Theo Van Rysselberghe (Gand, 1862-Saint-Clair, Var, 1926)
L’Entrée du port de Volendam, c.1896
Huile sur toile, 38 x 55,5 cm, Madrid, Musée Thyssen-Bornemisza
(INV CTB.1998.44 /© Carmen Thyssen-Bornemisza)

Les musicologues ont coutume de diviser le parcours créateur de Fauré en trois périodes, une première s’étendant jusque vers
le milieu de la décennie 1880, encore empreinte d’influences notamment du romantisme germanique, une deuxième conduisant jusque vers 1910, qui assied un style personnel fait, entre autres, de
lyrisme affirmé et chaleureux mais aussi d’expérimentations audacieuses, et une dernière où l’on assiste à une décantation croissante conduisant souvent à une impression de sérénité presque
immatérielle, laquelle n’exclut néanmoins nullement la vigueur. Les œuvres pour violoncelle et piano et les deux Quatuors avec piano qui constituent respectivement le premier et
deuxième volet de ce projet nous offrent une traversée complète de la manière fauréenne, avec une nette prépondérance toutefois de ses deux phases extrêmes. À la première appartiennent toutes
les pièces de genre pour violoncelle et piano, dont les plus représentatives sont sans doute l’émouvante Élégie op. 24 de 1880 à laquelle son caractère fait de tragédie et
d’exaltation assura un succès aussi immédiat que durable et, comme un négatif, le salonnard Papillon op. 77, commandé en 1884 à Fauré par son éditeur qui souhaitait exploiter la
réussite commerciale de l’Élégie,
Avec les deux Sonates pour violoncelle et piano et le Trio op. 120, nous entrons dans la dernière
période de l’activité créatrice de Fauré. La Sonate en ré mineur op. 109 a été écrite entre mai et août 1917 et créée en 1918. Comme nombre de pages tardives du musicien, elle
emprunte une partie de son matériel à des œuvres antérieures, puisque le premier thème de l’Allegro deciso qui l’ouvre est tiré d’une symphonie détruite de 1884, comme
l’Andante de la Sonate en sol mineur op. 117 se fondera sur un Chant funéraire pour orchestre d’harmonie commandé en 1921 par l’État français pour commémorer le
centenaire de la mort de Napoléon. 
Toutes les pages présentes dans ces deux volumes ont été si fréquemment enregistrées et par des artistes y ayant souvent
déployé un tel talent que chercher dans chaque nouvelle parution qui leur est consacrée une hypothétique référence est un exercice encore plus vain que lorsqu’il s’agit d’œuvres moins bien
servies par le disque. La question que l’on se posera volontiers pour les apprécier est donc celle de la singularité de la vision des partitions qu’elles proposent. Avant de les considérer
séparément, il faut dire un mot des qualités bien réelles communes aux deux disques. Celle qui s’impose le plus immédiatement est le soin apporté à la réalisation éditoriale et technique qu’il
s’agisse des notices bien documentées et de lecture agréable signées par Nicolas Southon ou des prises de son précises mais sans sécheresse aucune de Jean-Marc Laisné, dont le travail d’orfèvre
a déjà été salué sur ce blog. Ces conditions matérielles optimales sont mises au service de musiciens dont l’implication est indiscutable, ce qui nous change agréablement de certaines lectures
routinières voire alimentaires dont on se demande où gît la motivation. L’équipe réunie par Éric Le Sage (photographie ci-dessous) se montre à chaque instant pleinement maîtresse de ses moyens,
d’ailleurs fort remarquables, et soucieuse de rendre justice à l’esprit de la musique de Fauré. Le volume consacré aux œuvres pour violoncelle et piano, qui donne à entendre la presque totalité
de ce qu’à écrit le compositeur pour cette formation (il manque la Sicilienne op. 78 et un Morceau de lecture à deux violoncelles de 1897, enregistrés dans tous deux dans
la très belle intégrale réalisée par Xavier Gagnepain et Jean-Michel Dayez pour Zig-Zag Territoires en 2007), laisse néanmoins un léger sentiment
d’inachevé. 
Je vous recommande donc en priorité le deuxième volume de ce début d’intégrale de la musique de chambre avec piano de Fauré, tout en vous conseillant également de vous faire votre propre opinion sur celui consacré aux œuvres pour violoncelle et piano en allant l’écouter, car il en vaut la peine, malgré les quelques réserves que j’ai pu émettre. Les prémices de cette entreprise, que l’on remercie Alpha et le Palazzetto Bru Zane d’avoir décidé d’entreprendre, laissent bien augurer de sa suite et l’on attend maintenant avec impatience les Quintettes avec piano réunissant Éric Le Sage et le Quatuor Ébène annoncés chez le même éditeur à la fin du mois de septembre 2012.
Gabriel Fauré (1845-1924), Intégrale de la musique de chambre avec piano

Éric Le Sage, piano
François Salque, violoncelle
Paul Meyer, clarinette
1 CD [durée totale : 74’02”] Alpha 600. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.

Éric Le Sage, piano
Daishin Kashimoto, violon
Lise Berthaud, alto
François Salque, violoncelle
1 CD [durée totale : 64’08”] Alpha 601. Ce disque peut être acheté en suivant ce lien.
Extraits proposés :
1. Quatuor avec piano n°1 :
[I] Allegro molto moderato
2. Sonate pour violoncelle et piano n°2 :
[II.] Andante
3. Trio pour piano, clarinette et violoncelle op. 120 :
[III.] Allegro vivo
Un extrait de chaque plage de ces deux disques peut être écouté ci-dessous grâce à Qobuz.com :
Volume 1
Gabriel Fauré : Œuvres pour violoncelle & piano - Trio | Gabriel Fauré par Eric Le SageVolume 2
