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François Hollande, déjà impopulaire ?

Publié le 28 août 2012 par Africahit

François Hollande, déjà impopulaire ?Par JONATHAN BOUCHET-PETERSEN

Est-ce vraiment une surprise ? Au sortir de l'été et un peu plus de 100 jours après son élection, la cote de confiance de François Hollande est passée cette semaine sous la barre symbolique des 50%. Onze points de chute en un mois selon Ipsos, cinq pour l’institut CSA, mais une même réalité: le doute des Français alors que l’avenir s’obscurcit, à coup de prévisions de croissance en baisse, de chiffres du chômage en hausse, d’Europe au point mort. «Hollande a gagné contre Sarkozy et non pas pour son programme, rappelle François Delapierre, le bras droit de Mélenchon. Ce contexte lui a pemis de l’emporter avec un programme minimal, mais forcément, très vite, ça déçoit.» Au Front de gauche, on pointe donc d’abord le manque d’adhésion aux propositions présidentielles du candidat Hollande comme explication de cette précoce déception.

Il y a quelques semaines, un sondage de l’Ifop avait sonné comme une première alerte pour l’exécutif. On y apprenait que si les Français faisaient crédit au nouveau chef de l’Etat d’avoir tenu plusieurs de ses promesses de campagne, et qu’ils y adhéraient globalement (à l’exception de la refiscalisation des heures supplémentaires), les premiers pas de François Hollande n'étaient pas jugés au niveau de la crise. Un doute, en somme, sur la capacité du nouveau pouvoir à influer sur le cours des choses.

«Trou d'air d'opinion»

«François Hollande est confronté actuellement à un trou d’air d’opinion et ce n’est pas qu’une question d’impatience des Français», assure François Miquet-Marty, directeur de l’institut Viavoice, qui pointe comme éléments de contexte une très forte inquétude sur le pouvoir d’achat comme sur la crise économique et financière, mais aussi l’aspiration à un nouveau modèle de société. Et dans ce cadre général,«le pouvoir a été moins identifiable cet été», pointe Miquet-Marty. Selon lui, quand les Français voit François Hollande prendre le TGV comme un citoyen lambda, être au Fort de Brégançon en maillot de bain à la plage, «le chef de l’Etat ne donne pas le sentiment de faire le job». Hollande serait donc allé trop loin dans le registre de la normalité, dans ce que Miquet-Marty décrit comme une «transgression de la fonction présidentielle». Car si la normalité du locataire de l’Elysée est plébiscitée par la plupart des Français quand celle-ci se traduit par un exercice plus sobre du pouvoir, elle les inquiète quand ils ont le sentiment que les mesures proposées sont banales dans une époque qui ne l’est pas.

François Miquet-Marty pointe une autre faiblesse. «Il n’y pas de véritable interlocuteur pour l’opinion, souligne-t-il. Dès lors que François Hollande, de façon compréhensible et légitime, décide de ne pas s’impliquer sur tous les sujets, à la différence de Nicolas Sarkozy, on voit parfois Arnaud Montebourg, parfois Najat Vallaud-Belkacem, parfois Manuel Valls et parfois Jean-Marc Ayrault. Au final, cela donne un sentiment de flou qui tranche avec le quinquennat précédent». Pour en finir avec l’hyper-présidence, il faut donc qu’existe un Premier minsitre de plein exercice,  sinon le pouvoir donne le sentiment de flotter.  «Les Français perçoivent un déficit de sens, un flou sur le cap», poursuit le directeur de Viavoice. Alors que l’interview du 14 juillet aurait pu servir à faire de la pédagogie et à tracer une perspective à l’action gouvernementale, l’occasion a été loupée. «Les Français ont envie de savoir où on les emmène, de percevoir ce que la France sera dans cinq ou dix ans, explique Miquet-Marty. Hollande doit réhabiliter le rêve français, donne une perspective générale. C’est à ce prix qu’ils sont prêts à faire des efforts.»

«Doute persistant»

La popularité d'Hollande est-elle normale ? En août 2007, la cote de Nicolas Sarkozy était encore de 55% selon l’institut CSA, en chute de 6 points sur un mois. Et ce n’est que huit mois après son élection qu’elle était passée sous les 50%. L’adhésion au programme du candidat de l’UMP était beaucoup plus forte, ce qui explique en grande partie ce décalage avec la cote de confiance du nouveau chef de l'Etat. Et Sarkozy avait occupé l'espace politico-médiatique avec une session parlementaire extraordinaire très chargée. C'était l’heure de la rupture avec l’immobilisme chiraquien, le temps du sarkozysme triomphant et décomplexé comme on disait à l'époque.

A l'inverse, Hollande a peu promis durant la campagne, et il n’y a pas eu d’hollandisme triomphant. La victoire du candidat socialiste a également été plus courte que prévu et plus étriquée que celle de son prédécesseur en 2007. Dans ce contexte, les risques de décevoir sont moins importants, mais cette absence d’horizon créée de l’inquiétude et altère la confiance des Français. «Hollande n’a pas encore fait de faute majeur, reconnaît Miquet-Marty. Mais il y a un doute persistant sur sa capacité à agir, sur la dimension du leadership, une question qui était déjà présente en filigrane durant la campagne».

Alors que la rentrée s’annonce chargée et que seule la création des emplois d’avenir est immédiatement à l'ordre du jour, le pouvoir donne pour l'instant un sentiment d’impuissance face aux plan sociaux. Et ce n'est pas le budget de rigueur (environ 30 milliards d’euros d'économies prévue) qui va faire naître une éclaircie. D’autant que sur le très sensible terrain des prix des carburants, sur lequel le gouvernement joue sous contrainte, près de deux tiers des Français jugent que les prix ont atteint un niveau «intolérable». Miquet-Marty rappelle à ce propos qu’en 2000, c’est justement sur ce dossier que Jospin avait perdu 20 points de popularité. Et un pouvoir ne gouverne pas pareil quand il est pris dans les turbulences de l’opinion. Surtout en période de crise.



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