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Athènes, Aulnay, Madrid, voyage dans le nouvel âge capitaliste

Publié le 16 juillet 2012 par Lecridupeuple @cridupeuple

Clairement, on ne lâche rien. Après, c’est sûr que le week-end du 14 juillet n’est guère propice aux mouvements de masse. Nous nous sommes malgré tout retrouvés à une cinquantaine devant l’ambassade d’Espagne à Paris. A titre personnel, j’étais heureux d’y retrouver mi hermano José Angel et ma bande de potes dont Arthur Fontel et le petit Pierre d’Evry, qui n’est encarté nulle part. Bref… Même s’il y avait bien d’autres personnes, nous étions tout de même dans l’entre soi. A Bordeaux, Fanfan me dit qu’ils étaient une centaine. Comme quoi, tout le monde ne se met pas en vacance.

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En même temps, il faut le dire : ça tombe comme à Gravelotte. Référent sur l’action pour le Parti de Gauche, j’ai eu à mettre en lumière la cohérence entre ce qui se passe à Madrid, à Athènes et à Aulnay-sous-Bois. Il y a deux cohérences en fait : l’une tient à la nature du capitalisme dans son nouvel âge, l’autre tient à l’adaptation de l’Union européenne à ce nouvel âge.

En clair, depuis quelques années, le capitalisme est entrée dans une phase où la production de richesses physique, dans les pays occidentaux, rapporte bien moins que la spéculation boursière et les dividendes liés à la généralisation de l’actionnariat. L’accumulation de richesses, dont l’oligarchie s’approprie l’essentiel, ne passe désormais plus par la production de biens matériels dans la vieille Europe. Les fortunes se bâtissent mieux, selon les critères de la classe possédante, au travers des profits financiers.

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C’est dans ce cadre qu’il faut lire la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay ainsi que la suppression de quelque 8 000 postes de travail en France. A contrario, PSA se développe fort bien au Maghreb et au Brésil, où les marchés émergents et la montée en puissance d’une « classe moyenne » structurée, alliée à la faiblesse des salaires offerts aux ouvriers, maintiennent débouchés économiques et plus-values importantes. Ce qui n’est pas le cas en France. Dans l’hexagone, le secteur d’activité qui rapporte le plus au groupe PSA reste le secteur financier… Dans un pays où l’on compte 600 000 véhicules individuels pour un million d’habitants, sauf à développer des automobiles adaptées à la demande en moyen de locomotion propre, il n’y a rien à attendre d’un point de vue capitalistique.

Mais la recherche, ça coûte cher et ne rapporte qu’à long terme. Pendant ce temps, les actionnaires doivent se contenter de la portion congrue et d’un bénéfice qui, pour confortable qu’il soit, n’atteint pas les rendements attendus. Exit donc la production automobile. C’est de la même manière qu’en Espagne on liquide l’extraction charbonnière. « Au nom de la concurrence libre et non faussée », qui aboutit à une spécialisation géographique des activités du capital. La suppression des aides publiques aux charbonnages espagnols intervient au moment même où le Partido Popular au pouvoir entérine un plan d’austérité de 65 milliards d’euros en échange de 100 milliards de prêts concédés par la Banque centrale européenne en vue de recapitaliser le secteur bancaire ibérique. On voit bien la concordance des mesures : arrêt d’une activité de production d’un côté, remise en état du bras armé de la finance outre Pyrénées. La « crise » a bon dos. Des milliers d’Espagnols l’ont encore clamé dans les rues madrilènes dimanche 15 juillet. Que se jodan !

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Derrière le plan d’austérité, c’est bien la construction d’un nouveau modèle économique et social qui est mis en œuvre à marche forcée par Rajoy et Bruxelles. Si vous voulez avoir un aperçu de ce que produit ce genre de mutation, il faut faire un trajet de plusieurs centaines de kilomètres pour se rendre en Grèce. Dans ce pays-ci, l’Union européenne a posé clairement la donne : en finir avec les services publics, liquider le patrimoine commun à la population en privatisant tout ce qui peut l’être. La dette a bon dos. L’essentiel est de préserver le secteur bancaire, source des profits futurs, qu’importe si le peuple doit crever et même plus à petit feu. L’Italie est, avec l’Espagne, la prochaine sur la liste. Le Portugal arrive juste après.

C’est que le projet politique a désormais vocation à s’étendre. Il finalisera les mutations de fond (appelées « réformes structurelles », dans la novlangue bruxelloise) des sociétés européennes. On le trouvera entre les lignes du Mécanisme européen de stabilité (MES) et du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’union économique et monétaire (TSCG). Au cas où les gouvernements démocratiquement élus viendraient à vouloir s’émanciper du cadre politique fixé par les Commissaires européens, il est acté que les lois de finances, celles qui fixent les budgets des états, devront passer par la case « validation » à Bruxelles avant même que d’être débattues par les élus des nations… Si ce n’est pas se donner les moyens d’imposer son dogme idéologique, cela y ressemble pas mal.

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Interviewé par une télévision espagnole

Ce sont là mes quelques réflexions du week-end, suite aux conversations que j’ai eues avec l’ami Perceval45 et Danièle Obono, mon amie de Convergences et Alternatives. C’est aussi ce que j’ai résumé lors de mon intervention devant l’ambassade d’Espagne. Je vais tâcher d’y revenir plus en détails à la rentrée, tant je me rends compte que mon propos, déjà ébauché dans une note précédente, exige d’être approfondi.

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Bonus vidéo : Fermin Mugurruza “Sindikatua”

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