Le 20 août 2012
Courriel :
Objet : « Voltaire, un bel exemple d’uchronie ! »
Monsieur Roger-Pol Droit
Chroniqueur philosophique
Le Monde
80, bd Auguste Blanqui
75707 Paris Cedex 13
Fax : 01 57 28 21 21
[A l'attention de Pierre Bergé, Xavier Niel et Matthieu Pigasse, repreneurs du quotidien Le Monde, ainsi qu'à celle de la Direction générale et du Comité de rédaction]
« Qui ne gueule pas la vérité dans un langage brutal quand il sait la vérité se fait le complice des menteurs et des faussaires. » [Charles Péguy, Tempête sur l’Église de Robert Senon]
« Le cri de joie spinoziste est un cri de guerre contre les superstitions. » [Balthasar Thomass, Spinoza, le maître de liberté]
« Le courage, c'est de chercher la vérité et de la dire; c'est de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho de notre âme, de notre bouche et de nos mains, aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques. » [Jean Jaurès, Discours à la jeunesse, 1903]
Monsieur,
Avant de commenter point par point votre article publié par l’hebdomadaire Le Point dans son numéro 2081 du 2 courant, sous l’intitulé, La face cachée de Voltaire, je me dois de vous faire part de l’abondante correspondance adressée en vain au quotidien Le Monde entre le 24 février 1997 et le 3 juin dernier, notamment à Jean-Marie Colombani, Edwy Plenel et Ignacio Ramonet, en leur temps, ainsi qu’aux repreneurs du Monde, aujourd’hui.
Pour information, je vous précise que ce courrier avait constamment pour but essentiel de dénoncer les mensongeset les « croyances au miracle » de notre monde humain, sans cesse colportés au fil des siècles et des millénaires sur fondement de penser superstitieux, y compris par les faiseurs d’opinion d’aujourd’hui, tous milieux confondus, à savoir médias de toutes tendances, politiciens de tous bords, intelligentsia (prétendus intellectuels ou pseudo-philosophes) et associations "droits-de-l'hommiste", moralisatrices à sens unique.
Ceci était déjà amplement développé dans mes lettres des 15 janvier et 30 avril 2012, qui avaient respectivement pour objet, Le Monde, J'ACCUSE (énième !) :«François Hollande, un président "normal" ? !», et, Le Monde, J'ACCUSE (énième+1!), « Complicité de lâcheté, malhonnêteté et débilité intellectuelles avec un éventuel président normal ! », sans oublier celle du 3 juin vous informant de ma lettre au Parti socialiste sous l’intitulé, P S, J’ACCUSE : « Après la présidentielle, les "mensonges" continuent ! »
Néanmoins, ces lettres attendent toujours une éventuelle réponse contraire du Monde, intellectuellement et philosophiquement argumentée, mais à défaut jusqu’ici, une telle obstination dans le silence et le refus de débattre, déjà confirmée par la capitulation honteuse de votre quotidien, en forme de fin de non-recevoir du 26 janvier 2004, m’autorise à dénoncer, une fois de plus, la lâcheté et la malhonnêteté intellectuelles du Monde, telles qu’exprimées par les propos suivants de ma toute dernière lettre, dans laquelle j’avais écrit sans ambiguïté :
« Sans attendre un éventuel sursaut intellectuellement courageux de votre part, dont vous semblez bien à jamais incapable face à LA Vérité, je vous remercie de votre attention et vous prie d’agréer, Mesdames, Messieurs, mes salutations philosophiques, laïques et républicaines, sauf à vous-mêmes ou à quiconque, évidemment, de démontrer le contraire. »
Pour mémoire, je me dois de préciser également que le penser superstitieux humain consiste à « absolutiser le relatif », autrement dit à faire passer fictivement, donc mensongèrement, pour LA VÉRITÉ, ou réalité éternelle absolue, le contenu seulement relatif pensé par notre entendement pratique humain dans et sur (à propos de) notre monde.
Ce faux-penser, ou penser du relatif, se manifeste dans la religion, toutes les religions sans exception (monothéistes ou non), dans la métaphysique, tant matérialiste qu’idéaliste, dans l‘idéologie, toutes idéologies confondues (altermondialisme inclus), et dans le moralisme [Morale et condamnations moralisatrices des Autres, au nom de LA Morale : LAQUELLE ? !], tous catéchismes réunis, y compris le catéchisme soi-disant universel contemporain, ou Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, dont seule l’inobservation est réellement universelle – sauf à vous-même ou à quiconque, évidemment, de démontrer le contraire, à l’aune du devenir du monde depuis sa promulgation par seulement une poignée d’États de la planète !
J’en viens à votre article publié dans Le Point pour dénoncer une autre forme de faux-penser, à savoir l’uchronie sur laquelle il se fonde. Ce procédé intellectuellement et philosophiquement malhonnête consiste en effet à refaire en pensée l’Histoire, telle qu’elle aurait pu être et qu’elle n’a pas été, ce qui autorise les « vertueux » d’aujourd’hui à juger et à condamner moralement le passé avec notre mentalité droit-de-l’hommiste d’aujourd’hui, ainsi qu’il en va de votre condamnation moralisatrice de Voltaire, mais aussi de celles de l’État français et de la France, respectivement par Jacques Chirac et François Hollande.
En réalité, tous les jugements uchroniques sur fondement moralisateur, et donc aussi le vôtre, appellent à la rescousse rien moins que l’Idéal, un Idéal pourtant à jamais inconnaissable "en soi" pour nous les humains. Ceci n'empêche pas pour autant les faiseurs d'opinion d'aujourd'hui de décréter publiquement ce qui est le Bien et le Mal absolus, autrement dit l'Idéal d'un Bien et d'un Mal dont, forcément, ils ne peuvent rien savoir, mais source d'infinies contradictions entre censeurs autoproclamés de tous bords, et de toutes races notamment, prêchant seulement pour leurs intérêts égoïstes bien compris, individuellement ou collectivement.
Néanmoins, pour clouer définitivement le bec à tous ces « vertueux », et sauf à vous-même ou à quiconque,évidemment, de démontrer le contraire, il me suffit de renvoyer tous ces censeurs autoproclamés à ce jugement imparable de Spinoza, en la matière :
« Nous ne désirons pas une chose, parce qu’elle est bonne (absolument bonne ou bonne "en soi"), c’est parce que nous la désirons que nous la jugeons bonne. »
Quant à son succédané, à savoir le catéchisme prétendument universel, ou Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, non seulement il est censé pouvoir transposer l'Idéal dans la réalité quotidienne, mais il est utilisé de surcroît pour juger un passé révolu de plusieurs décennies (cf. seconde guerre mondiale), voire de plusieurs siècles, comme il en va de Voltaire, de la colonisation et de l’esclavage, alors que la Déclaration de 1948 est postérieure aux faits moralement condamnés aujourd’hui en son nom, ce qui établit le fondement uchronique de vos condamnations moralisatrices partisanes.
Á ce sujet, d’ailleurs, je tiens à votre disposition ma lettre du 18 courant à l’attention des caciques du Parti socialiste (Président de la République, Premier ministre, ministres et autres destinataires de mon courrier antérieur sans réponse).
Après ce long préambule indispensable, vous comprendrez d’autant mieux le jugement que je porte sur votre article condamnant moralement Voltaire pour misogynie, homophobie, judéophobie et islamophobie - et ce, dans un tout autre contexte !
A SUIVRE…