Sommes-nous équipés pour affronter le malheur ? Face à l’adversité, quand nos sentiments et notre mémoire sont blessés à vif, les moyens matériels sont de peu. Il y a de ces coups du sort qui laissent hébété et comme sans ressource l’homme le mieux loti. Serions-nous fondamentalement démunis contre le malheur ?
En un sens la sagesse est affaire de ressouvenir. Il s’agit de se rendre attentif à ce que chacun sait déjà. Ainsi pour comprendre de quelles forces nous disposons contre les événements contraires, il suffit de se rappeler combien nous pouvons être entêtés, même sans raison.
Voyez l’enfant, comme il dit non énergiquement à ce qu’on veut lui imposer. Souvent déraisonnable, sa résistance est d’une telle vigueur qu’elle laisse ses parents impuissants. Ce genre de caprice, même s’il s’épuise vite, semble sur le moment insurmontable. C’est qu’il révèle l’étonnant pouvoir de la volonté, si visible dans le refus.
C’est ainsi que Marc Aurèle fait paraître cette ressource intérieure, par laquelle chacun peut s’opposer au désespoir. Qu’au lieu d’être irrationnelle, la volonté s’appuie sur un jugement éclairé ; que non seulement je résiste, mais que je sois assuré de le faire à bon droit : me voilà invincible même à la persuasion.
Par ce refus de céder à ce qui nous déplaît, par ce jugement qui déclare par exemple la tristesse sans noblesse, la pensée se retrouve et s’assure. Rappelons-nous ce refuge intérieur, accessible dès que nous en formons l’idée.