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D'après Guy de Maupassant

Publié le 25 juin 2012 par Dubruel

LA MARTINE

Quand hier à midi Benoist est rentré chez lui,

Il a rencontré la Martine sur son chemin.

Il s’est dit :

‘’C’est une belle fille, mâtin !’’

Il ne s’en était pas aperçu jusque-là.

Ça lui était venu comme ça,

Tout d’un coup

Et si fort qu’il en avait perdu l’appétit.

Il ne touchait plus au ragoût.

Et plus rien ne passait décidément.

Il pensait à Martine dans son lit

Et encore en se réveillant.

Il n’aurait pu dire ce qu’il avait.

C’était quelque chose qui le tenaillait.

Il tressaillait quand on la nommait devant lui.

Il avait des sueurs chaque nuit

Qui l’empêchaient de dormir.

Certains matins,

Lorsqu’il la croisait sur le chemin,

Il suffoquait de saisissement.

Un jour, pourtant, il l’aborda en bredouillant :

-« Ça ne peut plus durer. »

-« Qu’est-ce qui ne peut plus durer ? »

-« Je pense à vous tout le temps,

Ça va jusqu’au vertige. »

-« C’est pas moi qui vous oblige ! »

-« Il faut faire quoi, pour guérir ça ? »

Elle l’embrassa

Et s’enfuit en courant.

On commençait à jaser dans le pays.

Certains les disaient promis.

D’ailleurs Benoist avait demandé sa main.

Elle avait même répondu « Oui, j’veux ben ! ».

Mais bientôt, aux rendez-vous,

La Martine ne vint plus

Benoist la cherchait partout.

Il ne l’apercevait plus,

Ni dans les champs,

Ni sur les chemins, ni à la messe.

Or, justement

Un dimanche après le prêche,

Le curé annonça qu’il y avait promesse

De mariage entre Albin Bretêche

Et Victoire-Martine Martin.

Profondément chagriné, il se mit à boire.

Puis il se décida un matin

De prendre son courage pour aller la voir

Chez elle : Martine étendue par terre,

Saisie par les douleurs de l’enfantement,

Se tordait affreusement.

Alors Benoist fit,

Comme il avait coutume de faire

Aux vaches et aux brebis.

Il l’aida et reçut dans ses mains

Le gros bébé de Martine Martin

-« Merci Benoist,

T’es un brave gars.

Montre-le-moi, s’il te plait.»

Il lui présenta le moufflet

Comme s’il eût tenu du pain bénit.

Au même instant, la porte s’ouvrit.

Albin entrait, l’air surpris.

Alors Benoist lui révéla :

-« J’ passais par là…

J’ai entendu des cris…

J’suis v’nu…v’là ton éfant ! »

Albin prit le bébé, l’embrassa,

Le reposa,

Et présentant

Ses deux mains à Benoist :

S’écria : -« Tope-les, Benoist,

Maintenant, entre nous, tout est dit.

Si tu veux, j’serons une paire d’amis ! »

-« J’veux ben.

Pour sûr, j’veux ben. »


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