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Quand souffle le vent du nord

Par Lorraine De Chezlo
QUAND SOUFFLE LE VENT DU NORDde Daniel Glattauer
Roman - 350 pages
Editions Grasset - mars 2010
Editions Livre de Poche - mars 2011
Plusieurs fois elle envoie un mail pour tenter de se désabonner de la revue qu'elle ne souhaite plus reçevoir. Pas de réponse. Elle s'acharne. Et enfin, un retour de mail : le destinataire n'est pas le bon, elle n'a pas composé la bonne adresse. Elle lui répond quand même. Il répond en retour. Et à nouveau retour de mail. Entre eux s'installe une relation épistolaire tantôt effrénée, tantôt ralentie, mais rien ne saurait contrer leur addiction. Des échanges amoureux virtuels ? Rien n'est moins simple : Leo Leike pense beaucoup à son ex, Marlene, et Emmi est mariée et mère de famille. 
Au début, on a l'impression d'être devant son ordinateur, à force de lire mails sur mails. Et puis, ça se lit comme les dialogues d'une pièce de théâtre, deux personnages "RE :" et "REP" qui échangent, se découvrent, s'agaçent, se séduisent, se provoquent, se questionnent, se livrent. Et force est de constater que, malgré certains mails en longueur, certaines réponses qui tournent en rond, l'auteur a bâti son histoire en sachant nous plonger dans le suspense.
Extrait :"----- En ce qui concerne votre probable déception si je ne vous plais pas visuellement, je pense qu'il ne faudra pas révéler le secret de notre apparence, même après la rencontre. Ce qui est intéressant, à mon avis, est de savoir si nous pensons arriver à reconnaître l'autre, et comment ; ce n'est pas ce à quoi nous ressemblons vraiment. Je le redis : je ne veux pas savoir à quoi vous ressemblez. Je ne veux que vous reconnaître. Et je vais y arriver. D'ailleurs, je ne crois plus à la description que j'ai faite de vous il y a quelque temps. Pour moi, vous êtes devenue (en dépit du mari et des enfants) un peu plus jeune, madame Emmi Rothner.Autre chose : je me réjouis de voir que vous citez toujours de vieux mails de moi. Cela veut dire que vous les avez conservés. C'est flatteur. Que pensez-vous de mon idée de rencontre ? Je vous embrasse, Léo. 
----- 40 mn plus tard 
RE : Cher Léo, il y a quand même un problème : si vous me reconnaissez, vous saurez à quoi je ressemble. Si je vous reconnais, je saurai à quoi vous ressemblez. Mais vous ne voulez pas savoir à quoi je ressemble. Et j'ai peur que vous ne me plaisiez pas. Est-ce la fin de notre passionnante histoire ? Ou autrement dit : n'avons nous soudain si envie de nous voir que pour n'avoir plus à nous écrire ? Si c'est cela, le prix de la curiosité serait trop élevé pour moi. Je préfère rester anonyme et recevoir jusqu'à la fin de mes jours des mails de l'ours du grésil. Bisous, Emmi."
Vont-ils se voir ? Oser rompre la routine virtuelle ? Risquer leur bonheur épistolaire et leurs fantasmes pour une rencontre éventuellement très décevante ?Ils ne se rencontreront pas, se verront sans en être sûrs, seront toujours libres d'imaginer l'autre. Ils s'écriront inlassablement, courtoisement, amoureusement, froidement, jalousement. Ils écriront sur l'écriture de mails, ils écriront sur eux-mêmes et leur vie privée. Ils s'écriront à jeun le matin et parfois ivres le soir. Leurs échanges sont parfois attendus, parfois surprenant, souvent intéressants.Au delà du parti pris de faire d'un long échange de mails un roman, Quand souffle le vent du Nord aborde certaines questions contemporaines liées à nos échanges électroniques de plus en plus fréquents. Comment le virtuel peut prendre le pas et s'immiscer dans nos vies privées. Comment ces envois et ces réceptions deviennent addictifs. Comment la liberté d'écrire sans conséquence peut en avoir malgré tout. Qu'est-on l'un pour l'autre quand on se connaît pas mais qu'on s'écrit si longuement en se confiant tout ou presque ? Comment réagir à l'absence de réponse qu'on pensait acquise ? Pourquoi ce besoin d'échanger avec une personne inconnue ? Faut-il se réjouir de la spontanéité avec laquelle on rédige et envoi ces mails, la rapidité avec laquelle on peut les regretter tandis que le destinataire les reliras comme s'ils étaient gravés dans le marbre ?C'est sans conteste une lecture plaisante, facile, difficile à bouder, une seconde boîte mail que l'on savoure frénétiquement le temps du roman.L'avis de Reka - MarécagesL'avis de Tamara - Tamaculture

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