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Fonctionnaire / auto-entrepreneur : le choc des cultures (jeudi société)

Publié le 28 juin 2012 par Etsinonrien
Fonctionnaire / auto-entrepreneur : le choc des cultures  (jeudi société) Voilà un an que je me suis lancée dans l'aventure de l'auto-entreprise, que j'ai affronté le service RH de mon établissement relevant du service public pour obtenir un mi-temps de droit. Voilà un an que j'exerce deux métiers, avec deux statuts différents et je dirais même diamétralement opposés.
J'en ai essuyé des sarcasmes au début, de la part de mes collègues. Entre ceux qui me disaient que j'avais de la chance d'avoir "les moyens" de passer à 50% (comme si je passais le reste de mon temps à enfiler des perles...) et ceux qui  passaient leur temps à me demander si "ça marche bien", n'attendant que mon aveu d'échec pour aller baver sur mon infortune. Ceux-là ont failli s'étouffer quand je leur ai dit que je rempilais pour au moins un an. Il y a quand même les collègues un peu plus intègres qui m'ont avoué être en admiration face à mon courage, car jamais, ô grand jamais, ils n'oseraient se lancer dans l'aventure.
Fonctionnaire / auto-entrepreneur, ce sont deux façons différentes de travailler. Cela fait 10 ans que je suis dans la fonction publique et, jusqu'à présent, je n'arrivais pas à intégrer la mentalité du fonctionnaire, je travaillais comme dans un boîte privée. Entendons-nous bien : quand je parle des "fonctionnaires", je parle du système, pas des individus, comme partout il y a des gens dynamiques et prompts à remplir leur mission de service public, et d'autres qui seront plus tire-au-flanc, parce que de toute façon, le système ne les encourage pas à se donner plus.
Prenons mon cas, par exemple : après 7 ans à m'ennuyer dans un bureau, mais tout en faisant mon travail consciencieusement, on me propose l'année dernière un poste super intéressant et en lien avec mes compétences. Le salaire est le même, mais qu'importe, je suis heureuse à ce nouveau poste. Je me défonce pendant une année entière (à mi-temps, je le rappelle, avec un certain nombre d'heures supplémentaires non payées, bien évidemment) pour redynamiser la boutique, ça prend forme, les gens sont contents. Et paf, en juin, restructuration des services, un nouveau chef qui trouve que je suis une incompétente notoire et qu'à terme, il faudra me changer de poste pour me remplacer par un vrai professionnel... Pour la première fois de ma vie, je viens de passer en mode "fonctionnaire" : à partir de maintenant, ce sera le minimum syndical, histoire d'assurer ma paie à la fin du mois. Incroyable comme une seule personne peut saper le travail d'une année, générant ainsi une ambiance tendue au sein d'une équipe qui fonctionnait bien jusqu'à présent. Tout ce que je fais ne sert à rien, donc pourquoi le faire? De toute façon, on ne pourra pas me renvoyer, j'ai déjà les doigts de pieds en éventail et des projets plein la tête pour ma petite entreprise.
A l'inverse, quand j'endosse mon rôle d'auto-entrepreneur, je sais que je dois me démener pour obtenir le fruit de mon travail. C'est encourageant car il y a un objectif clair : pas de travail, pas de pépettes, c'est élémentaire. Il faut donc trouver des clients, et rien que ça, c'est un job en soi. Il y a des mois plus fastes que d'autres, ce qui a quand même le mérite de rebooster le moral et le compte en banque accessoirement. 
J'ai la culture du travail, c'est évident. Et je suis de gauche, ce n'est pas incompatible. Ce qui ne m'empêche pas d'halluciner sur le comportement de certaines personnes dans leur approche du travail. Dernièrement, pour un de mes clients, j'ai proposé un job supplémentaire à une personne de la boîte qui cherche du travail en plus et qui a toutes les compétences pour le faire. Un job payé correctement, mais qui demande un peu d'investissement personnel. Cette personne a refusé la mission parce que ça ne correspond pas tout à fait à ses attentes. Comprendre par là qu'elle préfère vivre d'amour, d'eau fraîche et de sa passion plutôt que d'assumer de payer son loyer (en même temps, si papa-maman allonge l'argent tous les mois, même à 30 ans passés, pourquoi se bouger la nouille, hein?). Si ça ne tenait qu'à moi, je mettrais de grands coups de saton pour botter dehors tout ce petit monde mais d'une, ça ne tient pas qu'à moi, et de deux je suis de gauche donc je compatis ("mais oui, je comprends, tu as raison, il faut se faire plaisir dans la vie, etc..." - ce n'est pas toujours facile d'être de gauche, croyez-moi, j'ai l'impression qu'à droite on a quand même un peu moins de scrupules!)
De cette double expérience, je me dis surtout que le monde du travail va très mal et que, quelque soit le domaine, même en mettant les bouchées doubles, on peut aisément rester sur un sentiment de frustration. Idéalement, nous devrions tous travailler pour vivre, dans le sens de subvenir à nos besoins. Or, j'ai comme l'impression que beaucoup d'entre nous finissent par vivre pour travailler. Je fais malheureusement partie de ces gens, puisque j'ai la fâcheuse tendance à me projeter naïvement dans l'avenir et à me dire qu'un jour, oui, un jour, non seulement j'arriverai à subvenir à mes besoins, comme en plus j'arriverai à me faire PLAISIR, voyager, devenir propriétaire... en attendant, je cours après des chimères et je subis mon travail, celui de fonctionnaire car je n'y trouve aucune satisfaction, celui d'auto-entrepreneur car je n'arrive pas à me rémunérer à la hauteur de mes attentes. Sans perdre espoir, malgré tout.

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