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Illégalité du gel du tarif du gaz : à qui la faute ?

Publié le 12 juillet 2012 par Arnaudgossement

Fotolia_bruleur gaz.jpgPar arrêt rendu ce 10 juillet 2012, le Conseil d'Etat a annulé l’arrêté du 29 septembre 2011 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel fourni à partir des réseaux publics de distribution de GDF Suez. Les réactions et commentaires de cet arrêt sont parfois assez surprenantes voire préoccupantes.


Les réactions des responsables politiques à l'arrêt par lequel le Conseil d'Etat a annulé l'arrêté du 29 septembre 2011 sont parfois étranges au regard du fait que la France doit être un état de droit.

Ainsi, certains responsables ont pu qualifier de "scandaleuse" la décision de la Haute juridiction. En somme, ce serait donc le Conseil d'Etat le responsable de l'illégalité de l'arrêté du 29 septembre 2011. En clair, le Juge administratif auraît été mieux avisé de cacher sous le tapis l'illégalité évidente de cet arrêté et aurait dû rendre une décision de circonstance, politiquement correcte. Pour d'autres, ce sont les requérants qui sont responsables. Ainsi, plusieurs responsables de la majorité comme de l'opposition s'en sont pris à la société GDF Suez, coupable d'avoir souhaité défendre ses intérêts en saisissant le Conseil d'Etat. Malheur à elle car le Juge lui a donné raison ! Pire, selon certains critiques, GDF Suez n'aurait pas le droit de saisir le Juge car l'Etat possède 36% de son capital : dés lors que cette entreprise appartient en partie à l'Etat, elle n'aurait pas le droit de mordre la main qui la nourrirait.

Ces arguments sont consternants.

Faut-il rappeler que le Juge dit le droit et qu'il se trouvera sans doute bien peu de juristes pour nier que  l'arrêt rendu ce 10 juillet 2012 par le Conseil d'Etat est parfaitement motivé et cohérent ? Pire, cet arrêt était annoncé et tout le monde savait que l'arrêté du 29 septembre 2011 était illégal. C'est donc le gouvernement d'alors qui porte l'entière responsabilité d'avoir signé cet arrêté dont l'annulation rétroactive aura pour effet d'augmenter la facture d'énergie des ménages. Mais le Gouvernement actuel n'est pas non plus sans reproches. Il a en effet annoncé un nouveau gel des tarifs du gaz juste avant la lecture de la décision du Conseil d'Etat prenant ainsi le risque que le Juge devienne un bouc émissaire, coupable d'avoir contrarié la bonne volonté du Gouvernement en place.

En réalité, l'annulation par le Conseil d'Etat de l'arrêté du 29 septembre 2011 était très largement prévisible. Pour s'en convaincre, il suffit de se reporter aux termes de la délibération par laquelle la Commission de régulation de l'énergie avait émis un avis sur le projet d'arrêté gelant les tarifs réglementés du gaz. Au demeurant, les critiques parfois vives de l'arrêt du Conseil d'Etat par certains parlementaires sont préoccupantes au regard du simple principe de séparation des pouvoirs.

De la même manière il est ridicule de reprocher à GDF Suez d'avoir formé un recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2011. Autant reprocher à un thermomètre d'être à l'origine de la fièvre. Il est du devoir de toute personne qui justifie d'un intérêt à agir de saisir le Juge administratif de manière à ce que le principe de légalité soit toujours respecté. Ce n'est pas le recours qui est la cause de l'illégalité de l'acte contesté. Prendre une décision illégale puis s'en prendre à l'auteur d'un recours n'a aucun sens dans un Etat de droit.

Enfin, à la suite de cet arrêt, le Gouvernement aurait normalement dû réagir en précisant la manière dont il allait respecter l'arrêt du Conseil d'Etat et lui donner une suite. Il a préféré en minimiser la portée et maintenir sa décision d'un nouveau gel des tarifs du gaz - qui sera lui aussi attaqué et sans doute annulé. Plus étonnant encore, plutôt que d'expliquer comment la loi serait respectée, il a immédiatement déclaré, par la voix de plusieurs ministres, que la loi serait changée.

Or, la loi française ne peut être aussi facilement corrigée. La France - faut-il le rappeler - est en effet membre de l'Union européenne et c'est le droit de l'Union européenne qui encadre l'activité du marché de l'énergie en général et du gaz en particulier. Nul n'ignore donc que la marge de manoeuvre du législateur français est très faible et ne peut être contraire aux exigences des directives européennes en vigueur.

En définitive, la responsabilité est collective.

Nous continuons de préférer ignorer un fait inéluctable : l'énergie va devenir chère, de plus en plus chère. Geler ou moduler les tarifs sont des mesures de court terme, parfois même illégales. Pour protéger les plus faibles, il nous faut changer de fiscalité, reprendre le chantier de la contribution climat énergie qui s'était arrêté à une décision du Conseil constitutionnel. Cette réforme fiscale est la seule qui permette de créer en matière d'énergie une justice redistributive qui soit favorable à la lutte contre le changement climatique et protectrice des plus modestes.

Enfin, il nous faut aussi respecter le droit de l'Union européenne lequel nous demander de faire évoluer notre vieu modèle énergétique, étatique et centralisé : ouverture à la concurrence, diversification des moyens de production et de la consommation, décentralisation des pouvoirs de décision, mix, développement des économies d'énergie et des renouvelables....les solutions sont connues.

Arnaud Gossement

Avocat associé - Gossement avocats

http://www.gossement-avocats.com


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