Des mots, toujours des mots, encore des mots...
« Nul ne peut écrire s'il n'a le coeur pur »
Ce tout petit livre qui est dans ma bibliothèque depuis 1993, était épuisé depuis longtemps. Les éditions Flammarion ont l’excellente idée de le rééditer, il sortira fin d’août.
1943. Un jeune homme qui a fui la dictature espagnole se sent invité par l’écriture. Cet homme c’est Jorge Semprun « la langue française est devenue ma seconde patrie » dit-il mais il se sent des scrupules et a des doutes sur sa vocation littéraire.
Une aide et des réponses à ses questions, à sa quête, vont venir sous la forme d’une lettre, d’une femme, critique littéraire, Claude-Edmonde Magny.
Que dit-elle dans sa lettre ?
Elle dit la foi qu’elle a en la valeur des livres, une foi « tenace ».
Elle se désole de ces écrivains qui n’ont qu’une hâte c’est en avoir fini avec l’acte d’écrire, de « soupirer vers l’instant où l’on sera , enfin, par delà les mots. »
Elle met en garde contre l’impression de simplicité de l’acte d’écrire, par exemple croire à la lecture de Laura Malte Brigge « que Rilke n’a eu qu’à y verser telles quelles les angoisses qu’il avait éprouvées à se promener dans les rues de Paris »
Elle le met en garde envers toute facilité qui peut venir à celui doté d’un trop grand talent, car écrire nécessite un engagement, écrire c’est « se rattacher en quelque façon que ce soit à ce qu’il y a d’essentiel en vous. »
« La magnificience de Balzac »
Cette lettre ne renferme pas uniquement des conseils.
C’est à une belle balade en littérature que Claude-Edmonde Magny convie le futur écrivain, elle va lui fournir les armes à « une offensive vers la création littéraire » Elle se fait aider par Balzac, Kafka,DH Lawrence, Gide, Cocteau et Proust.
Ses convictions, ses préférences éclatent à chaque page « Ecrire est une action grave, et qui ne laisse pas indemne celui qui la pratique. » Avis aux amateurs !!!
Cette lettre ne parviendra qu’en 1945 à Jorge Semprun lorsque qu’il rentrera de Buchenwald et qu’il ira frapper à la porte de Claude-Edmonde Magny.
Cette lettre le suivra partout, mais, pour survivre alors, il choisira de s’éloigner de l’écriture, pourtant la lettre restera pour lui « le seul lien, indirect, énigmatique, fragile, avec celui que j’aurais pu être : un écrivain »
L’oeuvre que Semprun écrira ensuite fut une belle réponse à Claude-Edmonde Magny.
C’est un texte tout de passion et de sincérité. Un petit livre dont on a aucune envie de se défaire une fois lu. Faites lui une place dans votre bibliothèque.
Le livre : Lettre sur le pouvoir d’écrire - Claude-Edmonde Magny - Editions Climats 1993 ou Flammarion 2012