Titre original : Friday the 13th
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Sean S. Cunningham
Distribution : Betsy Palmer, Kevin Bacon, Adrienne King, Harry Crosby, Laurie Bartram, Mark Nelson, Jeannine Taylor, Robbi Morgan, Peter Brouwer, Ronn Carroll…
Genre : Horreur/Saga/Slasher
Date de sortie : 11 février 1981
Le Pitch :
En 1957, un petit garçon se noie dans le lac qui borde le camp de vacances de Crystal Lake. Un an plus tard, deux moniteurs de ce même camp se font tuer. Depuis, Crystal Lake est considéré par les habitants des alentours comme un endroit maudit. Une malédiction qui n’empêche pas un groupe de moniteurs de retaper Crystal Lake vingt ans plus tard en vue de sa réouverture. Ils débarquent sur place, un vendredi 13, soit vingt-trois ans précisément après la mort du jeune garçon.
Rapidement, les moniteurs sont décimés les uns après les autres victimes de meurtres sauvages…
La Critique :
Il ne faut que 550 000 dollars à Sean S. Cunningham pour monter Vendredi 13 premier du nom. Inspiré par le succès du Halloween de John Carpenter, le cinéaste se dit qu’il peut faire aussi bien et se met en tête d’accoucher d’un film qui fera monter le trouillomètre des américains vers des cimes insoupçonnées. Le résultat est sans appel : commercialement, Vendredi 13 est un succès absolu. Les dépenses sont largement couvertes et les bénéfices placent d’emblée le métrage comme l’un des plus rentables de l’histoire du septième-art. La critique par contre, n’hésite pas à fusiller le film sur la place publique. Peu importe car la légende est en route. Carton au box-office, Vendredi 13 aura droit à une ribambelle de suites et inspirera un bon paquet de réalisateurs en herbe, au fil des décennies. Aujourd’hui, la saga Vendredi 13 compte dix films. Dix films auxquels se rajoutent le cross-over Freddy contre Jason et le remake de 2009 réalisé par Marcus Nispel.
Vendredi 13, n’en déplaise à ses détracteurs, c’est du bon gros culte. Sans affirmer que le film matrice, le premier de la série, est un chef-d’œuvre, car on en est très loin, il est néanmoins bon de souligner son importance dans la mythologie de la série B horrifique. Vendredi 13 est un long-métrage important. Un monument qui imposa quelques-unes des figures de style incontournables du genre.
Il y a matière à débat. Quel est le premier slasher (film qui voit un type tuer à la chaine de pauvres jeunes sexués et portés sur la bibine et la fumette) ? Treize femmes, de George Archainbaud, sorti en 1932 est certainement, chronologiquement parlant, le tout premier slasher. Ensuite, sont venus -entre autres- Psychose d’Alfred Hitchcock ou encore Dementia 13 de Francis Ford Coppola. Et si c’est Psychose qui a véritablement lancé la tendance, ce sont Halloween, puis Vendredi 13 qui ont entérinés le concept du tueur masqué revanchard. Et si Halloween est un chef-d’œuvre d’épouvante sourde, basé sur la suggestion et sur une psychologie vicieuse et redoutable, Vendredi 13 est sans aucun doute le premier slasher décomplexé. Ce qui fait de lui le véritable initiateur de la tendance qui consiste à placer un certain nombre de victimes jeunes au QI souvent bas, entre les mains d’un tueur sadique qui ne cesse de se relever malgré les coups. Un genre méprisé mais vraiment jouissif, qui tient une place de choix dans l’inconscient collectif des cinéphiles déviants du monde entier.
Ceux qui ont découvert le premier Vendredi 13 après avoir vu, au hasard, Vendredi 13 numéro 6 – Jason Lives, Jason va en enfer ou n’importe quel épisode à partir du numéro 3, ont certainement été déçu. Dans Vendredi 13, Jason pointe aux abonnés absents (ou presque). Ce n’est pas lui le tueur et donc pas l’ombre ici du fameux masque de hockey, qui deviendra le symbole inoxydable de la franchise.
Sean S. Cunningham, à l’instar de William Lustig pour Maniac, opte pour une approche du tueur plus immersive, en caméra subjective. Les meurtres sont filmés à la première personne, ce qui est censé aider à développer un certain malaise. Dans Maniac, le précédé est redoutable. Dans Vendredi 13 aussi, mais quand même vachement moins. On devine à peine les mains du bourreau et les victimes s’enchainent. Les mises à mort sont parfois frontales, parfois suggérées et la présence de l’assassin toujours signalée par un chuchotement qui lui aussi deviendra culte. Un bruitage peut-être inspiré par le morceau de Black Sabbath, Children of the grave, qui se termine de manière équivalente. Mais il ne s’agit que d’une hypothèse.
Parmi les clichés (qui n’en étaient pas à l’époque) qu’a initié Vendredi 13, on peut donc citer ces jeunes inconscients. De jeunes victimes qui cristallisent la portée politique de l’œuvre. En effet, les victimes sont souvent un peu débiles, portées sur la consommation de stupéfiants et sur les parties de jambes en l’air hors mariage. Le tueur lui, incarne le bourreau qui assène les sentences de mort sur ces citoyens déviants. Un type et une nana vont faire l’amour en douce ? Paf, ils sont tués ! Un gars fume un joint ? Paf, il finit par admirer ses propres tripes ! Un constat encore plus flagrant dans Vendredi 13, puisque c’est précisément car deux jeunes faisaient l’amour, que le gamin qui plus tard deviendra Jason, se noie dans le lac.
Le film semble alors dire à la jeunesse d’un pays aux fort relents réactionnaires : « attention les loulous, prenez garde aux comportements à risque, car un tueur pourrait bien venir vous égorger pendant dans votre sommeil lors d’une nuit sans lune ! »
Autre figure du genre, initiée dans Vendredi 13 : le vieux débile qui avertit les futures victimes de leur funeste sort. Dans Vendredi 13, il s’appelle Ralph, il est vieux et fait vélo. Au début du long-métrage il vient trouver Annie, la mignonne cuisinière du camp Crystal Lake et lui lance un « la mort rode à Crystal Lake » ! L’air de rien, comme ça, à la cantonade. Le schéma se retrouve dans moult films de ce genre. Il y a souvent un illuminé que personne ne prend au sérieux et qui sait. Et c’est souvent drôle, y compris ici.
Pas franchement flippant, à la base, Vendredi 13 a vu son potentiel effrayant s’émousser avec les années et les multiples suites, qui ont appris au fil des années à miser sur le côté burlesque de Jason, le mort-vivant tueur en série. Ici, même si Jason n’est pas là, c’est un peu le même soucis et à moins d’avoir découvert en 1981, le film à sa sortie, difficile d’avoir peur à la vue de ces moniteurs égorgés contre un châtaignier. Ce qui n’est pas le cas d’Halloween, toujours aussi spectaculaire et admirable dans sa faculté à traverser les ages, sans perdre une once de son statut iconique d’œuvre intensément glaçante. Mais Cunningham n’est pas Carpenter. Vendredi 13 est un film important oui, mais pas marquant en soi.
On lui préférera certaines de ses suites, avec en tête de liste, les numéros 2, 3 et 6, où Jason porte bien son masque et découpe méchamment des ados bas du front à la machette. Marcus Nispel, réalisateur du remake de Vendredi 13, l’a bien compris en combinant dans son film, les trois premiers volets de la saga originale. L’absence de Jason nuit à Vendredi 13. Surtout qu’ici, en V.F., il s’appelle Jackie. Oui, oui, Jackie ! Il n’était pas rare de franciser les noms des personnages de films à l’époque. Un peu comme dans Shining ou Jack Torrance devenait Jacques Torrance.
Dans Vendredi 13, il y a des meurtres, à intervalles réguliers (toutes les 8 minutes, à peu près) et les scènes qui font le lien brillent par leur cachet 70′s typique de certaines productions érotiques bons marchés. Dans Vendredi 13, il y a Kevin Bacon qui côtoie plein d’autres acteurs qui n’ont rien fait de très intéressant depuis. Et dans Vendredi 13, il y a Betsy Palmer, qui joue frénétiquement (et mal), la mère de Jason (Jackie). Elle habite la dernière partie du film avec une rage hilarante. De quoi donner à cet œuvre phare un cachet particulier. Une aura quasi-historique se dégage de ce foutoir jubilatoire, qui supporte les visions multiples. Non, non, Vendredi 13 n’a rien d’un chef-d’œuvre. Mais si il n’existait pas, le cinéma d’horreur ne serait pas le même, c’est certain. Sean S. Cunningham a façonné une fange du septième-art qui fait à la fois le bonheur des producteurs peu inspirés et des cinéphiles fans de séries B dégoulinantes. C’est déjà beaucoup pour un seul film non ?
Et comment ne pas finir en saluant l’incroyable travail de Tom Savini, maquilleur de génie responsable d’effets-spéciaux bluffants et réalistes. En 2012, son boulot n’a pas pris une ride !
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Paramount