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Mythe économique : l'effet délétère de l'abandon du Glass Steagall Act

Publié le 06 août 2012 par Copeau @Contrepoints

Aujourd'hui, abordons un nouveau grand mythe économique : "L’abandon du Glass-Steagall Act, qui force les banques à séparer leurs activités bancaires commerciales et d’investissement, est une cause sous-jacente de la crise financière de 2008. Un système financier plus règlementé permettrait d’éviter les crises financières."

Par Le Minarchiste, depuis Montréal, Québec

Les banques d’investissement assistent les entreprises et les États pour la souscription, le marketing, et de conseil sur la dette et les capitaux. Elles réalisent souvent des opérations importantes de négociation, achetant et vendant des titres financiers à la fois au nom de leurs clients et pour leur propre compte. Les banques commerciales acceptent les dépôts assurés et accordent des prêts aux ménages et aux entreprises. L’abandon de Glass-Steagall a permis aux banques de jumeler ces deux activités. Pour certains, cela leur a permis de prendre plus de risques et a affaibli le système financier en engendrant du risque systémique.

Pourtant, même avant l’adoption de cette loi, les banques d’investissement étaient déjà autorisées à commercer et à détenir les actifs financiers au centre de la crise financière tels que les titres basés sur des prêts hypothécaires, les Credit Default Swaps (CDS) et les Collateral Debt Obligations (CDO).

Par ailleurs, très peu de sociétés financières ont décidé de combiner les activités d’investissement et les activités de banque commerciale. Les deux banques d’investissement dont la déroute symbolise la crise financière, Bear Stearns et Lehman Brothers, n’étaient affiliées à aucune institution de dépôt. Au contraire, si Bear Stearns ou Lehman Brothers avait eu une source importante de dépôts assurés, elles auraient probablement survécu à leurs problèmes de liquidité de court terme. En outre, les grandes banques qui combinent des activités d’investissement et des activités commerciales ont traversé la crise en meilleure santé que les autres (e.g. JP Morgan).

La loi Gramm-Leach-Bliley en elle-même n’a eu que peu d’impact sur les activités de trading des banques d’investissement. Les activités hors-bilan de Bear Stearns et Lehman étaient autorisées avant l’adoption de la loi. Autrement dit, Glass-Steagall n’aurait rien changé !

En s’acharnant sur Glass-Steagal, certains observateurs entretiennent le mythe selon lequel la réglementation peut stabiliser le système bancaire. La première chose à noter est que la réglementation a plutôt contribué à causer la dernière crise financière. Il faut considérer, entre autres, les règlementations et politiques gouvernementales visant à favoriser l’accès à la propriété, le support implicite (maintenant explicite) de Freddie Mac et Fannie Mae et l’oligopole des agences de notation engendré par la réglementation de la SEC.

Puis, il ne faut surtout pas oublier le risque moral engendré par les interventions précédentes. Au cours des 25 dernières années, il y a eu – entre autres – le bailout de Continental Illinois, le Resolution Trust de la crise des S&L et le sauvetage de Long-Term Capital Management (LTCM). Ces interventions étatiques ont eu comme effet de créer un risque moral important sur les marchés financiers. Elles ont donné l’impression aux acteurs des marchés financiers que, quoi qu’il arrive, l’État et la Federal Reserve seront là pour sauver les banques. Le résultat inévitable de cela a été la prise de risques démesurés et l’utilisation excessive du levier financier. Une véritable réforme du système financier ferait donc en sorte d’énoncer clairement que dorénavant, le gouvernement n’interviendrait plus pour sauver qui que ce soit avec l’argent des contribuables. De plus, il faudrait réduire les pouvoirs de la Federal Reserve, de façon à lui empêcher d’exercer le fameux « Greenspan put ». Lorsqu’on parle de « Greenspan put », cela signifie qu’en cas de débâcle boursière ou financière, les investisseurs s’attendent à ce que la banque centrale intervienne. À cet égard, on peut citer le crash de 1987, la première guerre du Golfe, la crise mexicaine, la crise asiatique, la crise de LTCM, le crash techno de 2001, les attaques du 11 septembre 2001 et la crise financière de 2007/2008. Cette attente conditionne un comportement irresponsable de la part des banques et des autres acteurs des marchés financiers, qui savent qu’en cas de crise, ils seront sauvés et que la liquidité sera maintenue. Ce comportement irresponsable amplifie aussi les crises financières.

Finalement, ce faux sentiment de sécurité sera accentué par la nouvelle réglementation (Bâle 3 et Dodd-Franck), dont l’un des principaux fers de lance concerne le capital des banques. L’augmentation de la qualité et de la quantité de capital des banques permettra certainement de réduire quelque peu leur vulnérabilité aux récessions ; et l’introduction d’un ratio de liquidité minimal permettra de réduire un peu la probabilité d’une crise financière. Ceci étant dit, cette nouvelle règlementation ne permettra pas de colmater les failles fondamentales du système bancaire mondial. La réalité est que dans un système à réserves fractionnaires soutenu par une banque centrale, les banques vont éventuellement gonfler une autre bulle de crédit durant laquelle de mauvais investissements seront effectués. L’éclatement de cette bulle mènera à une autre récession, laquelle engendrera encore l’érosion du capital des banques et les ramènera possiblement dans une situation précaire. Est-ce qu’un ratio TCE de 7.0%, augmenté de CoCo bonds sera suffisant ? Non ! C’est un peu comme construire un muret avec des sacs de sable avant l’ouragan Katrina : on se croise les doigts pour que les vagues ne dépassent pas le muret ! Mais en bout de ligne, sans l’intervention miraculeuse de la « main de Dieu », il est fort probable que le muret sera anéanti avec tout ce qui se trouve derrière.

D’ailleurs, le focus sur le capital est selon moi une grave erreur. Ce sont les réserves et la liquidité qui sont derrière la crise, et non le capital ! Évidemment, l’ingérence des gouvernements sur le marché immobilier et la politique monétaire inadéquate ont directement contribué à la formation de la bulle et ont donc fortement contribué à la crise financière, mais à la base, la formation des bulles et leur éclatement inévitable menant aux récessions est directement lié à l’insoutenabilité du système bancaire inflationniste en place. Cette nouvelle règlementation n’est donc que de la poudre aux yeux. On ajoute quelques coussins gonflables et on répare les pièces qui ont failli lors de la dernière crise, mais la voiture continue de rouler à tombeau ouvert et le conducteur ignore totalement quelles seront les pièces qui lâcheront lors de la prochaine crise. À défaut d’instaurer un système bancaire sain, avec un niveau de réserves couvrant entièrement les dépôts à vue et sans banque centrale, cette nouvelle règlementation ne permettra pas d’éviter la prochaine crise et d’éliminer la contribution du système bancaire à la formation de violents cycles économiques. Et en prime, ces règlementations ajouteront énormément aux coûts d’opérations des banques, lesquels seront refilés aux consommateurs. Nous l’avons d’ailleurs déjà observé : suite à l’adoption de l’amendement Durbin aux États-Unis, les banques ont toutes augmenté leurs frais de service pour compenser la baisse de revenus.

Donc au final, la règlementation étatique du système financier génère du risque moral, des coûts exorbitants, cause d’importantes distorsions dans l’économie, rend le système financier vulnérable vu le faux sentiment de sécurité qu’elle procure, mais ne réussit pas à réellement prévenir les crises financières, qui elles résultent inévitablement d’un système bancaire à réserves fractionnaires couplé à l’existence d’une banque centrale qui gère la masse monétaire à sa guise (i.e. de manière inflationniste).

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