De quoi est accusé exactement Céline, si on se base sur D'un Château l'autre? Pourquoi divers groupuscules l'ont-ils condamné à mort, pourquoi passe-t-il des années en prison au Danemark?
D'après lui, les autorités danoises ne lui posent qu'une question. « Reconnaissez-vous avoir vendu à l'Allemagne les plans de la ligne Maginot ? » Cette accusation est si grotesque que le lecteur doit l'acquitter d'emblée.
Il ne parle évidemment presque jamais de ses trois pamphlets antisémites d'une grande violence, qui constituent, selon le vocabulaire d'aujourd'hui, des incitations à la haine raciale. Deux fois seulement il cite Bagatelles pour un massacre, (p. 213 -14 dans La Pléiade). Il ne parle pas non plus de sa fréquentation de l'occupant, de ses propos, de sa collaboration.
Non, il est patriote, français d'abord, aimant le peuple, généreux, le bon docteur des petites gens, il ne fait pas payer ses consultations. C'est une victime.
Mais les autres? Tous des voleurs, profiteurs, ingrats, traîtres. L'homme est mauvais. Voilà le postulat qui fonde aussi les régimes autoritaires: il faut le contraindre, le protéger contre lui-même et contre les plus futés et perfides : les autres, les différents, les étranges, les étrangers.