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Gringos Locos

Par Icecool

- DOSSIER PEDAGOGIQUE -

Gringos Locos 

Schwartz & Yann

Dupuis, 2012

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   Dossier à télécharger ou lire en ligne :

45. Gringos Locos : analyse de la couverture

L'intrigue en résumé 

Inquiet de l'avancée du communisme en Europe, le dessinateur de bande dessinée Jijé (pseudonyme de Joseph Gillain) décide de quitter le vieux continent avec sa famille. Ses deux amis dessinateurs Franquin et Morris ayant décidé de le suivre, tout ce petit monde débarque à New York en 1948. Ayant acquis une veille Ford Hudson, ils sillonnent les Etats-Unis de la côte est à la côte ouest, dans l'espoir de se faire engager par les studios Disney. Peine perdue, en cette période où Disney licenciait plus qu'il n'embauchait. Voyant son visa touristique expirer, Gillain décida de s'installer quelques mois au Mexique avec sa famille, bientôt rejoint par ses deux compagnons.

 

Questionnaire pour les élèves

La couverture d’une B.D. comporte deux messages : l’un écrit, l’autre dessiné.

On pourra observer avec les élèves le schéma de progression suivant, en leur ayant soumis ou non le résumé de cet album :

A.   Etude des textes et paratextes

1.   Relevez le titre et sa typographie.

Que nous apprend-il sur le genre du récit ?

Quelles hypothèses de lecture peut-on en tirer ?

2.   Quels renseignements supplémentaires, notamment géographiques, nous donnent les mots du titre ainsi que le décor principal ?

3.   Relevez le(s) nom(s) du ou des auteur(s).

Leur rôle respectif est-il renseigné (vérifier en page de titre si ce n’est pas le cas) ?

Les noms de l’éditeur ou de la collection apparaissent-ils ?

B.   Etude des images et dessins

4.   Décrire l’illustration principale, sans commenter ni juger :

-   Plan employé (vue d’ensemble, plan moyen ou gros plan) ?

-   Cadrage (visée frontale, plongée ou contreplongée, oblique) ?

-   Profondeur de champ (1er plan, 2nd plan, arrière plan) ?

-   Présence d’un hors champ ou d’une vue subjective ?

-   Couleurs dominantes ?

-   Présence ou non de personnages identifiables ?

-   Lieux, époque et actions ?

5.   D’après l’ensemble des éléments dessinés listés (1ère et 4èmes de couvertures), quelles hypothèses de lecture peut-on désormais formuler ?

6.   Quelles informations trouve-t-on éventuellement à la fois dans le titre de l’album et dans l’illustration principale ?

Quelles informations supplémentaires donne l’image ?

7.   Que suggèrent les couleurs employées ?

8.   Cette couverture vous donne-t-elle envie de lire la B.D. ? Pourquoi ?

En quoi peut-on dire que la couverture est la « vitrine » d’une B.D. ?

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Couverture finalisée et dessin original pour l'édition tirage de tête en grand format (2012).

Lecture et analyse de la couverture 

 

« C’était une telle odyssée qu’on vous la racontera un jour » disait souvent Franquin lorsque venait sur le tapis ces quelques mois passés aux Etats-Unis puis au Mexique de 1948 à 1950, aux côtés de deux autres futurs monuments de la bande dessinée franco-belge. Grâce à Yann et Schwartz, c’est aujourd’hui chose faite. Portée par le dessin vintage de Schwartz, Gringos Locos est une déclaration d’amour à l’âge d’or de la BD franco-belge.

Personnages et situations burlesques, humour parfois très satirique et tonalité picaresque confirmée : tout dans cet album n’est pourtant qu’hommage à leurs illustres ainés de la part de Yann et Schwartz, le premier s’étant déjà fait un nom dans le Journal de Spirou depuis les années 1970 ; les deux hommes avaient aussi imaginé un album hors-série et atypique de la saga Spirou et Fantasio, Le Groom vert-de-gris, paru en 2009.

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  Recherche d'ambiance par Olivier Schwartz.

Initialement prévu pour une parution en janvier 2012, Gringos Locos (tome 1) revêt un ton trop iconoclaste, qui frappe Isabelle Franquin, fille d’André Franquin (1924-1997), ainsi que les enfants de Joseph Gillain (1914-1980), lorsqu’ils découvrent enfin l’album prépublié dans divers magazines dont le quotidien belge Le Soir. C’est qu’on ne peut se moquer impunément du voyage mythique et initiatique de ceux qui deviendront, tels Hergé (Tintin) ou Jacobs (Blake et Mortimer), des monstres sacrés du 9ème art : Joseph Gillain demeure notamment le créateur de Jerry Spring, tandis que Maurice de Bévère dit Morris (1923-2001) avec Lucky Luke et André Franquin, repreneur légendaire de Spirou et créateur du Marsupilami et de Gaston Lagaffe, doivent tout de leurs apprentissages graphiques à Jijé !

En janvier 2012, l’album est donc tiré à 45 000 exemplaires en vue du Festival d’Angoulême, mais se retrouve bloqué lorsque les ayant-droits se braquent. Finalement, un accord entre l’éditeur et les héritiers décidera d’un « droit de réponse », diffusé avec l’album début mai 2012.

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Recherches conceptuelles (décors et personnages) par Olivier Schwartz.

Aux vues des nombreuses références sous-jacentes du récit, rapporté par Yann et Schwartz entre mythe et fiction, fable et documentaire, on comprendra qu’il y ait beaucoup à dire sur la 1ère de couverture de Gringos Locos. Ce titre signifie en espagnol « Ces fous d'étrangers », ces termes rejoignant donc assez bien l’esprit apposé à cette épopée téméraire de nos trois auteurs. De fait, à voir notre trio aimablement installé à croquer d’après nature un colibri, insouciant tout à la fois des dangers alentours, d’une famille harassée et d’un véhicule en surchauffe, on pourrait se demander si la folie ne les guette pas déjà... Dans ce visuel dont le nonsense et le burlesque renvoient au cinéma d’animation américain (celui popularisé par Tex Avery depuis les années 1940), on « lira » cependant assez aisément les marqueurs de l’aventure déroulée selon la mythologie propre aux Etats-Unis : la route et le véhicule pour le road-movie, le décor Western du Nouveau-Mexique (cactus, mesas érodés et désert au sol craquelé) ainsi qu’une faune hostile pouvant personnifier les pièges ou les déceptions attendant nos candides européens...

On ne s’interrogera guère en revanche sur la répétition du motif du trois/triple dans ce visuel puisque nos trois « gringos », stationnés dans un paysage tripartite (entre ciel, route et désert), et menacés par les trois ennemis naturels déjà cités (vautours/mygale/serpent à sonnette ; les 3 rapaces épiant leurs trois proies depuis un cactus à trois candélabres...) déstabilisent en quelque sorte immédiatement les attentes du lecteur, issues d’un titre constitué uniquement... de deux mots. Jijé, Franquin et Morris, loin d’être aveuglés par leur rêve américain, semblent déjà se fixer pour règle de n’être attentif qu’à la beauté fragile de l’instant, et donc à rechercher un équilibre entre humanité et nature qui proviendra de la pratique intensive du dessin. Rappelons avec intérêt que dans la mythologie amérindienne le colibri représente précisément la beauté et l’esthétique, ainsi qu’une certaine joie de vivre communicative.

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  Recherche pour le visuel de couverture.

La 1ère de couverture de Gringos Locos, in fine, reprend certainement à son compte la morale bien connue du film L'homme qui tua Liberty Valance (John Ford, 1962) : « Quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende. » Combien de visuels de couvertures de bande dessinée où les « auteurs » sont directement représentés ? Très peu voire aucun bien sur, ceci au profit de héros fictionnels ou de personnages historiques plus traditionnels. Ici, il faudra donc lire l’illustration autant comme un renvoi au domaine de la bande dessinée franco-belge toute entière (incarnée de manière religieuse par une sainte trinité d’auteurs ; voir aussi la croix portée par Jijé sur un dessin préparatoire) que telle une citation de la matière produite précisément par ces illustrateurs.

Ne citons ici qu’un seul exemple : la couverture de L’Artiste-peintre, cent-huitième histoire de la série Lucky Luke, signée de De Groot et Morris et parue en 2001, la même année que la disparition de ce dernier. Dans ce visuel, qui pourra rappeler en partie Gringos locos, c’est là encore l’animal qui pose sous l’œil du héros, l’un et l’autre étant en parfaite harmonie... Il n’y a là rien de « fou », mais juste la symbiose entre la manière de percevoir et la façon de représenter, soit la « leçon » perpétuellement donnée et transmise par les grands artistes, et particulièrement ceux ayant façonné au sortir de la Guerre la Bande Dessinée d’expression européenne.

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Ex-libris réalisé par les éditions Atlas pour L'Artiste peintre (De Groot et Morris, éd. Lucky Comics 2001).

Pistes supplémentaires 

http://www.dupuis.com/catalogue/FR/s/4740/gringos_locos.html

Page consacrée à l’album sur le site des éditions Dupuis.

http://www.izneo.com/gringos-locos-gringos-locos-tome1-A5153000

http://www.bdgest.com/preview-1010-BD-gringos-locos-gringos-locos.html

previews « complémentaires » de l’album (couverture + pages intérieures) sur les sites Iznéo (planches 1 à 5) et BDGest (planches 4 à 13).

http://bdzoom.com/49779/bd-de-la-semaine/%C2%AB-gringos-locos-%C2%BB/

Retour documentaire sur la véritable aventure effectuée par Jijé, Morris et Franquin aux USA.

http://www.bodoi.info/magazine/2012-05-14/yann-et-schwartz-avec-gringos-locos-nous-voulons-remettre-jije-sur-le-devant-de-la-scene/58148

http://www.youtube.com/watch?v=F6_f_JUeUV8

http://www.dailymotion.com/video/xr5gay_olivier-schwartz-en-interview-sur-planetebd-com_creation

Diverses interviews des auteurs, liées à la parution de l’ouvrage.

http://www.actuabd.com/Gringos-Locos-Les-heritiers

http://www.actuabd.com/Gringos-Locos-enfin-en-librairie

Différents liens évoquant la « censure » de l’album entre janvier et mai 2012.

Ex libris bdfugue

Ex-libris pour la libraiei BD fugue (2012).

Dossier réalisé par Ph. Tomblaine.

Images toutes ©Dupuis - Yann et Schwartz - 2012.


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