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[Critique] THE DARK KNIGHT, LE CHEVALIER NOIR

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : The Dark Knight

Note:

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Origine : États-Unis
Réalisateur : Christopher Nolan
Distribution : Christian Bale, Heath Ledger, Aaron Eckhart, Maggie Gyllenhaal, Michael Caine, Gary Oldman, Morgan Freeman, Ron Dean, Cillian Murphy, Chin Han, Eric Roberts, Michael Jai White, William Fichtner, Nestor Carbonell, Ritchie Coster…
Genre : Action/Thriller/Saga/Adaptation
Date de sortie : 13 août 2008

Le Pitch :
Depuis que l’ombre de Batman plane sur Gotham City, les criminels se voient forcés de faire profil bas. Avec l’appui du lieutenant de police Gordon et du procureur Harvey Dent, Batman continue son combat contre la corruption. Cependant, un nouveau caïd fait son apparition et s’impose dans la pègre par la violence. Celui qui se fait appeler le Joker met alors au défi l’Homme chauve-souris…

La Critique :
Le succès ahurissant de The Dark Knight rassure. Il rassure, car il prouve que le grand public sait apprécier les paris risqués. Qu’il ne se complait pas dans le grand spectacle creux et que quand on lui propose une œuvre dense, sombre et complexe, il répond présent. Jusqu’à ce qu’Avengers débarque, The Dark Knight était ainsi le troisième plus gros succès de tous les temps au box office américain. Actuellement, il se situe à la douzième position au niveau mondial, derrière des longs-métrages comme Avatar (1er), Titanic (2ème), Avengers (3ème) ou encore Le Seigneur des Anneaux : Le Retour du Roi (6ème). The Dark Knight a entériné la démarche novatrice entamée par Christopher Nolan avec Batman Begins et le public a plébiscité cette démarche.
Il faut dire, que nous avons ici affaire à un grand chef-d’œuvre. À ce jour (le 18 juillet, The Dark Knight Rises sort dans quelques jours, à l’heure où cet article est publié), il s’agit de la meilleure et plus pertinente adaptation d’un comic book au cinéma. Ni plus ni moins.

Contrairement à la logique hollywoodienne (mais pas seulement) qui veut qu’une suite soit encore plus spectaculaire que son prédécesseur, The Dark Knight ne joue pas la surenchère. Pas directement du moins, car si le film apparaît bien comme plus ambitieux et lyrique que Batman Begins, il n’aligne pas les cascades et les explosions, dans le seul but de montrer au plus grand nombre à quel point son budget est conséquent. Nolan ne joue pas à qui a la plus grosse et son film, dans cette logique, n’est pas une démonstration de force outrancière. Au final, la baffe n’en est que plus intense.
The Dark Knight tient tout d’abord à raconter une histoire. Il colle de près à la fin de Batman Begins qui laissait présager la future intervention du Joker. Les frères Nolan et David S. Goyer ont écrit un script malin, qui s’intègre parfaitement à la mythologie du premier épisode. C’est la suite logique. Le Joker se devait d’apparaitre et son arrivée, en plus d’être totalement pertinente, coule de source après les évènements survenus précédemment. Même L’Épouvantail est là, en début de métrage, comme pour faire le trait-d’union entre les deux intrigues. Niveau gadget et tenues c’est la même chose. L’évolution est perceptible mais pas tape à l’œil. Il y a toujours cette incroyable Batmobile, qui se transforme en moto. Le costume change pour devenir plus compatible avec une plus grande amplitude de mouvements. La rupture est bien négociée. Fini le manoir (il brûle à la fin de Batman Begins), Bruce Wayne vit désormais dans un appartement géant, avec sous-sol aménagé en Batcave. Le ton est plus moderne et urbain, mais rien ne sonne comme un laboratoire farci de gadgets improbables comme en regorgent les James Bond. Seul peut-être le stratagème final, qui consiste à transformer tous les téléphones portables de Gotham en micros afin de repérer le Joker, sonne comme un poil too much. Mais la chose étant bien amenée, cela ne choque pas le moins du monde.
Dans The Dark Knight comme dans Batman Begins, les gadgets et tout l’attirail de Batman ne supplantent jamais les capacités physiques du héros, qui reste, sous son costume en kevlar, un homme.
Le réalisme est toujours à l’ordre du jour. Aucun compromis n’a été fait par Nolan, qui garde le contrôle sur son œuvre et poursuit son projet avec un aplomb admirable.

Plus que jamais, The Dark Knight questionne la condition fondamentale du héros. Batman incarne la justice de l’ombre, à la limite de la légalité, car il considéré par beaucoup comme un électron libre peu fiable. Il y a ensuite Gordon, l’un des seuls policiers intègres, qui continue sa croisade contre le mal. Enfin, il y a Harvey Dent, le chevalier blanc, qui œuvre pour le bien, en brandissant le code pénal. Le futur Double Face qui incarne les noirs desseins du Joker qui, de son côté, s’impose comme l’autre versant du héros. Harvey Dent, qui testera à ses dépends les limites d’une dévotion pour la justice qui, quelque fois, comme le souligne le film, peut outrepasser les frontières de la raison humaine.
Un Joker fantastique, incarné avec une justesse spectaculaire par un Heath Ledger habité. On aurait pu craindre que le simple fait de passer après Jack Nicholson (qui incarnait le Joker dans le Batman de Tim Burton) n’oblige Ledger a repousser les limites du cabotinage, mais non. Il n’en est rien. Son Joker est différent de celui de Nicholson. Il se fond dans la tonalité générale. Sombre, plus sérieux, il incarne un humour réellement noir, jusqu’à en être dérangeant. La folie personnifiée assortie d’une intelligence stupéfiante, font du Joker le méchant ultime pour ce genre de film. Chef d’orchestre d’une machination visant à déboulonner le statut iconique de héros de Batman, le Joker se pose comme l’un des badguys les plus réussis du cinéma moderne. Pas besoin de tergiverser trois heures pour arriver à de telles conclusions. La performance du regretté Heath Ledger relève du génie. Lui qui a, à juste titre, remporté l’Oscar du meilleur second rôle pour son incroyable prestation.

Beaucoup de réalisateurs auraient privilégié un tel méchant, reléguant les autres personnages au second plan, tout comme beaucoup de comédiens auraient certainement été écrasés par le poids d’un numéro d’acteur aussi impressionnant. Dans The Dark Knight rien de tout cela. Tout le monde est logé à la même enseigne et d’une manière ou d’une autre, tout le monde existe. C’est l’une des grandes forces de Nolan : arriver à donner de la substance à tous ses seconds rôles. Des seconds rôles pour certains surprenants, qui dénotent là-aussi d’une envie d’envoyer balader la bien-séance hollywoodienne. Ainsi, on retrouve ce vieux briscard d’Eric Roberts, lui qui se fait rare habituellement, ou encore le gros bourrin bodybuildé Michael Jai White, parfait en mafieux dominant. Nolan a cuisiné sa distribution avec classe et goût. Même Maggie Gyllenhaal reprend avec brio le rôle laissé par une Katie Holmes sous la coupe des scientologues. Son absence est vraiment regrettable, mais la sœur de Jake s’en sort bien et arrive à faire oublier ce remplacement un poil contrariant. Tous les autres reprennent donc du service. De Morgan Freeman à Michael Caine, en passant par Gary Oldman, décidément formidable dans les sapes de Gordon.
Christian Bale, quant à lui, tient bon face au géant Ledger. Son Batman s’enfonce dans les méandres de mécanismes profonds et torturés. Batman morfle, tout comme Bruce Wayne, qui semble plus que jamais avoir du mal à tenir son statut public de playboy irresponsable. La réflexion portée par le personnage à double facette de Bale touche en plein cœur.

On retrouve rapidement ses marques lorsqu’on pénètre dans le territoire du Dark Knight. L’ampleur de la mise en scène est décuplée et certaines séquences collent d’emblée la chair de poule. À l’image de celle du braquage, clin d’œil direct à Heat de Michael Mann, ou à celle où le joker, qui après s’être évadé du commissariat (évasion spectaculaire d’ailleurs), sort la tête hors de l’habitacle de la voiture pour humer l’air du soir.
La réalisation de Nolan, est en plus en adéquation totale avec les partitions de Hans Zimmer et de James Newton Howard. Les deux chefs-d’orchestre tissent une musique complexe, adaptée à l’évolution de Batman et aux personnages. Un travail d’orfèvre plein de souffle qui colle à la caméra virevoltante de Christopher Nolan.
Non mais sérieusement, quel chef-d’œuvre ! The Dark Knight vole très haut. Il prend au sérieux le mythe auquel il s’attaque, prend soin de poser une ambiance, est d’une méticulosité troublante et d’une noirceur abyssale.
Monument crépusculaire et torturé culte, The Dark Knight est une œuvre phare. Un pamphlet adulte qui en met plein les yeux et qui serre le cœur. Un film incroyable qui s’apparente à une tragédie moderne où tous les protagonistes sont pris dans une danse viscérale, où les certitudes volent en éclat, où la notion de sacrifice trouve toute sa valeur, et où le combat du bien contre le mal prend des apparences inattendues.
Christopher Nolan est un génie. Il le confirme ici et quoi qu’il arrive, on ne pourra jamais lui enlever ça. Son Dark Knight est un chef-d’œuvre. Et si Avengers incarne la quintessence du cinéma de super-héros fun, coloré et divertissant, The Dark Knight personnifie l’exploration torturée des mêmes thématiques. Deux versants d’une même pièce en quelque sorte. Et ce n’est pas Double Face qui dirait le contraire…

@ Gilles Rolland

[Critique] THE DARK KNIGHT, LE CHEVALIER NOIR

Créditis photos : Warner Bros.


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