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Al Crane - Intégrale (Gérard Lauzier et Alexis) – Fluide Glacial

Par Bande Dessinée Info

Heureuse initiative de Fluide Glacial que la réédition de l’intégrale d’ « Al Crane ». « Al Crane » est l’un des ces anti-héros qui firent les belles heures des années 70, ces années post soixante huitardes qui virent émerger une véritable révolution dans tous les domaines artistiques (cinéma, musique), malgré la chape de plomb culturelle imposée par les autorités pompidoliennes puis giscardiennes. Avec le recul, et malgré une censure, héritée du gaullisme, encore très active et efficace dans son domaine, on s’étonne toujours que des œuvres telles que « Al Crane » aient pu voir le jour.

« Al Crane » est né de l’imagination fertile et débridée du scénariste Gérard Lauzier (1932-2008) et du dessinateur Alexis (1946-1977). Gérard Lauzier était un touche à tout, qui officiera certes dans la BD ( « Lili Fatale », « Tranches de vie », « La course du rat », « La tête dans le sac »), mais aussi au théâtre (« Le garçon d’appartement », « L’amuse-gueule ») et au cinéma (« Je vais craquer », « T’empêches tout le monde de dormir », ou ses adaptations pour le grand écran de « Tranches de vie » ou « La tête dans le sac »). Quant à Alexis il se fait d’abord connaître pour ses dessins humoristiques dans la revue de charme « Lui » (Lauzier aussi travailla pour ce magazine), avant de rejoindre l’équipe de Pilote en 1968. C’est dans Pilote qu’il fait paraître, avec Lauzier, en 1976 et 1977, la douzaine d’épisodes de la série « Al Crane ». Entre temps, en 1974, Alexis s’associe à Gotlib avec qui il crée « Cinémastock », parodies de quelques grandes œuvres cinématographiques. En 1975 Gotlib fonde Fluide Glacial, et, tout naturellement, Alexis en devient l’un des piliers (aujourd’hui il est toujours cité dans l’ours du magazine comme « directeur de conscience »). C’est dans Fluide Glacial que, à partir de janvier 1977, il reprend le personnage de « Superdupont » créé par Gotlib et Jacques Lob dans Pilote. Malheureusement, le 7 septembre 1977, Alexis est victime d’une rupture d’anévrisme, à quelques jours de son trente et unième anniversaire.

De prime abord, si vous vous contentez de feuilleter cet album, vous n’y verrez qu’une série western, certes nettement inspirée des westerns spaghettis qui, dix ans auparavant, avaient révolutionné le genre, dans la foulée de Sergio Leone. Le dessin d’Alexis est d’un réalisme étonnant, depuis les décors désertiques jusqu’aux personnages, en passant par les villes ou même les poils de barbe non rasées depuis une semaine. On s’y croirait. Les expressions des visages, les grandes chevauchées, les scènes de combat, voire les scènes d’amour, on se croirait réellement dans un film. Et Al Crane pourrait aisément passer pour un cousin éloigné de l’Homme sans nom incarné par Clint Eastwood, ou pour Blueberry dessiné par Jean Giraud.

Seulement voilà, avec des parents comme Lauzier et Alexis, Al Crane ne peut évidemment pas être un cow-boy comme les autres. En fait Al Crane n’a rien d’un héros, il est lâche, raciste, sexiste, et se range toujours du côté du plus fort. Au hasard des histoires il laisse pendre le noir innocent pour sauver le blanc coupable, il laisse sa femme se faire violer par des bandits de grand chemin au prétexte que tout l’indiffère, il prend parti pour l’affairiste véreux aux dépens de la veuve et de l’orphelin, il massacre de l’indien comme on écrase une colonie de cafards, il est incapable de défendre les passagers de la diligence ou du train dans lesquels il a pris place préférant sauver sa propre peau, chasseur de prime il est prêt à toutes les bassesses pour ramener son prisonnier même s’il ne doit en rester que la tête. Pour Al Crane les noirs, les indiens et les mexicains ont moins de valeur qu’une tête de bétail, et les femmes ne sont que des danseuses de saloon à peine douées de raison.

Inutile de dire que l’humour de Lauzier et Alexis est tout sauf politiquement correct. Et c’est justement cette association entre le dessin hyper-réaliste d’Alexis et le scénario, parodique et à contre-courant, de Lauzier qui fait tout le sel de cette BD. « Al Crane » est au western ce que Superdupont est au super-héros, son tout et son contraire.

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