Deux écrivains allemands au sommaire de la revue Inuits dans la jungle, n° 4, Durs Grünbein et Ulrike Draesner. De cette dernière, voici deux poèmes extraits de la revue et traduits par Jean Portante.
Sureau à plusieurs voix
Sureau à plusieurs voix, au-dessus
du portail bleu éclatant, après
le premier fauchage le fleuve est-il naturellement
d’un vert si laiteux ?, bénédiction chimique
déversée sur un paysage
entretenant la SURNATURE, en fleur
tout un chacun a droit à une âme
Alma, Malga, Madena s’appellent les vaches
encore des mots distordus, vrilles vertes
dans le pré qui se remet à pousser, un parler
scintillant qui enfle et désenfle en un clin
d’œil sera, quiconque est assis ici
fondu dans l’herbe, se balancent
des ombelles blanches au portail, nos souhaits
flottants : ils sont d’aujourd’hui
d’hier, ce qui pourrait les réaliser, passé.
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Lentilles de contact
ça s’est passé ainsi : clairs
les yeux en larmes, j’ai trébuché
des ventres partout reader’s digest recte
dans la salle d’attente une stridence : optométriste et
peau de globe oculaire jaune veinée la tapisserie la paroi
avançant à tâtons, moi, à travers l’obscurité entre bain et lit
brûlais, moi, oui moi, « pas embrassée encore »
ils ont oublié de m’expliquer que ces machins
glissent entre le corps vitré et la paupière
à l’aveuglette, en larmes
avec les doigts, yeux grands ouverts, moi devant le miroir
la lentille cette petite barque verte
avec toutes ses images déjà glissant à travers mon cerveau
l’ai vue –
l’ai écossée
mise sur le bout du doigt
et en ai sucé les images
Ulrike Draesner, dix poèmes traduits de l’allemand par Jean Portante, in revue Inuits dans la jungle, numéro 4, 2012, pp. 125 et 132.
Bio-bibliographie d’Ulrike Draesner