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Le "modèle breton" en faillite... mais chut!

Publié le 13 juillet 2012 par Chacalito

Deux mauvaises nouvelles viennent d'arriver consécutivement en Bretagne: le dépôt de bilan de l'entreprise Doux en premier lieu mettant à mal des milliers d'emplois au pays et plus récemment l'annonce par PSA de la suppression de 1400 emplois à la Janais (Rennes).

Deux séismes qui remettent en cause le modèle productiviste actuel sur le fond, mais que la plupart des politiques traiteront de façon superficielle, comme ils l'ont fait depuis 20 ans. Pourquoi? Parce que la vérité est inentendable. Les Cassandre sont cloués au pilori donc inutile de reprocher aux politiques la lâcheté de la société. J'en vois déjà qui vont m'accuser "d'exagérer". J'exagère oui... et ceux qui refusent d'anticiper parce qu'ils ont peur du chômage, eux n'exagèrent pas?

PSA:

Je suis parfaitement conscient qu'il n'est pas évident de dire froidement que si nous souhaitons reconvertir l'économie, certains emplois n'auront plus lieu d'être. Mais à force d'attendre encore et toujours, n'empire-t-on pas la situation? Aujourd'hui, les communiqués de tous (politiques et syndicats) "pensent avant toute chose aux familles...". Anticiper, c'est penser à tous ceux et toutes celles qui suivront. Il y a deux ans, le Conseil régional de Bretagne a donné une subvention exceptionnelle à la filière automobile. La logique - louable - était de dire que si PSA se cassait la gueule, c'était tous les sous-traitants qui trinquaient. Certes...

Aujourd'hui, où en est-on? On nous promet la construction d'un nouveau modèle en 2016! Je n'y crois pas. C'est un peu la bouée de sauvetage qui permet aujourd'hui de dire qu'il faut dégraisser le mammouth... en attendant. En attendant Godot oui! La réalité, c'est que la filière automobile rennaise a peu d'avenir parce que le siège n'a pas choisi la Bretagne comme QG. Evidemment, s'il s'agissait de délocalisation, le problème ne serait pas le même: après tout, autant faire des voitures en Bretagne qu'ailleurs où les conditions de travail sont déplorables. Mais à l'heure où j'écris ces lignes, PSA fabrique près de 50 voitures par heures. Je me demande à qui il les vend. Le marché français est bouché, chacun ayant déjà sa propre voiture (nos villes ont été construites pour les voitures alors comment imaginer une alternative?). Reste l'international, mais avec tant de concurrence, notre entreprise bretonne fait-elle le poids?

On est donc dans une situation paradoxale où l'on vise la société sans voiture (ou plus précisément "rendue moins dépendante de la voiture"), mais on refuse de perdre un seul emploi! ça me fait penser aux adeptes du protectionnisme: non aux importations, mais oui aux exportations! Comme si les deux n'allaient pas de pair. Croyez-moi, beaucoup d'employés de PSA sont conscient de ça, mais ne savent pas comment y remédier et pensent (c'est légitime) d'abord à leur poste. Je n'oublie pas l'aspect social, je vais y venir...

DOUX:

Dans le cas Doux, on a une multinationale qui a fonctionné sur fonds publics pendant des décennies (subventions de la PAC) et qui s'est servi de ces sub' pour investir au Brésil et pour exporter sa production (détruisant parallèlement les économies vivrières de certains pays du sud, mais le capitalisme n'est pas à ça près). Résultat: pas d'investissement en Bretagne et des éleveurs, complètement dépendants car "intégrés", qui ne sont plus payés. Grosse réussite!

Après un feuilleton médiatique impressionnant, l'entreprise vend. Et démanteler (ce que craignaient les syndicats). Résultat de cette économie hors sol: et bah, rien! On va continuer comme avant, mais avec d'autres entreprises! Les subventions publiques continueront à aller vers les grosses boîtes car il est plus difficile de faire face à 700 emplois en sursis d'un bloc qu'à 700 paysans en crise un par un (et des pendaisons, il y en a plus que chez France Telecom). C'est d'ailleurs ce que dénonce avec raison l'association Solidarités Paysans de Bretagne.

Dans le modèle agricole (mais on pourrait dire la même chose dans les transports ou l'energie), on nous fait croire que l'alternative n'est pas possible alors que les financements publics servent essentiellement à entretenir le modèle en place! Ou au mieux à l'aider à mourir. On appelle ça l'accompagnement social du capitalisme. Est-ce donc à cela que servent les Etats? A accompagner? Moi, je croyais que la puissance publique servait à imaginer, à inventer, à proposer.

Là encore, je suis conscient que la crise Doux aura des répercussions et que tous ces chômeurs d'un coup n'augure rien de bon pour l'économie bretonne, ni pour la puissance publique qui va devoir faire face (alors qu'elle n'est pas responsable).

Quelques pistes de réflexion:

Alors vous me direz: que propose-t-il ce petit con qui se croit si malin? Je n'ai pas de solution miracle, mais j'estime qu'il est du devoir de la puissance publique de regarder la réalité en face. Nous pouvons être "compétitifs" en termes industriels, mais c'est la maîtrise de la stratégie qui nous manque ici, en Bretagne. Les sièges ne sont pas ici pour la plupart. Et quand ils le sont (pour Doux), l'économie dépend avant toute chose de l'extérieur. Idem pour le tourisme! Comment peut-on imaginer une société stable si on ne compte pas sur nos propres forces, notre propre marché économique?

Quelques petits articles devraient nous mettre la puce à l'oreille sur la marche à suivre. Guillaume Pépy, le patron de la SNCF, a annoncé récemment qu'il allait embaucher du personnel et que le profil des ouvriers de PSA pouvait être intéressant (voir ici). En somme, on conserve les savoir-faire. Quoi de mieux? Il n'y aura certes pas 1400 postes, mais creusons de ce côté pour commencer. La demande en fer est importante. On manque de transversales en Bretagne, on manque de pendulaires locaux pour relier les bourgs aux zones d'emplois.

En termes de formation, le groupe UDB avait, lors du débat sur la jeunesse et reprenant le travail de l'UDB Jeunes, proposé la mise en place de tutorat seniors-jeunes afin de ne pas perdre les savoir-faire tout en assurant des fins de carrière plus "cool" à des ouvriers qui ont trimé toute leur vie. Une deuxième piste à creuser.

On pourrait également parler de la fabrication des rames. Qui fabrique les trains aujourd'hui? Alstom (France), Bombardier (Canada) et Siemens (Allemagne). En gros, voilà la liste. ça fait pauvre quand même pour l'ensemble de la planète! Et vue la liste d'attente, on pourrait très bien imaginer un autre constructeur sur une gamme moins performante (sur des trains plus locaux en somme).

Côté agriculture/agro-alimentaire, il faut mettre l'accent sur la qualité des produits et l'autonomie des paysans (dont les problèmes sont souvent, comme la pêche, liés aux dettes). Quand on est intégré, on est pieds et mains liés avec celui qui nous nourri (nous paye). L'agro doit produire moins et augmenter en gamme de produits pour que les paysans puissent vivre de leur travail. Et là encore, il y a du travail dans l'agriculture... ce sont les terres qui manquent! Les pouvoirs publics (et leurs organismes) devraient partager et non réserver les terres aux mêmes, à ceux qui sont déjà dans la place. Je ne vous parle pas des banques qui ne prêtent pas alors même que les projets ont un plan de financement correct.

Bref, imagination toujours. Le modèle breton est en faillite, c'est une occasion pour en réinventer un. Et un solide où les salariés n'auraient pas peur, chaque trimestre de perdre leur emploi! J'exagère aussi en disant ça?


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