Une décision du ministre de l’Éducation Nationale a surpris les dirigeants (et encore plus les propriétaires) des établissements d’enseignement privé du royaume.
Le ministre a simplement décidé d’appliquer la loi qui prévoit que :
“Les établissements d’enseignement scolaire privé doivent disposer d’un corps d’au moins 80 % d’enseignants permanents.
Toutefois, ces établissements peuvent, dans des cas exceptionnels qui doivent être motivés, se faire assister de formateurs ou d’enseignants exerçant soit dans des établissements d’enseignement ou de formation scolaire publics, ou privés, après autorisation accordée, à titre individuel, par l’académie concernée pour chaque année scolaire et selon un volume hebdomadaire déterminé.”
Ces dispositions sont assouplies dans leur application dans le temps pour permettre aux établissements privés de se conformer aux prescriptions de la loi dans les conditions suivantes :
“Les établissements d’enseignement scolaire privé autorisés antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la présente loi doivent se conformer à ses dispositions dans un délai n’excédant pas quatre années à compter de la date de publication du décret prévu à l’article 35 ci-dessus. A défaut de cette régularisation dans le délai précité, leur autorisation d’ouverture devient caduque et la poursuite de leur activité sera assimilée à une ouverture d’établissement scolaire privé sans autorisation. Le contrevenant s’expose, dans ce cas, aux sanctions prévues par la présente loi.
Les personnels en activité dans les établissements d’enseignement scolaire privé, antérieurement à la date de publication de la présente loi au “ Bulletin officiel ”, conservent le droit de continuer à exercer leurs fonctions dans lesdits établissements à condition de satisfaire, dans un délai n’excédant pas quatre années à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, aux aptitudes pédagogiques requises et aux conditions prévues aux articles 12 et 14 ci-dessus.”
Cette loi ne date d’hier, ni d’avant-hier : il s’agit de la loi n° 06-00 formant statut de l’enseignement scolaire privé dont le texte en langue arabe a été publiée dans l’édition générale du Bulletin Officiel n° 4798 du 21 Safar 1421 (25 mai 2000).
Ce texte date donc de plus de 12 ans!
Ce texte prévoyait d’une part un régime fiscal incitatif pour les établissements privés “méritants“ (on oublie trop souvent ce qualificatif essentiel pourtant) et d’autre part des sanctions sous forme d’amendes relatives lourdes pour les établissements contrevenants ou récalcitrants.
Alors pourquoi tout ce tollé contre une décision, somme toute légale, logique et attendue?
Dans le domaine de l’enseignement privé, les intérêts en jeu sont énormes et les enjeux tout aussi énormes!
Les intérêts financiers des propriétaires se chiffrent par des montants hallucinants. Il suffit juste de voir les tarifs appliqués par élève et de multiplier par les nombres d’élèves (de clients devrait-on dire).
Les intérêts des enseignants issus du secteur public - qui le désertent en fait pour constituer la base du personnel pédagogique des établissements privés en contravention avec la loi – sont à la mesure du manque de conscience professionnelle des intéressés. Au lieu des 6 heures par semaine que leur accorde le statut de la fonction publique de 1958, la plupart des enseignants consacrent autant de temps sinon plus aux cours privés qu’à l’enseignement public qui leur assure sécurité de l’emploi, couverture sociale et médicale et retraite confortable.
Les enjeux sont beaucoup plus énormes car en fin de compte c’est l’école publique et ce sont les enfants du peuple qui paient le prix de cette situation.
Ne nous voilons pas la face et reconnaissons que la prolifération des établissements d’enseignement privé ne peut s’expliquer que par la rentabilité de ce secteur!
Sans entrer dans des détails, aussi sordides que des certificats médicaux de complaisance qui bloquent le fonctionnement de nombre d’établissements publics ou aussi aberrants que des grèves à répétition lancées par la kyrielle de syndicats aussi peu représentatifs les uns que les autres mais fidèlement suivis par la majorité des enseignants, on notera que les établissements privés ne connaissent pas ce genre de problèmes. Et pour cause, la moindre incartade est immédiatement sanctionnée par les directions qui veillent au grain…..disons plutôt au “blé”!
Tarifs exorbitants, enseignants du public détournés et débauchés, fiscalité incitative, laxisme des contrôles, sans parler des conditions d’accueil souvent loin d’être optimales, le secteur de l’enseignement privé veut finalement le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière!
Il est temps donc que les pendules soient remises à l’heure et que chacun prenne ses responsabilités en faisant exactement et scrupuleusement ce pour quoi il est payé!