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MR73 – Film ultra sincère mais…

Par Bebealien

Je l’avais promis hier, je vous propose la critique du dernier film d’Olivier Marchal, forcément très attendu puisqu’il est sans doute sa création la plus personnelle. Du coup, je reporte ma séance de scénario pourri du vendredi à une date ultérieure. Les kamikazes ninja zombis vont devoir attendre un peu…

MR73 – Un peu loupé mais passionnant

Louis Schneider est un flic au bout du rouleau, qui tente de survivre après un drame qui a touché sa famille. Il se raccroche à l’alcool et à quelques rares phases de lucidité, alors qu’un tueur en série met Marseille à feu et à sang. En parallèle, Justine, une jeune femme dont les parents ont été sauvagement assassinés 25 ans plus tôt, apprend que le tueur à l’origine du massacre va bientôt être libéré…

Louis Schneider, alter égo d’Olivier Marchal

Comme spectateur, le nouveau film d’Olivier Marchal me pose un vrai dilemme. MR73 suinte la sincérité par toutes les pores, on voit que Marchal y a mis ses tripes, le bourrant d’anecdotes tirées de son passé de flic. Il essaie également de montrer comment ce métier peut corrompre les hommes et les esprits en leur laissant des séquelles indélébiles. Malheureusement, ce message sincère est écrasé par une mise-en-scène parfois à la limite du pachydermique. Et pourtant, MR73 a tout pour être réussi. Petite revue de détails.

Ce qui frappe en premier c’est la lumière, absolument splendide. Encore un film qui démontre que l’on peut faire du cinéma français de qualité, sans pour autant tomber dans le franchouillard. Totalement désaturé, parfois à la limite du monochrome, le film est éclairé de manière à faire un peu plus ressortir le chaos, le désarroi et un certain dégoût de Marchal pour la violence.

Daniel Auteuil, Olivia Bonamy, et la malheureuse choucroute blonde

Deuxième point très fort : le casting. Impeccable avec une seule exception. Daniel Auteuil a rarement été aussi impérial. Il prouve une fois de plus qu’il est très crédible une arme à la main, surtout lorsque son personnage est rongé par les failles et le doute. Une interprétation forte, très forte, qui démontre que Marchal est un bon directeur d’acteur. Les seconds rôles sont à l’identique : que ce soit Gérald Laroche en flic qui en a vu d’autres, Guy Lecluyse en photographe voyou, Catherine Marchal en fliquette désabusée, Moussa Maaskri en enquêteur de l’IGPN ou enfin Philippe Nahon en tueur repenti… tous ont la gueule de l’emploi et collent totalement à leur personnage.

Seule exception notable, donc, Olivia Bonamy. Déjà, la pauvre est affublée d’une pauvre choucroute blonde qui fait tâche vis-à-vis des autres protagonistes. Ensuite, comme elle a déjà pu le prouver par le passé, elle a un jeu tellement peu subtil qu’elle en arrive même à faire perdre de l’intensité aux scènes jouées par Daniel Auteuil…

Madame Marchal, touchante en femme flic un peu brisée

Troisième point fort : le contenu. Olivier Marchal est un ancien flic, faut-il encore le rappeler. Ayant travaillé sur une affaire de tueur en série qui l’avait particulièrement affecté, il recrache ici via le personnage d’Auteuil un certain nombre de sentiments et de situations qui touchent. Au-delà de l’anecdote énorme mais véridique (comme le détournement de bus du début du film), Marchal démontre méticuleusement comment le microcosme policier est plus ou moins condamné à tomber dans l’alcoolisme, la passivité ou le dégout.

Avec ces différentes briques, Marchal avait tout pour pondre un grand film. Malheureusement la soupe reste un peu indigeste, la faute à deux grosses erreurs à mes yeux.

Gérald Laroche, Guy Lecluyse et Daniel Auteuil… très bon casting de gueules

Tout d’abord, les deux story lines. On a d’un côté la traque du tueur/violeur marseillais, de l’autre la sortie du tueur repenti de prison. Ces deux segments, totalement dissociés, ne se réunissent qu’à la fin, pour faire un parallèle certes sincère mais vraiment too much entre la chute définitive de Schneider et la seule et unique lueur d’espoir du film. La deuxième story line devient donc juste un argument de remplissage, permettant une justification limite in fine.

Dommage, le film aurait gagné en rythme et aurai évité de se disperser en se concentrant sur la première histoire. D’autant plus que MR73 voit sa durée rallongée et connaît quelques chutes de rythme dues à cette juxtaposition maladroite.

Olivier Marchal au travail… dur de ne pas faire un parallèle avec le personnage incarné par Auteuil…

Autre grosse erreur : la fin. Marchal montre ses personnages masculins comme étant tous corrompus par la violence, la bêtise ou la sauvagerie. Seules les femmes, enfants innocentes ou femmes bafouées ou violentées, trouvent grâce à ses yeux. Il pose donc un regard particulièrement tourmenté (et que l’on veut bien comprendre) sur l’humanité. Mais en juxtaposant la fin de Schneider et un accouchement avec beaucoup de détails, Marchal veut montrer qu’il reste selon lui une forme d’innocence primale, une lueur d’espoir dans toute cette merde qui nous entoure. Il en rajoute d’ailleurs dans la symbolique via un plan malheureux crachant sur l’église. On comprend le message, un peu plus de subtilité n’aurai pas fait de mal…

Je pense même que sa note d’intention du départ, concernant cette scène finale, était de faire une fin belle à en chialer, et on ressent l’émotion sous-jacente qu’il voulait faire passer. Il nous montre en parallèle meurtres et sang d’un côté, sang et bébé sortant de l’utérus de l’autre. Comme si pour laver la violence des hommes, il fallait encore verser du sang. Encore une fois on voit, on touche du doigt ce message, au final humaniste, mais il est asséné de manière si péremptoire et si facile qu’il devient à la limite du ridicule… et ca fait mal au cœur de l’admettre.

Alors que penser de MR73 ? Je dirai que c’est un film qui passe à côté de sa cible, mais qui le fait de manière passionnante. Marchal se fait un peu trop bouffer par les thématiques très personnelles qu’il veut exposer. Et ce trop-plein d’émotions finit par générer une réaction inverse : de l’ennui. Restent de beaux personnages, une lumière splendide, des acteurs vraiment bien dirigés, une première story line très intéressante, une peinture qui fait froid dans le dos de la condition de flic…. On peut difficilement lui en vouloir d’avoir un peu loupé son film, tant il sent le projet maudit, peu aisé à coucher sur le papier, et qui a du lui demander beaucoup. J’avoue que j’adorerai pouvoir interviewer Marchal pour revenir sur son projet et sur ces thématiques… Reste un film intéressant, qui surclasse la majorité de la production française actuelle.


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