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[Critique] TOTAL RECALL

Par Onrembobine @OnRembobinefr

Titre original : Total Recall

Note:

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Origine : États-Unis
Réalisateur : Paul Verhoeven
Distribution : Arnold Schwarzenegger, Michael Ironside, Sharon Stone, Rachel Ticotin, Ronny Cox, Marshall Bell, Mel Johnson Jr., Michael Champion, Roy Brocksmith, Ray Baker, Robert Costanzo, Rosemary Dunsmore, Dean Norris, Debbie Lee Carrington…
Genre : Science-Fiction/Action/Fantastique/Thriller/Adaptation
Date de sortie : 17 octobre 1990

Le Pitch :
2048 : Doug Quaid, un employé du bâtiment, rêve chaque nuit qu’il est sur la planète Mars. Sa femme, la belle et voluptueuse Lori tente de détourner son attention, mais rien n’y fait, Doug décide de pousser les portes de Rekall, une entreprise spécialisée dans l’implantation de souvenirs factices. Son but : chercher à comprendre le sens de ses mystérieux rêves. Dès lors, la machine s’emballe…

La Critique :
David Cronenberg était sur le coup, mais c’est Paul Verhoeven qui remporta le droit d’adapter la nouvelle Souvenirs à vendre (We can remember it for you wholesale) de Philip K. Dick.
Avec Total Recall, Verhoeven continue une carrière américaine entamée avec La Chair et le Sang, cinq ans auparavant. La Chair et le Sang donc, puis Robocop, soit deux films emblématiques, extrêmement violents, sauvages et hermétiques à de quelconques compromis. Verhoeven sait ce qu’il veut. Après tout, lorsqu’il prend possession, avec son cinéma racé, du Nouveau Monde, le cinéaste néerlandais n’est pas un débutant. Fort de six films (Turkish Délices, Spetters, Le Quatrième Homme…), Paul Verhoeven a faim et compte bien faire plier l’establishment hollywoodien. Et on peut avancer sans crainte, que pour le coup, il a réussi à marquer l’industrie au fer rouge.

Porté par la plume de Dan O’Bannon (accompagné de Ronald Shusett qui a écrit Nico et de Gary Goldman qui a fait ses armes sur Jack Burton de Carpenter), l’un des grands scénaristes de la science-fiction américaine (il a bossé sur Alien, Métal Hurlant ou Planète Hurlante), Total Recall est aussi un formidable véhicule pour Arnold Schwarzenegger. Arnold qui, en 1990, est en pleine bourre. Il vient de faire sa véritable première incursion dans la comédie avec Jumeaux, qui explose le box-office, est en pleine possession de ses moyens et peut tout se permettre. Automatiquement, Schwarzie est sur les lèvres de tous les producteurs, qui pensent à lui quand il s’agit de donner de la substance à un héros burné, bourrin, malin et sarcastique. Parfait pour incarner Doug Hauser, le protagoniste principal du script fantastico-schizophrénique de Total Recall porté sur le close-combat et les échanges musclés, Arnold trouve ici l’un de ses meilleurs rôles. Sa collaboration avec Verhoeven fera date et s’inscrira dans le carré d’or des ses plus belles rencontres artistiques.

Quant à la nouvelle de Philip K. Dick, elle est malmenée. Pour le bien commun bien sûr. Le film ne colle à cette dernière que lors de son premier tiers. Alors que le héros du bouquin ne quitte pas la Terre, Doug Hauser, celui du long-métrage « se casse » sur Mars rapidement, histoire d’en découdre avec la simili-dictature qui fait régner sa loi sur les autochtones. Place est faite à l’action qui se taille la part du lion dans ce film qui, à l’époque, s’apparente à une petite révolution en soi. Rendez-vous compte : nous avons ici affaire à un long-métrage portée par l’une des plus grandes stars d’action des années 80/90. Total Recall fait parler la poudre, réserve des répliques savoureuses et un humour tout aussi jubilatoire. Le tout plongé dans une ambiance science-fiction des plus immersives.
Logique quand on revient rapidement sur les curriculums des scénaristes. Des mecs qui ont collaborés à des films comme Nico (avec Steven Seagal), Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin et Alien. Logique oui, car Total Recall rassemble la sauvagerie du corps à corps du premier, l’humour pince sans rire et le goût de l’aventure bariolée du second, et le soucis du détail et la richesse de l’environnement du dernier.
Probablement conscient du potentiel de son script et de celui de sa star, Paul Verhoeven s’éclate comme un gosse. Son film est à son image. Sous ses apparences de blockbuster entièrement dédié à son acteur principal, Total Recall est une œuvre complexe, viscérale et torturée. Aussi intelligent qu’efficace, le long-métrage enfile avec un aplomb impressionnant les scènes cultes, de l’apparition de Kuato à la séquence du « divorce ». Visuellement, le film est une claque, même si aujourd’hui certains effets ont bien entendu pris un coup de vieux. Les affrontements saignent et les bons mots fusent. En s’affranchissant des limites imposées par les genres qu’il aborde, Verhoeven modèle une science-fiction originale qui fourmille de détails et qui multiplie les pistes de narration. Total Recall, c’est du caviar. Impossible d’imaginer une meilleure incarnation de l’œuvre de Dick pour tout bon fan du cinéma de genre des années 80/90 qui se respecte. Ici, c’est le spectateur qui prime. Verhoeven pense d’abord à son public et non à l’approbation des producteurs. En bon salle gosse qui se respecte, il assène un nouveau doigt d’honneur à la bien-séance et signe un film qui ne pourrait probablement jamais voir le jour aujourd’hui dans les mêmes conditions, en bénéficiant du même budget. En cela, il est symptomatique de l’état d’esprit d’une école qui a bien du mal à faire son trou de nos nos jours, en dehors des circuits limités réservés à un certains cinéma d’initié.

Rêve ou réalité ? Total Recall ne s’avance pas et sème le trouble. À chacun de tirer ses conclusions. Mais peu importe. L’ambiguïté du script peut tout à fait être envisagée comme un bonus. Le petit truc en plus. La cerise sur le gâteau. 22 ans après, l’énigme perdure et alimente les discussions à chaque fois que le film est rediffusé.
Il convient également de saluer les acteurs, impeccables. Schwarzenegger bien sûr, parfait d’ambiguïté rentre-dedans, mais aussi Michael Ironside, l’un des plus superbes salauds du cinéma américain, Rachel Ticotin, l’amazone badass, et Sharon Stone, symbole naissant à la sensualité évidente, qui d’un regard, jette le doute sur l’identité du héros, mais en aucun sur un pouvoir de séduction déjà irrésistible.
Le bon sens aurait voulu que jamais un remake (ou une relecture peu importe) de ce chef-d’œuvre ne soit mise en chantier. Mais le bon sens se fait rare à Hollywood ces derniers temps. Et en attendant, Paul Verhoeven est introuvable depuis 2006 et son Black Book.

@ Gilles Rolland

[Critique] TOTAL RECALL

Crédits photos : Carolco


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