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Un film sur le départ des juifs marocains vers Israël fait polémique

Par Mickabenda @judaicine
Tinghir-Jerusalem

Trois mois après sa diffusion sur la chaîne de télévision publique 2M, le documentaire Tinghir-Jérusalem : les échos du Mellah,  n’en finit pas de susciter la polémique au Maroc. Le film de Kamal Hachkar, réalisateur franco-marocain de 35 ans, raconte l’exode massif des juifs marocains dans les années 1950-1960. En 1945, le Maroc comptait près de 250 000 juifs, il en reste aujourd’hui environ 3 000, ce qui représente la plus grande communauté juive du monde arabe.

Professeur d’histoire en région parisienne, Kamal Hachkar est revenu à Tinghir, le village berbère de son enfance, dans l’Atlas, qui a vécu – et vit encore – l’« exil »  de sa communauté juive dans la déchirure et l’incompréhension. Le cinéaste part ensuite à la rencontre de ces déracinés, nostalgiques, à Jérusalem. Un film sur la mémoire, sur la diversité culturelle, la tolérance, car juifs et musulmans vivaient en paix. Mais un film qui agace aussi les plus conservateurs.

Kamal Hachkar accusé d’être un « traître »

Le 2 juillet, dans l’enceinte du Parlement, le député Ahmed Boukhobza, du Parti de la justice et du développement (PJD), parti islamiste au pouvoir, s’en est pris au film, l’accusant de « sionisme »  et de vouloir « normaliser les relations avec Israël » . Le ministre de la communication a contacté les responsables de la chaîne de télévision et demandé des explications. À la sortie du documentaire, Kamal Hachkar avait été pris à partie par le site arabophone Hespress, et décrit comme un « traître » . C’est la première fois qu’un tel sujet est traité à l’écran, de surcroît par un Marocain musulman.

« C’est de l’antisémitisme inavoué. Il n’y a rien dans ce film qui fait l’apologie de l’État d’Israël. Il relate des faits historiques qu’une grande partie de la jeunesse marocaine ignore et qu’elle est en droit de se réapproprier » , rétorque Kamal Hachkar. « Je suis un marocain, fils du peuple, aux racines plurielles, judéo-berbères, musulmanes… Avec le printemps arabe, on voit l’émergence d’un islamisme politique obscurantiste. Cet islam, intolérant, ce n’est pas le mien, ce n’est pas non plus celui de nos grands parents, des habitants de Tinghir. Aujourd’hui, c’est un combat idéologique qui est en train de se mener. »

La présence des juifs au Maroc remonte à plus de 2000 ans

Pour Linda Ittah, juive marocaine, commerçante à Casablanca, « le PJD cherche à exister face à la monarchie, qui a voulu en juillet dernier une nouvelle Constitution qui mentionne les racines hébraïques et amazigh (berbères) du Maroc. On ne peut pas occulter l’histoire ! »  La présence des juifs au Maroc remonte à plus de 2 000 ans, comme en témoignent les tombeaux des 650 saints à travers le pays. Durant la Seconde Guerre mondiale, Mohammed V, grand-père du monarque actuel, a refusé de livrer les juifs marocains et accueilli ceux qui fuyaient le nazisme en Europe.

Mais après la création d’Israël et plus encore après la guerre des Six Jours, en 1967, des représentants de l’État d’Israël sont venus au Maroc pour convaincre les juifs marocains de gagner la « terre promise »,  en insistant sur le risque de ressentiment du monde arabe. « Les juifs marocains sont partis sans savoir vraiment où ils allaient, laissant tout derrière eux. Ce départ a choqué beaucoup de gens de ma communauté » , rappelle Nicole Elgrissy, romancière, auteure de La Renaicendre, mémoires d’une Marocaine, juive et patriote . Et d’ajouter : « Les juifs marocains ne sont pas sionistes. Ils ont été recrutés de manière expéditive et n’ont souvent pas été très bien accueillis en Israël. La terre promise était dure. »

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