Alors pourquoi Un Jour de Chance est-il un tel ratage ? Étiré comme un mauvais gag d’Harold Lloyd, le film s’intéresse au calvaire d’un ancien publicitaire au chômage qui, suite à un accident, se trouve cloué au sol d’un ancien théâtre romain, une barre de fer dans le crâne. S’ensuit une longue nuit, où « le petit homme du peuple » va chercher à profiter de cette soudaine célébrité. Vague réminiscence du Gouffre aux Chimères de Billy Wilder, Un Jour de Chance adopte le mauvais point de vue et le mauvais ton. Wilder épousait non pas le cynisme de la victime mais l’opportunisme du journaliste. Ici, en brandissant à chaque instant, l’étendard de la grande farce morale sur « la société du spectacle », le film enfonce des portes ouvertes à grands coups de cynisme à prise rapide. Les grands patrons y sont enfermés dans des tours d’ivoire high-tech déshumanisées, les directeurs de chaînes vivent au milieu des prostituées en robe de chambre léopard et les hommes politiques sont des mafieux en costume trois pièces. Quand à l’homme du peuple, s’il rêve de célébrité, ce n’est que pour payer des études à ses enfants. Comme si la vénalité populaire ne pouvait être qu’altruiste ! Certes, un peu de caricature ne fait jamais de mal et on pourrait imaginer que Alex de la Iglesia poursuit ici la veine « italienne » de Mes chers voisins : tous pourris, tous des monstres. Hélas, le film a trouvé sa Marie-Madeleine en la personne de Salma Hayek, l’épouse dévouée de ce nouveau Christ en devenir. Au milieu de tous ces personnages déformés par leur posture sociale et leur appât du gain, elle seule défend l’honneur et la vie. Jusqu’au final ridicule de complaisance moraliste, elle offre au film sa bonne conscience. Le film contrebalance donc en permanence son Humanité au « tout-à-l’égout » avec une émotion pas loin de la leçon de morale. Jamais le film ne réussit complètement à trouver la bonne distance. Si le sursaut de conscience de son personnage est tout à fait respectable, pourquoi avoir forcer le trait sur les autres personnages ? On nous rétorquera qu’il s’agit d’un conte, d’une fable et qu’il faut comprendre l’allégorie de l’ensemble. Le film reste bien trop sage, trop corseté dans son désir de « dénoncer le réel », pour emporter la mise.
Cousin éloigné du Superstar de X. Giannoli, Un Jour de Chance tire son titre original, La Chispa de la Vida, d’un slogan publicitaire créé par le martyr en devenir. C’est ce que devient aujourd’hui la crise pour le cinéma : un slogan publicitaire capable de nous faire prendre un mauvais film pour une fable humaniste révoltée. Pas sûr que les meilleures intentions fassent toujours les meilleurs films.
Renan Cros