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Décision

Publié le 21 mars 2008 par Antigone

consigne

Nelly est une gentille fille. La plupart du temps, je prends du plaisir à écouter sa conversation. C’est un peu pour cela, il faut bien l’avouer que je passe prendre un café rapide tous les matins dans son bistrot,  avant de monter quatre à quatre les escaliers qui mènent à mon bureau. J’avoue même avoir un léger béguin pour elle. Nous faisons semblant, tous les deux, de croire encore à cette histoire de cafetière en panne qui s’éternise depuis des mois.

Ce matin, son bonjour me laisse pourtant froid. Je n’ai qu’une hâte, que Nelly me laisse seul face à mon expresso. Rebecca a demandé le divorce hier au soir. Pour être juste, elle ne m’a rien demandé, elle a simplement lâché, au dessert : « Ah au fait, Richard, il faut que je te dise, je divorce ! » Bien entendu, j’ai répliqué, je me sentais tout de même un peu concerné. Elle m’a rétorqué que je n’avais rien à dire, que tout s’arrangerait entre avocats, que l’on n’allait tout de même pas se ridiculiser à simuler une passion que l’on ne ressentait plus depuis longtemps l’un pour l’autre. C’est bête, je pensais qu’elle était heureuse ainsi, dans cette douce indifférence conjugale, qu’elle avait un peu recherchée. Le froufrou de ses activités envahissait ma vie depuis tellement d’années que je m’étais habitué à rester au dehors. Je partais tôt, je rentrais tard, je cumulais les dossiers. Depuis hier, l’exclusion était définitive et me donnait un peu le vertige.

Nelly s’est finalement décidée à placer près de ma tasse une soucoupe bleue, transparente. J’ai l’habitude de déposer mes pièces sur le comptoir. Elle s’est déjà éclipsée et me tourne le dos. Sur le blanc du ticket, un numéro de portable. J’observe cette fine statue coquine qu’elle a déposée sur les étagères, derrière le bar. Je décide que je ferais mieux d’oublier les femmes pour quelques temps. Entamer une aventure avec une serveuse de bar serait stupide, je ne suis pas né de la dernière pluie, c’est comme ça qu’on perd un procès.

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Ce texte est ma contribution à la Consigne 65 du site Paroles Plurielles. Il fallait s'inspirer de la photo ci-dessus, et terminer sur cette phrase "c'est comme ça qu'on perd un procès."


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