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Mamadou Mahmoud Ndongo : Remington

Par Gangoueus @lareus
Mamadou Mahmoud Ndongo : Remington © Julie Rochereau
Nous sommes à cheval sur deux journées quand le narrateur commence son propos quelque part dans un bar . C'est son anniversaire. 41 ans. Il rentre chez lui. Il s'appelle Miguel Jean Manuel et il est critique de rock pour la grande revue culturelle Remington sur la place parisienne.  Miguel, personnage narrateur, au fil de ses rencontres du jour et du lendemain, raconte son entourage,  son colocataire dealer de drogue douce et employé relax d'une enseigne suédoise, Octave le chat de la maison, accro aux fumées émanant de joints allumées du pensionnaire de la maison de son maître,  Matthias, le responsable hiérarchique chez Remington, à la ramasse dans sa relation avec la pulpeuse Nadia, une executive woman qui lui a fait un enfant dans le dos, lui le quarantenaire ayant rejeté l'idée même d'être un père un jour, Ô horreur... Le roman est ainsi construit de petits chapitres introduisant des personnages en interaction directe avec Miguel Juan Manuel, mais en même temps, notre homme divague en mettant en perspective, suivant les errements de sa pensée ou de l'échange en cours, d'autres personnages tous plus ou moins connectés à lui par la cohabitation, le lien professionnel puis surtout dans l'intime ou par la famille.
Il faut donc une certaine attention du lecteur pour ne pas se perdre dans les méandres des souvenirs familiaux du quarantenaire, son regard sur ces collègues,  l'historique de ses rapports avec ces derniers.
J'écoute la musique de ce livre en écrivant cet article, en tout cas quelques morceaux comme ce fameux Like a Rolling Stone interprété par Jimi Hendrix et B.B. King, car chaque chapitre porte le titre d'un morceau de rock ou de pop rock en partant de Nick Cave jusqu' à Alain Bashung.
La narration au fil des pages nous  laisse progressivement découvrir les origines de ce Miguel, fils d'un grand psychiatre madrilène mais surtout petit-fils du grand peintre républicain Juan-Manuel, dit l'Ogre. 
Mamadou Mahmoud Ndongo offre par ce roman un texte très dense  à la fois au niveau de la complexité des liens qui participent à la construction et la formation des identités au sein d'une famille, mais aussi, au travers du regard du critique sur l'art, sur l'évolution de cette musique morte l'année de sa naissance à la suite d'un crime brisant l'esprit de cette culture. Miguel  est un personnage intéressant qui offre un regard réel sur toute une génération, et je me rends compte en écoutant la compilation éclectique qu'il dépasse le cadre apparemment défini.
Sans l'air d'aller au fond de choses, par cette sorte de survol de nombreux personnages dont il capte un épisode de vie, une pensée, un moment fort, Mamadou Mahmoud Ndongo arrive, par des dialogues percutants ou des formules sibyllines, à laisser une réflexion, un étonnement, un rire ou une incompréhension qui apportent à ce texte beaucoup de profondeur et un recul très intéressant, de mon point de vue.
Vous l'aurez compris, j'ai apprécié ce texte qui parle très bien de la société occidentale actuelle, dans ces doutes, ces orientations, ces questionnements sans aucun jugement. Miguel n'offre pas cette possibilité puisqu'il est lui même, par son rôle de faiseur d'opinions un acteur à part entière.
J'écoute Charlie Mingus en terminant cette chronique entre jazz et flamenco. Un très bon son. Ysabel Table's dance.
Et c'est en ceci que réside le paradoxe : plus le monde nous était rendu accessible et moins nous voulions y accéder, comme si on ne pressentait une blessure narcissique; nous ne voulions pas d'un monde compliqué, mais binaire : ouvrir ou fermer la fenêtre, tout devait être accessible et simplifié, le monde devait être un grand livre dont on pouvait tourner les pages, sans avoir à les lire, nous n'avions pas besoin d'un manuel, nous n'avions pas besoin d'autres récits de vies, d'être encombrés d'autres histoires; la mienne me suffisait!
page 178, édition GallimardBonne lecture!Mamadou Mahmoud N'Dongo, RemingtonEditions Gallimard, collection Continents noirs, 384 pages, à paraître le 30 août 2012  

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